"Détruire une famille à cause d'une opinion n'est pas humain" : en Russie, la situation du père condamné pour le dessin anti-guerre de sa fille inquiète ses soutiens
Aleksei Moskaliov est toujours invisible. Une nouvelle audience au tribunal d'Efremov, la ville d'où est originaire la famille, s'est tenue jeudi 6 avril mais il ne s'y est pas présenté. Est-il encore en Biélorussie dans l'attente de son extradition ? Ou a-t-il déjà été rapatrié et gardé au secret quelque part en Russie ? Personne ne le sait, pas même ses avocats.
Sa situation en tout cas inquiète ses soutiens, et suscite une certaine émotion dans cette ville située à 300 kilomètres au sud de Moscou, où l'on suit cette affaire depuis son commencement il y a un an. Comment petit à petit le pouvoir a retiré la garde de sa fille à ce père, jusqu'à le condamner à deux ans de prison et provoquer sa fuite juste après sa condamnation fin mars. Olga Podolskaia est une députée locale indépendante, qui soutient ouvertement Aleksei Moskaliov face aux autorités, et elle affirme qu'elle n'est pas la seule. "Quand je marche dans la rue, les gens m'arrêtent pour me dire qu'ils ont peur de parler publiquement mais qu'ils me soutiennent dans leur cuisine", affirme-t-elle.
"Tous pensent que la punition est trop sévère."
Olga Podolskaia, députée locale indépendanteà franceinfo
"Détruire une famille à cause d'une opinion n'est pas humain", reprend Olga Podolskaia. Lors de cette nouvelle audience, il y avait effectivement un petit comité de soutien au tribunal d'Efremov, certes modeste, une trentaine de personnes, mais c'est très inhabituel dans une Russie totalement muselée depuis le début de la guerre en Ukraine.
Natalia, une traductrice littéraire, a fait le long trajet de presque sept heures de train depuis Moscou pour venir exprimer son soutien : "Il y a beaucoup de problèmes dans cette ville, que l'on sent rien qu'à l'odeur. Des problèmes écologiques énormes, des monuments culturels détruits, et les autorités ne voient pas le problème. Leur unique problème, c'est une petite fille qui a fait un dessin. Et maintenant le vrai problème est de savoir où elle est."
Le cas Macha Moskalova devenu un exemple politique
Car la petite Macha est elle aussi introuvable. Aucun de ses proches ne l'a vue depuis le 1er mars dernier et son placement dans un foyer, même l'avocat de son père n'a pas pu la voir. Les seules nouvelles viennent d'une lettre où elle écrivait que son père est un héros pour elle. Mais, mercredi 5 avril, la commissaire russe aux droits de l'enfant, Maria Lvova-Belova – une très proche de Vladimir Poutine, poursuivie par la Cour pénale internationale pour enlèvement d'enfant en Ukraine – a publié des photos de la fillette en compagnie de sa mère, qui pourtant ne s'occupait plus d'elle depuis des années.
Des photos qui laissent sceptique l'avocat du père, Vladimir Bilienko : "Pour autant que je sache, Macha a été confiée à sa mère, tout d'un coup, alors qu'auparavant, Maria Lvova-Belova déclarait que la mère n'était pas une femme bien. Et en quelques jours, elle devient une femme bien ! C'est pour ça qu'il faudrait s'adresser à Maria Lvova-Belova directement, car il y a quelque chose qui vient d'en haut." Pour les soutiens de la famille, le cas Macha Moskalova est devenu politique : le pouvoir russe semble décidé à en faire un exemple.
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