Haine anti-immigrés, réseaux sociaux et fake news... Derrière les émeutes au Royaume-Uni, "c'est bien l'extrême droite qui est à la manœuvre", selon une spécialiste
Condamnations "rapides", envoi de policiers spécialisés... Le Premier ministre britannique Keir Starmer a promis lundi 5 août une réponse ferme pour mettre un coup d'arrêt aux violences d'extrême droite qui se sont propagées à travers le Royaume-Uni pendant le week-end.
Slogans "trop, c'est trop", affrontements avec la police, pillages de commerces, des émeutiers qui s'en prennent physiquement à des personnes noires... Une semaine après l'attaque au couteau qui a coûté la vie à trois fillettes à Southport, dans le nord-ouest de l'Angleterre, le pays est confronté à ses pires troubles depuis 13 ans où se mêlent fausses informations sur l'origine du suspect et racisme décomplexé et violent. La police a procédé à plus de 378 interpellations depuis le début des heurts, selon le National Police Chiefs' Council (NPCC), qui regroupe les chefs des différentes forces de police à travers le pays.
"Ça a tout de suite réveillé une partie de la population britannique"
Pour Laetitia Langlois, maîtresse de conférences en civilisation britannique à l'université d'Angers, l'ombre de l'extrême droite plane sur ces événements. Et ces comportements racistes et xénophobes ne sortent pas de nulle part : "On l'avait bien vu notamment au moment du Brexit, mais on avait l'impression que ça s'était peut-être un petit peu calmé, un petit peu apaisé. Or, cet événement de trois jeunes petites filles assassinées, ça a tout de suite réveillé une partie de la population britannique qui nourrissait déjà une haine anti-immigrés, avec l'idée que c'était forcément un immigré et musulman", décrypte-t-elle.
Âgé de 17 ans, le suspect, Axel Rudakubana, né au Pays de Galles de parents originaires du Rwanda, selon les médias, est accusé de meurtres et tentatives de meurtres. Sur les réseaux sociaux, se sont répandues de fausses informations ou spéculations non étayées hostiles aux migrants et aux musulmans, en lien avec cette affaire.
Les spécialistes de l'extrémisme au Royaume-Uni y voient notamment là l'œuvre d'idéologues d'extrême droite rejoints par des jeunes désœuvrés, le tout s'inscrivant dans une nouvelle stratégie de plus en plus présente sur Internet, en complément des traditionnelles violences de rue. Le Royaume-Uni connaît de longue date des mouvements d'extrême droite actifs et violents. Le Front national britannique, raciste et anti-immigrés, associé avec la culture skinhead, a émergé dans les années 1960 et 1970. Le British National Party, qui en est issu, a gagné en importance au début des années 2000. Les années 2010 ont connu l'émergence de groupes nouveaux, plus diffus, liés au milieu du hooliganisme, avec des mouvements comme l'English Defence League, anti-islam et plus récemment le groupe néonazi Patriotic Alternative.
Les réseaux sociaux mis en cause
Ces dernières années, de tels groupes se tournent de plus en plus vers les populations défavorisées pour encourager et amplifier, via les réseaux sociaux, les inquiétudes de la droite traditionnelle concernant le niveau d'immigration, régulière et irrégulière.
Pour Laetitia Langlois, pas de doute : malgré l'écrasante victoire de la gauche aux dernières élections législatives, l'entrée - pour la première fois - de Nigel Farage et son Reform Party au parlement britannique ont un impact. "C'est bien l'extrême droite qui est à la manœuvre, et notamment l'English Defence League, qui est un groupuscule clairement identifié anti-musulman. Vous avez également Nigel Farage, le leader du Reform party qui était avant le parti Ukip, et vous avez également un influenceur masculiniste, qui a une influence très forte en ce moment, dans ce contexte d'émeutes anti-immigrés", explique-t-elle à franceinfo.
"Tommy Robinson", alias Stephen Yaxley-Lennon de son vrai nom, est un agitateur antimusulman au casier judiciaire fourni qui a contribué à fonder l'EDL en 2009. Ces derniers mois, il a organisé de grandes manifestations, mais se trouve actuellement à l'étranger, d'où il a abondamment alimenté les réseaux sociaux de messages relatifs aux heurts. Autrefois supprimé, son compte X (ex-Twitter) a été rétabli par le patron de la plateforme Elon Musk l'année dernière. Le milliardaire a lui-même été accusé d'attiser les tensions. Dimanche, il a écrit "la guerre civile est inévitable" en réponse à un usager imputant les émeutes aux "effets des migrations de masse et des frontières ouvertes".
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