"Ils ont peur d'être victimes d'un massacre" : des Syriens de Turquie témoignent du drame vécu dans la région d'Idlib
Des Syriens, réfugiés de longue date en Turquie, font part de la situation menaçante pour leurs proches restés dans la région d'Idlib où ils viennent de séjourner.
En Syrie, les civils de la région d'Idlib, dernier bastion aux mains des rebelles, redoutent une offensive des forces de Bachar al-Assad, soutenue par la Russie. Ceux qui voudraient fuir se heurtent à la fermeture de la frontière turque. À Reyhanli, côté turc, des témoignages font état de la peur de ces habitants vivant dans une prison à ciel ouvert.
À Reyhanli, des Syriens descendent d’un bus bondé. S'ils ont passé la frontière, c'est qu'ils sont réfugiés depuis des années en Turquie. Ils reviennent de la région d’Idlib où ils ont passé plusieurs semaines avec leur famille pour la période des fêtes, dans un contexte de menace. Ce sont les témoins directs de ce qui se passe de l’autre côté de la frontière. "C'est terrible. Tous les jours, on pouvait voir cinq avions et cinq hélicoptères, en plus des tirs d'artillerie", lance l'un d'entre eux.
À l'écoute des témoignages, c'est plutôt le sud de la région d'Idlib qui semble, pour le moment, visé par les bombardements. Les deux fils de Mohamed al Babi ont quitté le bourg d’Al Habit, il y a quelques jours, chassés par la campagne aérienne du régime qui a dépeuplé, dit-il, ce secteur. "Il ne reste plus personne dans ces villages, à cause des bombardements aveugles, qui tuent des enfants et des innocents, affirme ce Syrien. L'armée libre n'a pas les moyens, pas d'armes lourdes, pour défendre nos familles face à l'offensive du régime."
"Sans argent, sans travail, où aller ?"
Dans la ville d'Idlib, d'après ces descriptions, les habitants produisent leur électricité avec des panneaux solaires. Ils ont de l'eau et s'ils en ont les moyens financiers, ils peuvent acheter de la nourriture. Mais le régime de la peur s'est installé, raconte Omar, un étudiant en médecine dont les parents vivent à Idlib. "Là-bas, la situation est vraiment difficile. Ma famille a peur en permanence d'un bombardement du régime. On a peur que l'armée entre dans Idlib", confie le jeune homme. Ses proches sont "contre" cette opération, affirme-t-il. "Ils ont peur d'être victimes de ce massacre."
Pour autant, l’exode massif redouté par les Turcs et la communauté internationale n’a pas commencé. Les habitants semblent s’accrocher encore aux efforts diplomatiques. Un choix dicté aussi par leur budget, explique Hamza Abdallah, en parlant de ses proches. "Ils n'ont pas d'argent, pas de travail. Où peuvent-ils aller ?, lance-t-il. La location d'une chambre dans un secteur sécurisé, c'est autour de 400 euros pour un mois. Tout est cher là-bas."
Depuis le début des bombardements, sept structures de secours ou de médecine ont été touchées. Samer Hallil fait partie de l'Union des organisations de secours et de soins médicaux (UOSSM), une ONG de médecins syriens qui intervient dans une quarantaine d'hôpitaux de la région. Il travaille à proximité du poste frontière. "Même si on a l'expérience de nombreuses attaques à Alep ou à Homs, on n'a toujours pas les moyens de faire des hôpitaux qui soient protégés, constate-t-il. Certains ont été installés à l'abri, dans des montagnes, mais la plupart des structures restent sans protection. On n'a pas les moyens de les installer sous terre."
Dans la région, les islamistes radicaux et les combattants syriens liés aux Turcs se partagent le terrain. La région sud actuellement touchée est défendue par les combattants dits de l’Armée syrienne libre, qui rejettent toute idée de réconciliation avec le régime, à l'écoute de leur porte-parole, Niji Abu Hozaïfa. "On ne peut pas faire ça pour Idlib. On a vu ce qui s’est passé à Deraa quand certaines factions ont signé l’accord de réconciliation avec le régime, il y a eu beaucoup d’arrestations, soutient-t-il. Les garanties données par les Russes et le régime n’ont pas été respectées."
La région d’Idlib est aujourd’hui devenue une grande prison à ciel ouvert. La seule zone sécurisée se trouve dans le nord de la Syrie, sous le contrôle des Turcs qui ont hermétiquement fermé leur frontière.
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