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Charles III : continuité, modernisation, rénovation... Quel sera le style du nouveau roi ?

Le nouveau roi, proclamé samedi, va s'attacher à assurer la continuité de la monarchie tout en cherchant à imprimer son style. Connu pour ses engagements en faveur de l'écologie et de la lutte contre les inégalités, il devra aussi veiller à conserver la neutralité dévolue au monarque britannique.

Article rédigé par franceinfo
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Charles III, accompagné de la reine consort Camilla, le 10 septembre 2022, lors de la proclamation officielle du nouveau roi Charles III au palais Saint James, à Londres (Royaume-Uni). (JONATHAN BRADY / AFP)

Le nouveau souverain du Royaume-Uni s'est dit prêt à assumer ses "devoirs et lourdes responsabilités". Officiellement proclamé roi par le Conseil d'accession réuni à Londres, samedi 10 septembre, deux jours après la mort d'Elizabeth II, Charles III ouvre une nouvelle page de la dynastie des Windsor.

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Son règne s'annonce plus court que celui de sa mère, qui est restée 70 années sur le trône à la tête du Commonwealth, mais l'ancien prince de Galles a la possibilité de laisser une trace par ses décisions.

Vers une monarchie resserrée 

Au-delà des pièces de monnaie, des timbres et de l'hymne national, le nouveau souverain devrait aussi amener son style et des changements dans la monarchie britannique. "Il sera un roi plutôt bienveillant (...) mais très différent de sa mère", affirme à l'AFP Michel Faure, auteur d'une biographie du prince Charles. L'ex-prince s'est notamment illustré par son action dans la lutte contre les inégalités à travers de nombreuses fondations. "Il infléchira sans doute le rôle du monarque dans un sens plus actif, plus investi dans la vie collective", estime Stéphane Bern, dans une note de blog écrite pour Paris Match.

Interrogé par la BBC*, le politologue Vernon Bogdanor anticipe également un plus grand investissement royal dans les arts, la musique et la culture. Mais Charles III accède au trône dans une période difficile, le Royaume-Uni étant confronté à la pire crise économique de ces 40 dernières années. Dans ce contexte, il devra aussi veiller à ne pas donner une image trop dispendieuse de la famille royale. Son train de vie a été parfois critiqué, même si ses dépenses étaient jusque-là financées par les revenus du duché de Cornouailles, créé en 1337 pour assurer la subsistance de l'héritier du trône, et lui rapportaient plus de 20 millions de livres par an (plus de 22 millions d'euros).

De nombreux spécialistes évoquent la préférence du roi pour une monarchie "allégée", ce qui serait aussi un moyen de faire des économies. "Le prince Charles est en faveur d'une famille royale plus rationnelle, avec moins de personnes qui assument des fonctions publiques", expliquait en février l'historienne canadienne Carolyn Harris dans Paris Match.

Ils sont actuellement une dizaine à vivre aux frais de la couronne et le nouveau roi pourrait choisir de resserrer le groupe autour d'un noyau composé de lui, de Camilla, de William et de Kate. La tendance a déjà été impulsée avec la mise en retrait du prince Andrew, frère de Charles, mis en cause pour son amitié avec le défunt financier américain Jeffrey Epstein, accusé de trafic de mineures, puis le départ en Californie de son fils Harry. Pour Robert Hazell, professeur de droit constitutionnel à l'University College London, au-delà de l'aspect financier, l'intérêt de poursuivre sur cette voie est surtout de limiter les risques qu'un membre de la famille royale ne "dérape".

Le sceau de l'écologie

Passionné de botanique et d'agriculture biologique, Charles véhicule une image de défenseur de l'environnement depuis plusieurs décennies. Dès les années 1970, il se fait remarquer par ses prises de positions, comme lors d'un discours en février 1970 alertant sur la pollution marine. "Dans les années 1980, il était perçu comme un amoureux de la nature, ce qui n'était pas un compliment à l'époque", rappelle aussi à franceinfo Anna Whitelock, historienne spécialiste de la monarchie. Le prince a ainsi lancé sa propre marque en 1990, Duchy Organics*, rapidement devenue une référence du "bio".

