Frappes en Syrie : à "ceux assis au chaud" qui doutent de l'attaque chimique, un humanitaire les invite à aller "sur le terrain"
Le médecin et humanitaire Raphaël Pitti affirme, samedi sur franceinfo, qu'on se retrouve "de nouveau dans la guerre froide, entre d'un côté l'Est et de l'autre l'Ouest".
Alors que certains responsables politiques français condamnent les frappes occidentales qui ont eu lieu en Syrie dans la nuit de vendredi à samedi 14 avril, le médecin et humanitaire Raphaël Pitti a réagi samedi sur franceinfo. Ces frappes ont lieu en représailles à une attaque chimique présumée le 7 avril à Douma, près de Damas. Pour l'humanitaire, la réalité de cette attaque chimique est indiscutable.
franceinfo : Les attaques chimiques à Douma près de la capitale syrienne sont-elles incontestables ?
Raphaël Pitti : La réalité est incontestable. Ceux qui sont tranquillement assis au chaud, chez eux, et qui contestent ce qui se passe sur le terrain, je ne peux que les inviter à venir la prochaine fois et à m'accompagner en Syrie. Je leur montrerai sur le terrain ce qu'il en est. Dans cette situation, il y a eu utilisation de deux produits chimiques, le chlore qui a peu de conséquences létales, et un produit qui tue immédiatement.
Ces frappes étaient-elles attendues par la population syrienne ?
La population syrienne subit des exactions et des crimes contre l'humanité déjà depuis sept ans sans que cela n'ait induit de réactions internationales. Il y a un non-respect du droit humanitaire international depuis sept ans en Syrie. Pour les Syriens, la mort de 42 personnes à cause du chimique, qu'est-ce que c'est à côté des 450 000 morts et des 1,5 million de victimes syriennes ? Ça n'est rien. Ce qu'il aurait fallu mettre en balance, c'est la défense du droit humanitaire international, et interdire l'utilisation de toutes les armes qui sont prohibées comme le chimique, mais aussi le napalm, le phosphore.
Ces frappes ne sont-elles pas un moyen de taper du poing sur la table pour dire qu'il faut arrêter l'utilisation des armes chimiques et respecter le droit humanitaire international ?
Il aurait fallu alors présenter les choses différemment et ne pas parler que du chimique. Il aurait fallu mettre en avant le droit humanitaire international et les interdictions de crimes de guerre contre l'ensemble des populations tel que c'est fait. Il aurait fallu une coalition internationale pour défendre ce droit humanitaire qui n'est pas respecté. Quand je parle de coalition internationale, il aurait fallu avoir des pays du Golfe, l'Allemagne, un certain nombre d'autres pays. Or, on se retrouve avec une coalition entre l'Est et l'Ouest. On se retrouve de nouveau dans la guerre froide, entre d'un côté l'Est et de l'autre l'Ouest, ce qui n'est pas bon du tout.
Qu'aurait-il fallu faire ?
Il y a aussi le fait qu'on affame les populations, qu'on les assiège. Il y a aussi le fait qu'il y a 13 millions de personnes déplacées à l'intérieur de la Syrie. Il n'y a aucun respect de la règle même de la guerre. C'est cela qu'il aurait fallu mettre en avant. Il aurait fallu le faire avec une coalition internationale pour défendre ce droit humanitaire et les accords internationaux qui font obligation. La dernière décision de 30 jours de trêve n'a pas été respectée. [Il aurait fallu] dire : "Voilà ce que nous voulons et nous allons bombarder, parce que cela est nécessaire". Ça aurait du sens.
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