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De l'attentat d'Orlando à celui de Bagdad : pourquoi le mois du ramadan 2016 a-t-il été aussi sanglant ?

Depuis le début du mois sacré des musulmans, au moins 430 personnes sont mortes dans des attaques-suicides revendiquées ou attribuées à l'Etat islamique.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une proche d'une victime de l'attentat de Bagdad, qui a fait au moins 213 morts, le 5 juillet 2016. (SABAH ARAR / AFP)

Orlando, Dacca, Bagdad... Depuis le début du mois de ramadan, le 6 juin, l'Etat islamique a multiplié les attentats particulièrement sanglants. Sur l'ensemble de la planète, au moins 430 personnes sont mortes dans des attaques-suicides, revendiquées ou attribuées à l'Etat islamique. Une série macabre qui s'est achevée lundi 4 juillet, à l'avant-veille de l'Aïd el-Fitr, par un triple attentat en Arabie saoudite, notamment dans la ville sainte de Médine.

Cette attaque n'a, pour l'heure, pas été revendiquée par l'Etat islamique (EI), mais son mode opératoire rappelle celui de l'organisation jihadiste, qui a déjà mené plusieurs attentats-suicides en Arabie saoudite. L'attaque a été décriée par de nombreuses factions islamistes pourtant connues pour leurs actions violentes, comme le Front Al-Nosra en Syrie ou les talibans en Afghanistan, car elle a touché un lieu saint. Francetv info revient sur cette série d'attentats perpétrés par l'EI pendant le ramadan.

"Une période propice pour le combat et pour le martyr"

Ce déchaînement de violences n'est pas une surprise. Au mois de mai, le porte-parole de l'Etat islamique, Abou Mohammed Al-Adnani, avait appelé, dans un message audio, ses partisans à intensifier les attaques pendant le mois sacré des musulmans. 

"Le mois du ramadan est un moment symbolique pour les factions jihadistes. C'est une période propice pour le combat et pour le martyr. Une opération suicide est plus valorisante pendant le ramadan, selon les kamikazes", explique à francetv info Wassim Nasr, journaliste à France 24 et auteur du livre Etat islamique : le fait accompli (éd. Plon, 2016).

Certaines attaques ont suscité une grande émotion planétaire. Ce fut le cas de l'attaque d'une discothèque gay d'Orlando (Etats-Unis), des exécutions dans un restaurant à Dacca au Bangladesh ou lors de l'attentat à la voiture piégée à Bagdad, qui a fait au moins 213 morts. De nombreux chefs d'Etat ont condamné ces actes. Mais d'autres attaques moins relayées ont aussi eu lieu au Yémen, au Liban ou en Jordanie pendant le mois de ramadan, comme le note CNN (en anglais).

Les civils particulièrement visés

Pour autant, ce mois du ramadan 2016 a-t-il été aussi sanglant qu'annoncé ? Les attentats ont-ils fait plus de morts que l'année précédente ? Compter le nombre de victimes des terroristes de l'Etat islamique est un exercice délicat. D'abord parce que toutes les attaques qui ont lieu en Irak ou en Syrie ne sont pas répertoriées, comme le notait Mother Jones (en anglais) en décembre. Ensuite, parce que tous les attentats n'ont pas été revendiqués par l'organisation jihadiste. Ainsi, l'attentat de l'aéroport d'Istanbul, qui a fait 42 morts, a été attribué à l'Etat islamique, alors que celui-ci n'en a pas formellement revendiqué la paternité.

"Ce que l'on peut dire cependant, c'est que ce mois a été particulièrement violent vis-à-vis des victimes civiles, estime Wassim Nasr. Lors des attaques d'Orlando, d'Istanbul, de Dacca ou de Bagdad, ce sont les citoyens et les ressortissants étrangers qui étaient ciblés." Dans son appel du 21 mai, le porte-parole de l'Etat islamique a appelé à frapper directement les civils et à n'avoir aucune "réticence" à frapper des "innocents en Europe à défaut de cibles militaires".

Ces attaques ont aussi marqué les esprits à cause du nombre de pays qui ont été touchés. En mai, l'Institute for the Study of War, un think tank américain spécialisé dans les questions de défense, prévoyait avec justesse la stratégie de jihad international appliquée par l'organisation jihadiste lors de ce mois de ramadan. Voici un extrait du rapport (en anglais)

"L'Etat islamique va mettre en œuvre une stratégie globale avec des campagnes simultanées et centrées autour de quatre cercles géographiques (...). Le premier est son terrain de base : l'Irak, la Syrie, la Jordanie, le Liban, la Palestine, Israël et le Sinaï. Ensuite, les pouvoirs régionaux : l'Arabie saoudite, l'Iran, la Turquie et l'Egypte. Puis le monde musulman et le monde non-musulman."

Un jihad global et internationalisé

Pour frapper partout sur le globe, l'Etat islamique s'appuie sur des factions jihadistes locales et indépendantes, comme l'explique Wassim Nasr. "En général, quand on évoque l'Etat islamique, on ne se concentre que sur la Syrie et sur l'Irak. Mais l'EI, c'est aussi l'Indonésie, l'Afghanistan, le Bangladesh... Si l'on considère les factions qui ont prêté allégeance, comme Abou Sayyaf aux Philippines ou Boko Haram au Nigeria, on se rend compte qu'il y a eu encore plus d'attaques pendant ce mois de ramadan. Même s'il n'y a pas de lien matériel, et que le mode opératoire diverge, toutes ces attaques se font finalement au nom de l'Etat islamique."

L'organisation jihadiste s'appuie de plus en plus sur ses partisans isolés. Elle les a incités, dans de nombreuses vidéos de propagande, à passer à l'acte dans leurs pays respectifs. Les attaques terroristes n'ont pas besoin d'être pilotées depuis l'Irak ou la Syrie pour porter le sceau de l'organisation terroriste. "Il suffit que les terroristes se revendiquent de l'Etat islamique", explique Wassim Nasr. Ce fut le cas d'Omar Mateen, le meurtrier d'Orlando (Floride, Etats-Unis), et sans doute le cas de Larossi Abballa, le terroriste de Magnanville (Yvelines).

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