Depuis l'année 2007, l'empreinte carbone de Charles et Camilla fait par ailleurs l'objet d'un rapport. Elle s'est élevée en 2019 (PDF) à 3 344 tonnes de CO2, en 2020 (PDF) à 1 682 tonnes de CO2 et en 2021 (PDF), à 801 tonnes de CO2. Au fil des années, l'héritier de la couronne a milité pour la protection des espèces rares ou pour des investissements plus verts. En tant que roi, Charles devrait donc porter le souci de l'environnement au plus haut de la couronne. "C'est un humanitaire dans l'âme. (...) Il parle souvent du monde qu'il va laisser à ses petits-enfants. Il s'en inquiète", raconte ainsi à la BBC Hitan Mehta, qui a travaillé avec lui au sein de l'organisme British Asian Trust.

Défenseur de la ruralité, critique de l'architecture moderne, il a créé deux petites villes sur ses terres dans le sud-ouest de l'Angleterre, Poundbury en 1993 et Nansledan, en 2013, basée sur ses idées d'une architecture traditionnelle et de développement durable. Mais en tant que monarque, Charles sera observé dans sa capacité à passer des paroles aux actes, notamment sur la gestion du patrimoine royal. "Les Windsor détiennent 1,4% des terres du Royaume-Uni", selon les estimations du mouvement écologiste Wild Card*. Pourtant, l'immense majorité n'est pas gérée de façon écoresponsable, estime le biologiste Dave Goulson, interrogé par franceinfo.

La nécessaire continuité monarchique 

Malgré les ajustements possibles, Charles III sait qu'il est infiniment moins populaire que sa mère et qu'il devra avant tout garantir la stabilité et la continuité de la monarchie. A 73 ans, c'est un "vieil homme" qui monte sur le trône, estime le professeur de droit Robert Hazell. "Ce sera très difficile pour lui de prendre la suite de la reine." 

"La monarchie va probablement traverser des temps difficiles."

Robert Hazell, professeur de droit constitutionnel

à l'AFP

Charles n'était qu'à 54% d'opinions favorables dans un récent sondage YouGov* en mai, loin derrière la reine (81%), son fils le prince William (77%) sa belle-fille Kate Middleton ou sa sœur la princesse Anne. Camilla plafonnait à 47% d'opinions positives. S'il ne parvient pas à renouer avec ses sujets, le nouveau roi prend le risque de relancer les espoirs des partisans d'une abolition de la monarchie au profit d'une république, même si pour l'instant cette idée est soutenue par seulement 15% des Britanniques ces dernières années.

Mais comment se rendre plus populaire ? "Il sait depuis ses débuts que son style devra changer. Le public ne voudra pas d'un monarque en campagne [politique]", explique à la BBC le politologue Vernon Bogdanor. Elizabeth II avait su entretenir le prestige de la monarchie, en ne donnant aucune interview et en gardant ses opinions pour elle. Le roi Charles a conscience qu'il ne pourra pas, en tant que roi, livrer ses opinions comme avant. "Je ne suis pas si stupide. Je me rends compte que c'est un exercice distinct d'être souverain", assurait-il dans une interview à la BBC* diffusée en 2018. "Ne vous attendez pas à des différences énormes. Il sera très prudent", confirme toujours à la BBC la commentatrice royale Victoria Murphy. 

Le nouveau roi a commencé par rassurer ses sujets dans son premier discours vendredi soir. Il a promis de servir les Britanniques toute sa vie, comme sa mère Elizabeth II l'avait fait à son 21e anniversaire. "Je m'efforcerai de servir avec loyauté, respect, amour." Pour le tabloïd The Sun, le discours a apaisé certaines craintes. "Nous avons parfois craint qu'il ne soit un roi militant, un risque pour l'avenir de notre monarchie. Mais plus maintenant." Mais pour Robert Hazell, la neutralité de Charles III s'annonce "très difficile" à tenir dans le temps, notamment face aux velléités d'indépendance de l'Ecosse, tout en voulant sauvegarder la monarchie.

* Tous ces liens pointent vers des contenus en anglais.

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