Royaume-Uni : ce que l'on sait du meurtre d'un député conservateur, qualifié d'acte "terroriste"
Un suspect, un homme de 25 ans, a été arrêté sur place. Les premiers éléments de l'enquête ont révélé "une motivation potentielle liée à l'extrémisme islamiste".
Il s'agit du second meurtre d'un député britannique en cinq ans. David Amess, un élu conservateur de la Chambre des communes, a été poignardé à mort, vendredi 15 octobre, dans sa circonscription de Leigh-on-Sea, dans le sud-est du Royaume-Uni. Un suspect a été immédiatement arrêté. Franceinfo résume ce que l'on sait de ce crime.
La piste terroriste est privilégiée
David Amess, 69 ans, a été poignardé à plusieurs reprises peu après midi dans l'église méthodiste dans laquelle il recevait ses administrés lors d'une permanence parlementaire à Leigh-on-Sea, à environ 60 km de Londres. Selon la police locale, "il a été soigné par les services d'urgence, mais malheureusement il est décédé sur place". Les forces de l'ordre ont confirmé avoir arrêté un homme de 25 ans. Elles ont précisé qu'elles ne recherchaient "personne d'autre" et ont ajouté qu'un couteau avait été retrouvé sur place. La police a qualifié le meurtre d'acte terroriste et précisé que les premiers éléments de l'enquête "ont révélé une motivation potentielle liée à l'extrémisme islamiste", quelques heures après que les investigations ont été confiées à la direction antiterroriste.
Il était expérimenté mais peu connu
Né dans la banlieue de Londres en 1952 et issu d'un milieu modeste, David Amess a étudié l'économie et la politique. Il a d'abord été enseignant, puis consultant en recrutement, avant d'entrer en politique. Selon de nombreux parlementaires qui l'ont côtoyé, il était très "dévoué à sa famille" et à son épouse Julia, qui travaillait à ses côtés en tant qu'assistante. Ils avaient cinq enfants.
Elu député pour la première fois en 1983, David Amess était membre des Tories et un fervent défenseur du Brexit, rapporte le Guardian (en anglais). Malgré sa longue expérience parlementaire, il n'a jamais été ministre et restait peu exposé médiatiquement. Ce catholique très croyant était fermement opposé à l'avortement. Il a aussi été favorable au rétablissement de la peine de mort. Son sujet de prédilection au Parlement était néanmoins le bien-être animal. Il était l'un des rares députés conservateurs favorables à l'interdiction de la chasse au renard.
Dans un livre paru en novembre 2020, David Amess avait évoqué le meurtre de Jo Cox en 2016. La députée europhile avait été assassinée en pleine rue par un sympathisant néonazi, une semaine avant le référendum sur le Brexit. Dans cet ouvrage, le conservateur avait affirmé que la travailliste avait été tuée "de la façon la plus barbare qui soit", rapelle le Guardian. "Nous nous rendons tous disponibles pour nos administrés et rencontrons régulièrement des personnes qui souffrent de problèmes mentaux. Cela pourrait arriver à n'importe lequel d'entre nous", avait écrit David Amess.
Ses collègues saluent un élu "au grand cœur"
De nombreux membres de la classe politique ont rendu hommage à David Amess, vendredi 15 octobre. "Nos cœurs sont très choqués et tristes aujourd'hui, après la disparition du député Davis Amess, qui a été tué (...) après presque 40 ans au service" de ses administrés et du Royaume-Uni, a déclaré le Premier ministre Boris Johnson dans une brève intervention télévisée. C'est "un jour tragique pour notre démocratie", a abondé l'ancienne cheffe du gouvernement, la conservatrice Theresa May, sur Twitter.
"He was one of the kindest, nicest, most gentle people in politics"
— BBC Breaking News (@BBCBreaking) October 15, 2021
PM Boris Johnson pays tribute to Sir David Amess, who was killed after being stabbed in his constituency: "We’ve lost today a fine public servant and a much-loved friend & colleague"https://t.co/ItKZ7yxQQo pic.twitter.com/VQ0erq280r
Sur Twitter toujours, le ministre de la Justice Dominic Raab a loué le "grand cœur" de l'élu et sa "grande ouverture d'esprit, y compris envers ceux avec qui il n'était pas d'accord". L'ancien ministre conservateur de la Santé, Matt Hancock, a confié que David Amess avait été son "mentor" lorsqu'il avait fait son entrée au Parlement, ajoutant qu'il était "toujours altruiste et avait du temps pour tout le monde". "C'était un homme bon et doux, il faisait preuve de charité et de compassion envers tous", a aussi décrit le ministre du Logement Michael Gove.
"Il était très apprécié des députés et du personnel, et au cours de ses presque quatre décennies ici, il s'est bâti une réputation de gentillesse et de générosité", a réagi Lindsay Hoyle, le président de la Chambre des communes, dans un communiqué. Les drapeaux ont été mis en berne vendredi en son honneur, à Westminster ainsi qu'à Downing Street, la résidence du Premier ministre.
Un hommage ému a également été rendu à David Amess vendredi soir, dans une église de Leigh-on-Sea, en présence d'une centaine de personnes. Des fleurs ont été déposées près de sa permanence parlementaire.
La sécurité des élus va être revue
Après le meurtre de David Amess, la ministre de l'Intérieur britannique, Priti Patel, a "demandé à toutes les forces de police de revoir les dispositions de sécurité pour les députés avec effet immédiat". Elle a rencontré des représentants de la police et des agences de sécurité et de renseignement et s'est également entretenue avec Lindsay Hoyle, le président de la Chambre des communes. Ce dernier a annoncé un examen "dans les jours qui viennent" des mesures de sécurité concernant les parlementaires.
"Après deux meurtres en cinq ans, on doit prendre la sécurité des députés au sérieux", a plaidé le député travailliste Chris Bryant dans une tribune publiée dans The Guardian. Il a suggéré que dans leurs circonscriptions, les députés rencontrent leurs administrés "seulement sur rendez-vous". "Nous ne voulons pas vivre dans des forteresses. Mais je ne veux pas perdre un autre collègue d'une mort violente", a-t-il expliqué. En 2019, Scotland Yard avait recensé une augmentation de 90% des actes de délinquance envers les parlementaires dans les quatre premiers mois de l'année, après une hausse de 126% en 2017 et 2018.
Mais les menaces pèsent aussi sur les assistants des parlementaires. Les gens "défilent et c'est le personnel qui subit le plus les attaques la plupart du temps", a ainsi raconté Jade Botterill, ex-assistante d'une députée travailliste. "C'est vraiment pétrifiant." En 2000, Andrew Pennington, assistant du député libéral-démocrate Nigel Jones, avait été tué à coups de sabre par un homme souffrant de problèmes de santé mentale qui avait aussi blessé le député, en pleine permanence à Cheltenham, dans l'ouest de l'Angleterre.
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