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Royaume-Uni : pourquoi Theresa May n'est pas sûre de gagner son pari aux législatives

Chef de file des conservateurs, la Première ministre britannique a provoqué des élections anticipées le 8 juin. Elle espère une confortable majorité pour mener à bien les négociations du Brexit.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
La première ministre britannique Theresa May participe à un débat télévisé le 29 mai 2017 à Londres, à dix jours des législatives. (STEFAN ROUSSEAU / POOL / AFP)

Theresa May a-t-elle eu raison de convoquer des législatives anticipées le 8 juin ? L'objectif de la Première ministre britannique, chef de file des conservateurs, était d'obtenir une large majorité pour mener à bien les négociations sur le Brexit, la séparation du Royaume-Uni d'avec l'Union européenne.

Mais, pour la première fois, un sondage YouGov, publié mardi 30 mai dans le quotidien The Times (en anglais), indique que les Tories pourraient perdre la majorité à la Chambre des communes : il manquerait au parti 16 sièges. Franceinfo vous explique pourquoi les législatives seront peut-être plus difficiles à gagner que prévues pour la cheffe de file des conservateurs.

Parce que la "taxe sur la démence" a inquiété les électeurs

Une disposition annoncée par la Première ministre lors de la publication de son programme, le 18 mai, a mis le feu aux poudres : Theresa May comptait demander un effort accru aux propriétaires retraités, pour financer leur assurance-maladie, inquiétant ainsi le cœur de cible du Parti conservateur.

L'opposition a saisi la balle au bond. Elle a dénoncé  une "Dementia Tax" (taxe sur la démence), comme l'écrit The Guardian, et affirmé que des personnes âgées atteintes d'Alzheimer devraient vendre leur maison pour financer leurs soins plutôt que de la léguer à leurs héritiers. Dévissant dans les sondages, Theresa May a dû rétropédaler. Elle a dit vouloir s'assurer que "personne n'ait besoin de vendre sa maison de famille pour financer sa sécurité sociale" : "Nous allons nous assurer qu'une limite absolue soit imposée sur ce que devront payer les citoyens."

Parce que Theresa May a été déstabilisée sur le Brexit

Le Brexit était la raison d'être de ces législatives anticipées. Mais sur ce dossier crucial, la Première ministre britannique est apparue moins sûre d'elle que son adversaire travailliste Jeremy Corbyn, lors d'une émission télévisée sur Sky News lundi 29 mai, où les deux dirigeants politiques ont été interrogés successivement. "D’après la majorité des observateurs et commentateurs britanniques, Corbyn s’en est mieux sorti, gardant une posture décontractée, mais solide", estime Libération.

Interrogée sur ses revirements, Theresa May, ancienne partisane du maintien du Royaume-Uni dans l'UE, a paru mal à l'aise. Elle a été "déstabilisée en direct par le journaliste [britannique] le plus féroce, Jeremy Paxman", a estimé sur Twitter Alex Taylor, journaliste spécialiste de l'Europe. 

Elle a donc dû expliquer pourquoi elle avait fait campagne pour le maintien dans l'Union européenne, avant de défendre l'option inverse. "On a donné le choix au peuple. Le peuple britannique a décidé qu'il fallait que le Royaume-Uni quitte l'Union européenne", a-t-elle rappelé, avant de conclure : "Je fais ce que je crois que le peuple veut que je fasse. (...) Il me semble qu'il est possible de réussir le Brexit."

Parce que le Labour a mis les inégalités au cœur de la campagne

A gauche toute. Nationalisations, hausses d'impôts et investissements publics, le parti travailliste de Jeremy Corbyn a rompu résolument avec la "troisième voie" chère à Tony Blair. Et il a mis au cœur de sa campagne les inégalités dans l'un des pays les plus riches au monde. "Le leader du Labour a réussi à tirer vers la gauche l’ensemble du débat politique britannique, analyse Le Monde (article payant). Il a exhumé des débats de fond enfouis, comme l’austérité budgétaire, objet jusque-là d’un consensus."

Symbole de la popularité de ce thème, une chanson du groupe Captain Ska traitant Theresa May de menteuse ("Liar, Liar") et pourfendant l'austérité a grimpé au sommet des classements, explique la BBC (en anglais). La vidéo, qui égrène les injustices, commence par énoncer : "3,7 millions d'enfants vivent sous le seuil de pauvreté, ils seront un million de plus en 2020".

Certes, les statistiques économiques officielles suggèrent des voyants au vert, avec un taux de chômage à 4,6% – au plus bas depuis 40 ans – et un revenu médian des ménages en hausse, à 26 300 livres par an (30 400 euros). Mais ces chiffres cachent des disparités criantes : les retraités profitent de meilleures pensions tandis que les travailleurs n'ont pas récupéré leur niveau de vie d'il y a dix ans. La fréquentation des banques alimentaires bat des records et les 900 000 contrats dits "zéro heure" ne garantissent aucun horaire et donc aucune rémunération fixe à l'employé.

Conséquence directe, selon le syndicat TUC, les salaires réels ont reculé durant les sept dernières années, du jamais-vu depuis les années 1860 et 1870. Et, prises ensemble, les 1 000 personnes les plus fortunées du pays seront cette année plus riches que les 40% des ménages les plus pauvres, a calculé la fondation Equality Trust.

Parce qu'elle a été sous le feu des critiques après l'attentat de Manchester

L'attentat de Manchester, qui a fait 19 morts le 22 mai, a valu un déluge de critiques à la Première ministre britannique Theresa May. A gauche, Jeremy Corbyn a mis en cause la politique extérieure du Royaume-Uni et les interventions britanniques en Syrie, en Irak ou en Libye. Mais il a surtout concentré ses critiques sur les coupes budgétaires dans la police.

Reproches auxquels a fait écho la vice-présidente du parti europhobe Ukip. Suzanne Evans a accusé Theresa May d'être "en partie responsable" de l'attaque en raison des coupes dans le budget de la police quand elle était ministre de l'Intérieur, de 2010 à 2016.

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