Turquie : des députées voilées entrent au Parlement
C'est un tabou qui se brise, dans un pays où le port du voile a longtemps été interdit dans la fonction publique.
C'est une première depuis 1999. Quatre députées du parti islamo-conservateur AKP (Parti pour la justice et le développement), au pouvoir en Turquie, se sont présentées voilées jeudi 31 octobre au Parlement. Ces pionnières, qui ne portaient pas le voile à leur élection en 2011, ont décidé de le faire début octobre, après la décision du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, de mettre fin à l'interdiction du foulard islamique dans la fonction publique.
La question du voile est hautement symbolique en Turquie, où elle cristallise le clivage entre laïques et partisans de l'islam politique, qui invoquent les libertés de culte. Depuis 1999, aucune parlementaire ne s'était voilée dans cette enceinte. A l'époque, Merve Kavakci, élue sur une liste pro-islamiste, avait été obligée de quitter la salle sous les huées des députés, sans pouvoir prêter serment et exercer ses fonctions législatives.
L'opposition dénonce une "campagne politique"
Cette fois, tout s'est déroulé sans incident, a souligné le vice-Premier ministre, Bülent Arinç. "Nous avons attendu avec patience que la démocratie se renforce", a-t-il dit devant les députés, se félicitant d'un "changement de mentalités" en Turquie. "J'attends que tout le monde respecte ma décision. Le voile est une question entre le fidèle et son Dieu", a déclaré l'une des députées, Gönül Bekin Sahkulubey, citée par la presse.
L'opposition pro-laïque à l'Assemblée nationale, menée par le Parti républicain du peuple (CHP), a dénoncé une "campagne politique" de l'AKP avant les élections municipales de mars 2014. "Le pouvoir ne se rappelle de la religion que lorsque des élections se profilent à l'horizon", a critiqué Muharrem Ince, député influent du CHP. "Qu'allons-nous faire si des députées se présentent dans la salle avec une burqa ?" s'est interrogé l'un de ses collègues, Engin Altan.
L'opposition et les cercles pro-laïcité accusent également le gouvernement d'ouvrir une nouvelle brèche dans la laïcité. Accusé de vouloir "islamiser" la Turquie, le parti gouvernemental avait déjà suscité une vague de contestations après plusieurs dispositions surtaxant l'alcool et restreignant sa vente et sa consommation, bannie par l'islam.
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