Syrie : peut-on contrôler les armes vendues aux rebelles ?
Identification, traçabilité… Des systèmes de contrôle des armes existent, mais ne sont pas forcément infaillibles.
Les rebelles syriens doivent pouvoir répondre "aux armes par les armes" et, en cas de refus de l'UE de lever l'embargo, la France "prendra ses responsabilités". A écouter François Hollande à Bruxelles, vendredi 15 mars, l'affaire est entendue. Paris et Londres livreront des armes aux rebelles, malgré les réticences de Berlin. Et ce, d'ici fin mai.
Pour le moment, officiellement, la France fournit une aide "non létale" : véhicules, nourriture, appareils de communication, gilets pare-balles… Mais François Hollande veut que cela change car "le plus grand risque, ce serait de ne rien faire, de laisser faire (...). Ce serait le chaos (...). Le plus grand risque, c'est l'inaction." On sent poindre l'inquiétude de voir les factions rebelles se déchirer et des groupes jihadistes s'ancrer dans le conflit. Alors la France veut prendre les devants, mais des questions demeurent sur les armes à livrer et sur leur contrôle.
Quelles armes pourraient être livrées aux rebelles ?
Le plus grand flou règne autour de cette question. Dans un entretien au Monde (article payant), le général Salim Idriss, chef de l'Armée syrienne libre, dit "recevoir de l'aide humanitaire et médicale" mais pas "les armes dont [la rébellion a] un besoin urgent, comme des lance-roquettes sol-air ou des missiles antichars".
Du matériel que les Occidentaux rechignent à livrer depuis plusieurs mois. Pour des raisons légales, mais aussi parce qu'ils redoutent que des missiles n'atterrissent dans les mains de groupes jihadistes, comme en Afghanistan dans les années 1980. Un argument balayé par le député socialiste Razzy Hammadi : "Je crois qu'aujourd'hui nous avons suffisamment d'informations, d'éléments de renseignement nécessaires pour que les armes ne soient pas livrées au tout-venant, comme cela avait été fait en Libye."
Zobel Behalal, chargé de plaidoyer "paix et conflit" au CCFD-Terre solidaire, est un peu dubitatif. "Il faut agir en Syrie, mais avant toute action, il faut se poser quelques questions. La France est incapable de contrôler des armes avec des gouvernements "normaux", alors avec un groupe rebelle… D'autant qu'il est disparate. Cela pose en soi-même un risque."
Par ailleurs, il souligne que les missiles sont souvent du matériel ultrasophistiqué qui coûte cher et nécessite une formation. "Dans ce cas, il faut que la France et le Royaume-Uni envoient des instructeurs, et le conflit prend une autre dimension." Ou alors ce seront des "missiles Milan qui se lancent à trois et nécessitent une semaine de formation". Il remarque que les rebelles ne cherchent pas forcément du matériel très sophistiqué, mais plutôt "beaucoup de munitions car l'apport du Qatar ne suffit pas toujours".
Comment contrôler ces armes ?
"Il faut absolument mettre en place un système de traçabilité", estime Jean-Pierre Maulny, spécialiste de l'armement à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) : "Numéroter, avoir un système d'identification indélébile pour chaque arme, et récupérer le matériel après." Comment ? "On doit pouvoir désigner un interlocuteur, pour savoir à qui réclamer les armes."
Reste que rien ne garantit que l'arme sera rendue. "Sur les armes légères, on n'a jamais trouvé de système efficace" pour les contrôler, admet le chercheur. Mais pour lui, "les choses vont dans le bon sens. Il vaut mieux que les livraisons d'armes soient officielles. Aujourd'hui, le système passe par les Saoudiens et les Qataris, avec des intermédiaires en Turquie."
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