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Brexit: et les droits des Européens vivant au Royaume-Uni dans tout ça?

Le Parlement britannique a validé, le 13 mars 2017, le déclenchement du Brexit. Mais les députés ont refusé un amendement sur les droits des 2,26 millions de citoyens de l’UE (dont plus de 300.000 Français) au Royaume Uni. Quel est l’avenir de ces migrants ? Et quelles seront les conséquences du vote pour le pays?
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min

Louise, une ressortissante française, a travaillé pendant cinq ans dans un musée à Londres à la fin de ses études. Le 23 juin 2016, elle a pris le chemin du retour. Le 23 juin 2016: le jour du Brexit, date symbolique. Sa décision de rentrer n’était pas liée au vote. «Mais je n’entendais pas rester dans un pays qui a manifesté une telle défiance vis-à-vis des étrangers», explique à Géopolis la jeune trentenaire qui a enfin trouvé un job à Paris.

Cette défiance s’est traduite dans des actes de violence. Selon la police de Londres, citée par Géopolis en février 2017, 3356 délits racistes ont été commis dans la capitale britannique et sa région depuis le 23 juin 2016. Dans le même temps, le reste de «l'Angleterre et le Pays de Galles connaissent un accroissement considérable de ces délits, avec parfois une augmentation de plus de 50% dans certaines régions».

Dans les jours qui ont suivi le 23 juin 2016, des Français vivant en Grande-Bretagne ont été visés par des agressions verbales. De son côté, la communauté polonaise (831.000 personnes, dont 90% arrivées depuis 2004), aujourd’hui la plus importante communauté étrangère du pays, a été particulièrement touchée. Le 29 août 2016, Arkadiusz Joswik, 39 ans, est mort après son agression, deux jours plus tôt, par une quinzaine de mineurs de 15 à 16 ans à Harlow (50 km au nord de Londres). Par la suite, l’ambassade de Varsovie a dénoncé la hausse de la xénophobie dans le royaume. 

«Les gens ont peur ici, et je ne parle pas que des Polonais, mais de tous les étrangers. Certains n’osent plus parler dans la rue de peur de se faire agresser», a raconté à La Croix Eric Hind, un ami d’Arkadisz Joswik. «On monte cet incident en épingle. Depuis mon arrivée, il y a neuf ans, je n’ai jamais été victime d’actes xénophobes», nuance Agnieska, 31 ans, citée elle aussi par le quotidien français. Tout en admettant «sentir que les Anglais ne nous aiment pas»


Marchandages
Dans ce contexte, que vont devenir les millions d’Européens travaillant sur le sol d’Albion? Pour l’instant, nul ne le sait. Leur sort risque d’être l’objet de marchandages entre Londres et Bruxelles à la suite du déclenchement de l’article 50, prévu «avant fin mars» 2017, aux dires de la Première ministre conservatrice Theresa May. Cette dernière a d’ores et déjà fait savoir que les droits des Européens installés outre-Manche seraient garantis. A condition que ceux des 1,2 million de Britanniques expatriés le soient aussi.

Pour autant, la situation est tout sauf claire. Et le gouvernement reste très discret sur la manière dont il entend procéder pour réaliser le Brexit.

Une attitude qui ne fait pas l’affaire de secteurs d’activités comme l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, où les employés européens sont particulièrement nombreux (jusqu’à 40% dans l’agroalimentaire). «Le Brexit concerne tous les aspects de l’agriculture. Mais nous ne savons pas comment les choses vont se passer», dit-on à la NFU, la FNSEA britannique, citée par The Economist.

Déficit de main-d’œuvre
Il faut dire, à la décharge du gouvernement, que la tâche du Brexit s’annonce immense. Entre les milliers de législations à revoir. Les négociations à mener pour conclure des accords commerciaux avec d’autres pays que ceux de l’UE (laquelle absorbe la moitié des exportations britanniques). Et les solutions à trouver avec les anciens partenaires de l’Union, entre autres sur la question de l’immigration. Le silence de Theresa May s’explique peut-être par le fait qu’elle-même ne sait pas où elle va, ironisait The Economist en janvier 2017…

Actuellement, le solde migratoire de la Grande-Bretagne s’élève à 273.000 personnes pour la période septembre 2015-septembre 2016 (contre un peu moins de 70.000 en France en 2016). Dans le passé, les conservateurs au pouvoir ont déjà fait savoir à plusieurs reprises qu’ils entendaient réduire, d’ici 2020, à moins de 100.000, le nombre de migrants arrivant chaque année dans le pays. Un objectif rappelé en juillet 2016 par le 10 Downing Street. Qui a précisé que cela prendrait un peu de temps…


«Dans le secteur hospitalier, les hôtels et les restaurants, dans le secteur social, agricole (combler le manque de main d’œuvre lié à la fin de l’adhésion de l’UE) va prendre du temps. Il s’écoulera de nombreuses années avant que des citoyens britanniques puissent prendre les postes» laissés vacants, a répété le secrétaire d’Etat au Brexit, David Davis, lors d’une visite fin février en Estonie. De là à dire que cela n’aura jamais lieu…

Maux de tête
Mais le vote sur la sortie de l’UE a déjà des conséquences en terme d’immigration. Ainsi, les patrons peinent à pourvoir les postes vacants au sein de leurs entreprises, comme le montre une enquête menée auprès de plus de 1000 sociétés. Selon cette étude, le nombre d’immigrants européens a ralenti de près de moitié au 4e trimestre 2016. Et plus d’un quart des firmes interrogées estiment que leurs employés continentaux pourraient repartir…  

La complexité de la situation tourne parfois à la quadrature du cercle. Prenons l’exemple des quelque 100.000 retraités britanniques qui coulent des jours heureux sous le soleil espagnol. Dans le même temps, un nombre équivalent d’Espagnols travaillent dans la froidure d’Albion, où ils payent des impôts et des charges sociales. Qui aident à payer les pensions des retraités britanniques. Le départ des migrants ibères signifierait donc autant de rentrées financières en moins. De quoi donner bien des maux de tête à Theresa May et à ses collègues…

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