10 ans de guerre en Syrie : les organisations de secours de France demandent "l'ouverture de corridors" humanitaires
L'Union des organisations de secours et soins médicaux de France appelle à une action humanitaire en Syrie, notamment avec "l'ouverture de corridors sur l'ensemble du territoire syrien", évoque sur franceinfo ce lundi Raphaël Pitti, médecin anesthésiste-réanimateur.
Depuis le début du conflit en Syrie, il y a 10 ans, près de 600 structures médicales ont été ciblées à plusieurs reprises par des attaques aériennes. 923 soignants ont été tués, selon l'Union des organisations de secours et soins médicaux de France (UOSSM). Face à cette situation, l'organisation lance une pétition "10 ans sous les bombes, stop aux bombardements des hôpitaux" pour dénoncer "une situation inadmissible et contraire aux conventions de Genève".
"Nous appelons à une action humanitaire très vite et très forte, avec l'ouverture de corridors humanitaires sur l'ensemble du territoire syrien", a lancé lundi sur franceinfo Raphaël Pitti, médecin anesthésiste-réanimateur, responsable formation à l'UOSSM. Le médecin humanitaire alerte sur la grande précarité de la population syrienne, pointant la destruction du "système sanitaire, éducatif, économique".
franceinfo : Les professionnels de santé, les structures de santé, font partie des premières victimes de ce conflit ?
Raphaël Pitti : En 2012, le premier hôpital dans lequel j'ai travaillé à Al-Dana [dans le nord de la Syrie, gouvernorat d'Idleb] a été bombardé au troisième jour de mon arrivée et ça n'a jamais cessé. Les structures ont été détruites. 60% du système sanitaire a été détruit volontairement. Il a été la cible à la fois du régime, mais aussi de ses alliés, la Russie en particulier.
Nous n'avons jamais arrêté de dénoncer ces crimes de guerre et ces crimes contre l'humanité, et en particulier contre les populations, avec l'utilisation d'armes chimiques et de toutes autres armes interdites sur le plan international.
Depuis 2013, date à laquelle la Commission européenne avait considéré que la Syrie était la plus grande catastrophe humanitaire depuis la dernière guerre, les choses n'ont fait qu'empirer. Tout le système sanitaire est détruit, le système éducatif, le système économique. La population elle-même, sur le plan social, a complètement explosé : six millions de personnes sont en Syrie, mais déplacées. Les autres six millions sont à l'extérieur de la Syrie. C'est une situation de catastrophe de très grande ampleur sur laquelle se rajoute le Covid.
Nous appelons à une action humanitaire très vite et très forte, avec l'ouverture de corridors humanitaires sur l'ensemble du territoire syrien, à l'arrêt de toute violence sur le territoire, au déblocage de fonds pour pouvoir permettre la réhabilitation du système sanitaire, du système éducatif, de l'eau et de l'électricité qui manquent beaucoup. Et puis, surtout, redonner du travail à cette population.
A l'heure actuelle, est-ce que l'aide sanitaire arrive ?
Dans la zone d'Idleb, il y avait auparavant quatre corridors humanitaires qui avaient été décrétés sous l'égide du Conseil de sécurité. Les Russes ont constamment fait pression pour les fermer, considérant qu'ils avaient gagné la guerre et que tout devait repasser par Damas. Ce qui est complètement faux. Sous la pression internationale, ils ont maintenu un seul corridor humanitaire pour 4,2 millions de personnes qui vivent dans la région d'Idleb. C'est largement insuffisant. Mais c'est insuffisant même pour l'ensemble du territoire syrien qui vit une crise de très grande ampleur.
J'ai changé un dollar pour 4 200 livres syriennes et le salaire moyen est à 10 dollars. Les gens ne trouvent rien à manger, ne trouvent rien à acheter parce qu'il n'y a pas de dollars pour pouvoir s'approvisionner à partir des pays voisins.
Après ces 10 ans de guerre, quel sentiment domine chez vous ? La colère, la tristesse, la frustration ?
C'est d'abord une colère très profonde. Actuellement, avec le Covid, chaque pays s'est retiré sur lui-même et ne s'occupe plus que de sa problématique. Et au niveau des grandes institutions, l'argent commence à faire défaut. On nous a demandé de revoir nos projets à la baisse sur le plan humanitaire. Il y a une situation de crise. On voudrait qu'à travers cette commémoration de ces dix années du soulèvement de la population, il puisse y avoir un regard porté sur la Syrie et qu'on prenne au moins des mesures humanitaires très rapides pour sauver cette population.
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