Pourquoi Gibraltar est-il anglais ?
L’été a été chaud entre Londres et Madrid, ces deux capitales de pays membres de l’Union européenne. Objet de la mini crise qui oppose les deux pays : Gibraltar, un territoire de 6,5 km2 situé au sud la péninsule ibérique, séparé de l’Espagne par une minuscule frontière de 1,2 km de long.
Signe de crispation, le Premier ministre britannique David Cameron s'est dit le 6 août «très préoccupé» par les récents développements concernant Gibraltar, après que le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel Garcia Margallo a affirmé envisager un droit de péage de 50 euros pour entrer ou sortir de l'enclave britannique, revendiqué par l’Espagne. Sur le terrain, la querelle se traduit par des queues à la frontière entre la péninsule et l'Espagne en raison du soudain zèle des douaniers ibères. Pour tenter de calmer la tension, le Premier ministre britannique, David Cameron, devait s'entretenir le 6 septembre avec le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, en marge du sommet du G20 à Saint-petersbourg.
« Pleine et entière propriété »
Gibraltar – qui viendrait du mot arabe «jabal Tariq» (le mont Tariq, nom du premier conquérant musulman de la péninsule,Tariq ibn Ziyad) – est devenu espagnol à l’issue de la Reconquête, en 1492, avec la défaite du royaume maure de Grenade.
En 1704, l’amiral George Rook, prend le territoire lors de la complexe guerre de succession d’Espagne. Un traité, celui d’Utrecht en 1713 (il y a 300 ans) reconnaît la propriété des Anglais sur le Rocher qui domine le détroit du même nom. Ce traité accorde à Londres «la pleine et entière propriété de la ville et des châteaux de Gibraltar, conjointement à son port, défenses et forteresses». Pour les Espagnols, qui tenteront en vain de récupérer le Rocher, le traité ne dit mot des eaux territoriales autour de Gibraltar, où se déroule le conflit pour la pêche.
En 1830, la Grande-Bretagne fait de Gibraltar une colonie britannique qui a longtemps eu un rôle militaire important, en raison de sa situation stratégique à l'entrée de la Méditerranée. On est loin de la légende prétendant que Gibraltar restera britannique tant que sa population de singes (environ 240 individus) peuplera le Rocher.
Crises à rebondissements
L’actuelle crise entre Londres et Madrid à propos du «Penon» (nom que donnent les Espagnols au Rocher) n’est pas la première. En 2012, la tension, déjà sur des questions de pêche (sujet principal de litiges entre les deux pays avec la fiscalité), s’était manifestée, notamment, par le refus de la reine d’Espagne de se rendre à un repas de têtes couronnées organisée par Elisabeth II au Royaume-Uni…
Mais cette tension récurente connait des hauts et des bas. La frontière se ferme, s’entrouve ou s’ouvre au gré des crises. La situation s'est tout de même améliorée depuis l'époque où Franco fit fermer la frontière entre le territoire britannique et l'Espagne. Une frontière qui s'est rouverte progressivement. En 1982, les Espagnols l'ouvrent pour les piétons, puis la libre circulation est rétablie fin 1984.
Les gouvernements socialistes espagnols avaient réchauffé les relations entre les deux pays. En 2009, pour la première fois depuis la prise du Rocher par les Anglais, un ministre espagnol s’était rendu à Gibraltar. Aujourd’hui, le ministre espagnol conservateur des affaires étrangères affirme : «Jamais je ne foulerai le sol de Gibraltar tant que n’y flottera pas un drapeau espagnol.» Le discours a changé, la crise est passée par là. «Depuis l’arrivée au pouvoir du Parti populaire (PP, droite) en décembre 2011, Madrid a peu à peu détricoté le rapprochement tissé par le socialiste José Luis Rodríguez Zapatero», note François Musseau dans Liberation.
De leur côté, les habitants du Rocher (qui gèrent de façon autonome leur territoire) ont toujours fait savoir qu’ils souhaitaient rester britanniques. En 2002, lors d’un référendum, les Llanitos (nom du dialecte des Gibraltariens) avaient confirmé à 99% leur attachement à la couronne britannique. En 1967 déjà, ils avaient exprimé leur volonté de rester britanniques..
De l’autre côté du détroit, un pays suit de près la situation du «Penon», le Maroc…En effet, l’Espagne possède sur la côte africaine deux enclaves, Melila et Ceuta… dont le problème fait écho à celui de Gibraltar…
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