Brexit: David Cameron contre Boris Johnson, inamicalement vôtre?
C’est par une intervention surprise devant les médias en février 2016 que Boris Johnson a fait savoir aux Britanniques qu’il soutenait le Brexit. Une surprise conforme à la personnalité de l’ancien maire de Londres. Et pour le premier ministre, David Cameron, le coup est dur car Boris est indubitablement un des hommes politiques les plus populaires. Et il sait faire campagne. Ne s’embarrassant pas trop de précisions, il fait valser les millions de livres sterlings pour défendre l'idée que l'Union Européenne est une calamité pour l'économie britannique.
Derrière les arguments échangés entre pro et anti-Brexit, les observateurs voient une bataille d'ambition entre le Premier ministre en poste et l'ex-maire de Londres. Charismatique, excentrique…et conservateur, Boris Johnson n’aurait qu’un rêve selon plusieurs journaux… devenir premier ministre. D’où son besoin de se démarquer de Cameron et son pari de choisir le camp de la victoire si le Brexit l’emporte. «Un Brexit marquerait la fin de son rival et copain David Cameron», note le Mirror.
Eton et Oxford: des amis de 30 ans
Pourtant derrière l'affrontement, les deux hommes ont des parcours très proches. Ils ont quasiment le même âge : Cameron est né en 66 et Johnson en 64. Ils ont tous les deux fréquentés les écoles phares de la grande bourgeoisie britannique, Eton et Oxford. Les deux ont d'ailleurs été membres du Bullingdon Club, association élitiste et sulfureuse d'étudiants à Oxford.
https://t.co/EP8gYHMHki@David_Cameron and his #Bullingdon #Buffoon Buddies pic.twitter.com/qNi5QJJX3j
— Eddie The Vote Thomas (@theuneasyreaper) March 2, 2016
Et ils sont devenus députés conservateurs en même temps lors des élections de 2001. Mais derrière ce parcours classique, la biographie de Boris Johnson montre un trajet plus original que celui de son adversaire. Alors qu'après Oxford, Cameron fréquente les cabinets ministériels avant de se hisser à la tête du Parti conservateur et de gagner le poste de Premier ministre, de son côté Boris Johnson suit des chemins de traverse.
Tour d’abord, l’ex-maire de Londres est né à New York et possède donc, aussi, la nationalité américaine. Et s’il a fait de classiques études en Angleterre, il a choisi le journalisme à la sortie de ses études.
So Boris Johnson's a flip-flopping, calculating, backstabbing narcissist. Who knew? https://t.co/NH3Zth6BBc pic.twitter.com/1BckdylZgI
— Kevin Maguire (@Kevin_Maguire) February 22, 2016
Autant David Cameron paraît lisse et policé, autant Boris Johnson sait jouer avec les médias...dont il a fait partie. Francophone, il a notamment été correspondant du Daily Telegraph à Bruxelles entre 88 et 94. «C’était un type sympa, anti-européen, mais moins primaire que les correspondants des tabloïds, des pigistes forcés de tomber dans tous les excès pour vendre leur copie», se souvient, dans Le Monde, Bruno Dethomas, ex-journaliste, ancien haut fonctionnaire européen et ancien porte-parole de Jacques Delors, alors président de la Commission.
Politiquement proches
Tout excentrique qu'il soit, Boris Johnson est un vrai conservateur. Il a fait sa carrière politique au sein du Parti Tory, tout comme son ex-compère d'Oxford. «C'est la première fois qu'ils sont opposés depuis», note d'ailleurs le Guardian. Les deux ont progressé en même temps au sein du Parti conservateur. Johnson fut d'ailleurs nommé membre du Shadow Cabinet en 2005 par le nouveau chef du Parti conservateur, un certain... David Cameron.
