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Brexit : et la reine, qu'en pense-t-elle?

Si le vote sur le Brexit met le Royaume-Uni en émoi, nul ne sait ce que pense la reine. En mars 2016, le «Sun», le plus grand tabloïd britannique ouvertement europhobe, a affirmé qu’Elizabeth II, symbole de l’unité du pays, partageait son point de vue. Et l’avait fait savoir lors d’un déjeuner au château de Windsor en 2011. Problème : l’un des principaux témoins cités ne s’en s'en souvient pas...
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min

S’adressant à Nick Clegg, qualifié par le Sun de «pro-Européen passionné», la souveraine aurait expliqué à celui qui était alors vice-Premier ministre, qu’elle pensait que l’UE allait dans la mauvaise direction. «En colère», la reine aurait ajouté, selon le quotidien: «Je ne comprends pas l’Europe.» «Sa cinglante diatribe a duré un certain temps, laissant les autres convives médusés.» Parmi eux, il y avait «plusieurs autres ministres». L’information aurait été transmise au tabloïd par «une source très fiable». Sans plus de précision.


Révélée cinq ans après les «faits», l’«affaire», fort opportunément révélée par un organe de presse qui fait ouvertement campagne en faveur du Brexit, n’a pu que ravir les partisans du «Out».

Pour autant, Nick Clegg, nommément cité, a formellement démenti le royal courroux anti-européen dans un tweet. «Je n’ai aucun souvenir de l’évènement et ce n’est pas le genre de chose que j’oublierais facilement», y explique-t-il.


Le palais de Buckingam a, lui aussi, aussitôt démenti les propos de la souveraine, qualifiant les informations du Sun d’«informations fausses, fournies par des sources anonymes». Il a rappelé que «le référendum était l’affaire du peuple britannique». Annonçant son intention de porter plainte, il a rappelé que la reine était «politiquement neutre, comme elle l’est restée pendant les 63 ans de son règne».

De fait, traditionnellement, Elisabeth II a toujours été d’une parfaite neutralité politique. «Elle n’a ainsi jamais interféré dans les dossiers politiques de son pays», rappelle France 24. «Elle règne, mais ne gouverne pas. (…). Il est donc peu probable qu’elle s’exprime sauf en cas de péril de la nation», observe de son côté le correspondant de France 2 à Londres, Loïc de la Mornais, cité par francetv info. Comme le fit son père, le roi George VI, avec sa fameuse intervention radiophonique du 24 mai 1940, en pleine débâcle française, au début de la Seconde guerre mondiale.

Et la PAC dans tout ça?
Pour prouver l’attitude de réserve de la monarchie face au référendum, les partisans du «In» citent un discours prononcé à Berlin en juin 2015. Elizabeth II déclarait alors: «Nous savons que la division de l’Europe est dangereuse. Nous devons nous en prémunir à l’Ouest comme à l’Est de notre continent. Cela reste un effort commun.»

Les exégèses de la parole royale ont eu aussi les oreilles tournées vers des propos du prince William, petit-fils de la souveraine, prononcés en février 2016 lors d’un discours devant des diplomates au Foreign Office: «Dans un monde de plus en plus tumultueux, il est essentiel que nous puissions nous unir à d’autres nations pour mener des actions communes. C’est le fondement de notre sécurité et de notre prospérité.» Un discours pendant lequel le duc de Cambridge a prononcé six fois le mort «partenaire» ou «partenariat». Tout en mentionnant, l’OTAN, l’ONU et le Commonwealth. «Mais il a diplomatiquement passé l’UE sous silence», observe le Guardian. Malgré ce prudent silence, les adversaires du Brexit ont aussitôt interprété ces propos comme un soutien à la cause européenne.


Pour autant, ces déclarations, très générales, ne prouvent pas que la famille royale ait dérogé à son habitude de neutralité politique. Les passions de la campagne ont sans doute vite fait de s’emballer… Une chose est sûre, comme le rappelle Loïc de la Mornais, Elizabeth II, propriétaire de nombreuses terres, est personnellement concernée… par la Politique agricole commune (PAC). En 2012, le Daily Mail écrivait qu’elle avait ainsi reçu, en 10 ans, pour 7 millions de livres (9,12 millions d’euros) de subventions agricoles de l’UE pour son domaine autour du château de Sandringham (est de l’Angleterre)… 

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