Cet article date de plus d'onze ans.

Qui manifeste en Turquie ?

Le mouvement, très spontané, s'est cristallisé autour du projet de rénovation urbaine de la place Taskim d'Istanbul. Rapidement, de l'extrême-gauche à la droite nationaliste, tout le spectre politique turc s'est rejoint pour dénoncer les dérives autoritaires du gouvernement islamo-conservateur. Une récupération politique pas forcément du goût des premiers manifestants.
Article rédigé par Gilles Halais
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Stoyan Nenov Reuters)

Ils étaient là les premiers. Quelques
centaines de militants écologistes à occuper le parc Gezi en plein centre
d'Istanbul, pour empêcher le déracinement de 600 arbres dans le cadre du projet
urbain
qui fait disparaître les derniers espaces verts de la ville. Ce parc
arboré, historique, doit céder la place à des centres commerciaux comme il en
fleurit partout depuis dix ans en Turquie, et à une mosquée.

Avec l'arrivée des premiers
bulldozers il y a huit jours, le mouvement s'est diversifié. De nombreux
étudiants ou jeunes travailleurs, tournés vers l'Occident et très critiques vis-à-vis
du gouvernement Erdogan, ont rejoint les écologistes. Pour beaucoup d'entre
eux, c'est la première manifestation de leur vie.

Vendredi, face à l'intervention
musclée de la police pour les déloger, les manifestants ont lancé sur les
réseaux sociaux () un appel à la mobilisation générale. "C'est
un peu une révolte des jeunes contre le Père-Fouettard",
explique sur France Info le
politologue Ahmed Insel, professeur à l'université d'Istanbul.

De l'extrême-gauche à la droite
nationaliste

Dès vendredi soir, l'opposition
politique a pris le relais, saisissant l'occasion de dénoncer au monde entier les dérives
autoritaires du gouvernement au pouvoir depuis 2002.
Dans le viseur des opposants, on trouve pêle-mêle une loi qui restreint la vente d'alcool,
l'autorisation du voile islamique dans les universités ou encore des tentatives
pour limiter le droit à l'avortement ou prohiber l'adultère. S'ils ont réussi,
en à peine plus de dix ans, à multiplier par trois le revenu par habitant,
Erdogan et son équipe sont accusés de vouloir "islamiser" la société
turque.

Dans un premier temps, les
militants du Parti républicain du peuple (CHP) se sont affichés aux côtés des
protestataires, avant de prendre l'initiative, et d'appeler à leur tour à
manifester samedi
.
Se sont alors rassemblés des groupes qui n'avaient jamais été vus ensemble : supporters de foot, groupes socialistes, conservateurs, nationalistes ou encore des Kurdes et des Kémalistes.
Tous dénoncent la dérive autocrate d'Erdogan et sa dérive autoritaire, sous
couvert de lutte antiterroriste. Des milliers de personnes, dont des avocats,
des étudiants ou journalistes, sont emprisonnées dans l'attente d'un procès
pour leur soutien à la cause kurde. 

Reste que "cette politisation accélérée à laquelle on assiste n'est pas forcément ce que souhaitaient les manifestants pacifiques qui défendaient leur petit carré de verdure" , analyse Dorothée Schmid, chercheuse à l'Institut français des relations internationales. Et de pointer que Erdogan est un Premier ministre "élu, qui a une base électorale très solide ; il est très populaire" dans le pays.

Finalement, la question en suspens est de savoir si l'on assistera, ou non, à une extension de la révolte dans le pays. Pas si sûr...

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