C'est sous l'étiquette conservateur que Boris Johnson a été élu maire de Londres, même si sa personnalité a beaucoup aidé dans son succès. Et en matière de «conservatisme», il n' a rien à envier au premier ministre. N'affirmait-il pas à propos des socialistes en France : «Il semble bien que les sans-culottes ont pris le pouvoir à Paris» ajoutant «Un ministre français a appelé un investisseur très important (Arcelor-Mittal) à quitter la France, je n’hésite pas à dire à tout le monde ici : “Venez à Londres, mes amis !” ».
Boris Johnson (qualifié de «politicien d'extrême droite» par le cinéaste Ken Loach) se revendique libéral en matière économique et, dans ce cadre, son orientation anti-européenne trouve matière à arguments contre une Europe jugée trop dirigiste, même si les principaux acteurs économiques britanniques sont opposés au Brexit et notamment la City de... Londres.
Boris Johnson, David Cameron and the day after Brexit https://t.co/XgOW6H89XB via @FT
— Alice Goodman (@AliceGoodman17) June 6, 2016
Une amitié entamée
Alors que Cameron affirme que «l'Union européenne a contribué à réconcilier des pays qui se sont déchirés pendant des décennies. C'est dans l'intérêt national du Royaume-Uni de maintenir un objectif commun en Europe pour éviter de futurs conflits entre les pays européens», Johnson replique immédiatement: «Je trouve très curieux que le Premier ministre, qui a voulu ce référendum, dise maintenant que la troisième guerre mondiale pourrait éclater en cas de Brexit. Dire que l'UE a été le garant de la paix sur notre continent risque selon moi d'amoindrir l'architecture fondamentale de l'Otan qui est le principal responsable de la paix» . Bref sur tous les sujets, les deux membres du Parti conservateur s'affrontent durement.
Les ponts semblent coupés entre eux. Dans un entretien au journal britannique Glamour, le premier ministre a reconnu que le lien entre eux avait souffert. Dans sa campagne pour le «leave» (quitter l'Europe), l'ancien maire de Londres a vivement attaqué l'accord négocié entre Cameron et l'Union européenne estimant que «Bruxelles cherchait toujours à créer un pays appelé Europe».
De son côté, Cameron a réaffirmé que, même en cas de victoire du Brexit, il n'envisageait pas de démissionner. Une position jugée intenable. «Soit une majorité de Britanniques le suivent, le 23 juin, et "Boris" sera bien placé pour mener un putsch au sein du Parti tory et succéder à David Cameron; l'actuel Premier ministre, désavoué, subirait alors le même sort que Margaret Thatcher, renversée, le 28 novembre 1990, à la faveur d'un "coup d'Etat" interne au mouvement», résumait L'Express. De son côté, Boris Johnson a reconnu avoir consulté les instances du Parti pour savoir combien de députés seraient prêts à le suivre.
A l'approche du référendum du 23 juin, le ton monte. Cameron évoque une «décénnie perdue» en cas de sortie de l'UE, Johnson en appelle aux mânes de l'Histoire et aux souvenirs de Napoléon et Hitler pour défendre le Brexit: «L'histoire européenne est jalonnée de tentatives de retrouver l'âge d'or de la paix et de la prospérité de l'ère romaine. Napoléon, Hitler, plusieurs personnes ont essayé de le faire, et cela s'est terminé de manière tragique. L'Union européenne est une autre tentative avec des méthodes différentes».
L'un est mince et plutôt rigide, l'autre est plus en rondeur sachant attirer les photographes. Deux attitudes que certains Anglais ont rapproché de deux figures historiques britanniques: celles de Chamberlain, qui serra la main d'Hitler en 38 et celle de Churchill qui mena la résistance britannique. Si certains n'ont pas hésité à accuser Cameron d'être le nouveau Chamberlain... personne ne compare vraiment Boris Johnson à Churchill... Si ce n'est en photomontage.
#eureferendum #euref #brexit https://t.co/Z2jbye8IQw Churchill or Chamberlain? pic.twitter.com/tgYsLAI9oa
— Daily Squib News (@DAILYSQUIB) June 9, 2016
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