: Reportage Des collégiennes et lycéennes britanniques luttent "pour bannir les uniformes scolaires des sex-shops"
A Sandbach, des jeunes filles de 13 à 17 ans ont lancé une pétition : elles réclament l’interdiction de la vente d’uniformes scolaires dans les sex-shops.
Dans la salle de classe où elles sont réunies, dans leur collège de Sandbach, au nord de l'Angleterre, elle se réjouissent à l’idée d’ouvrir un paquet de gâteaux apporté par leur professeur. Comme des enfants, ce qu’elles sont encore. Elles portent toutes l’uniforme imposé par l’établissement : veste bleue, chemise blanche, cravate rayée, jupe à carreaux. Une tenue obligatoire pour 90% des élèves de Grande-Bretagne, seules les couleurs varient. Un uniforme porté uniquement par des mineures, jusqu'à 16 ans, et qui pourtant suscite des réactions masculines totalement déplacées. Anna, 17 ans, est la plus âgée du groupe. Elle peut désormais s’habiller comme elle veut et la différence lui saute aux yeux : "J’ai clairement vécu des situations horribles quand j’étais en uniforme, quand je rentrais à pied à la maison ou dans les transports publics. Je l’ai porté de l’âge de 6 ans jusqu’à il y a peu. Je ne le porte plus désormais. La différence est dingue ! On m’accostait, les voitures me klaxonnaient, beaucoup plus quand je portais l’uniforme par rapport à maintenant.", dénonce-t-elle.
Dans cet établissement de 1 200 jeunes filles, à Sandbach, une trentaine d'entre elles se retrouve tous les vendredis à l’heure du déjeuner pour discuter. Un groupe d’échanges créé par une professeure où la question des droits de la femme est centrale. C’est là que la parole s’est libérée. Elles ont toutes vécu le même genre d’expérience : sifflets dans la rue, propos voire gestes déplacés… Au gré des discussions, elles réalisent à quel point cette tenue, obligatoire et réservée aux mineures, est dévoyée. D'ailleurs, lorsqu'elles cherchent sur Google "Schoolgirl uniform", "uniforme d’écolière", l’un des premiers liens renvoie vers un déguisement sexy pour adulte, comme l’indique clairement la photo. En poursuivant la recherche, elles tombent très vite sur des sites érotiques voire pornographiques.
Ces découvertes et le simple fait de partager leurs expériences ont beaucoup aidé Eva et ses amies. À 14 ans, elle se sent libérée d’un poids : "Je trouvais ça beaucoup plus compliqué parce que je croyais que j’étais toute seule. Maintenant, ce n’est plus cas. C’est vraiment un sentiment incroyable. Comme si je pouvais respirer. Parce que maintenant avec mes parents, on parle de ça. Ma maman m’envoie des articles en me demandant : 'Tu as vu ça ?'. Ils me posent aussi des questions. Je me sens respectée, ma voix compte. Je sens que j’ai plus de contrôle sur ma propre vie."
Objectif : 100 000 signatures
Les filles de Sandbach ont décidé de dépasser le simple constat. Elles sont entrées en lutte. Pas contre leur uniforme, car pour elles, ce n’est pas le problème. Il se situe dans le regard des hommes et l’utilisation de cette tenue dans la société, qui conduit à une sexualisation des écolières. Elles ont écrit à des responsables politiques nationaux et n’ont reçu pour l’heure que de décevantes réponses automatiques. Elles ont aussi ouvert une pétition sur le site du Parlement : "Pour bannir ces uniformes des sex-shops et de la pornographie". Si ce texte obtient 100 000 signatures, le sujet devra être débattu par les élus.
C'est leur professeure Sarah Maile qui a créé ce groupe de discussion d’où tout est parti. Elle-même a été une écolière britannique en veste, cravate et jupe. "Ce n’était même pas un sujet dont je pouvais imaginer parler : bien sûr, tu es harcelée dans la rue avec ton uniforme d’écolière, c’est la vie... Mais non ! Et ça ne devrait pas l’être ! Je suis vraiment inspirée par ces jeunes filles et leurs combats. Quand je m’assois là et que je les écoute exprimer leurs sentiments, leurs idées, leurs opinions, je suis incroyablement fière."
Leur combat commence à être médiatisé et elles reçoivent des témoignages de tout le pays. Des écolières, des collégiennes, des lycéennes qui vivent ce harcèlement quotidien. Le compteur de la pétition, elles le surveillent toutes, plusieurs fois par jour. C’est un moteur. Ces jeunes élèves sont devenues militantes féministes et le revendiquent. Emma est l’une des plus jeunes du groupe, elle a 13 ans. "Je n’arrêterai jamais de me battre pour des causes justes. Depuis que j’ai rejoint le club, je suis tellement inspirée pour entreprendre. Je réalise qu’il y a toujours un moyen d’agir pour changer les choses. Je ne vais pas m’arrêter juste parce que je quitte l’école."
Evidemment, elles lisent aussi quelques commentaires désagréables, sexistes voire injurieux. C’est pour cette raison qu’elles ont inventé leurs prénoms dans ce reportage : pour éviter qu’elles ne soient reconnues et harcelées sur les réseaux sociaux.
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