Référendum en Russie : "C'est extrêmement difficile de prendre ce vote au sérieux" car "il n'y a aucune surprise sur les résultats", affirme une chercheuse spécialiste du pays
Les électeurs russes ont jusqu’au soir du mercredi 1er juillet pour se prononcer sur une réforme constitutionnelle permettant à Vladimir Poutine de rester 16 ans de plus au pouvoir.
Alors que les Russes sont appelés à voter par référendum une réforme constitutionnelle qui permettrait à Vladimir Poutine de rester au pouvoir jusqu'en 2036, la professeure en études russes, soviétiques et post-soviétiques à l'Université Rennes 2, Cécile Vaissié, estime, mercredi 1er juillet sur franceinfo, qu'il est "extrêmement difficile de prendre ce vote au sérieux" car "il n'y a aucune surprise sur les résultats".
franceinfo : Ce référendum en Russie est-il une sorte de parodie de démocratie ?
Cécile Vaissié : En Russie actuellement, dans certains cercles, on utilise beaucoup le mot "cirque". C'est quelque chose que, même selon les critères russes qui ont vu déjà se développer depuis une dizaine d'années toute une série de méthodes de manipulation, je crois qu'on n'avait jamais strictement vu ça. Des dames qui installent une urne, sans observateurs ni aucun moyen de vérifier, au milieu d'un terrain de jeux pour enfants, on n'avait jamais vu ça. Donc c'est extrêmement difficile de prendre ce vote au sérieux.
Des journalistes russes ont déjà démontré qu'on pouvait voter plusieurs fois, qu'on pouvait voter par exemple une fois de manière distanciée par voie électronique, puis une fois, voire deux fois, dans des bureaux de vote.
Céline Vaissié, professeure en études russesà franceinfo
Est-ce qu'il sera nécessaire d'observer et d'analyser les résultats ?
Non, je pense que les résultats, on les connaît. Ils ont déjà été annoncés il y a trois heures, et ils ont été préparés il y a quelques temps, donc il n'y a aucune surprise sur les résultats. Ce qui va être intéressant, c'est de voir les réactions à ces résultats. Sur les réseaux sociaux, je vois beaucoup de gens qui parlent d'émigrer, notamment les jeunes actifs qui se disent qu'il faut partir du pays parce qu'il ne se passera plus rien.
Vladimir Poutine est-il à la recherche d'une sorte de plébiscite alors que sa popularité ne cesse de diminuer ?
Sa popularité a baissé de plus de 20%. Sa popularité est actuellement au plus bas et elle est effectivement très basse chez les jeunes, les gens de 20 ans qui n'ont connu que lui, mais aussi les actifs de 30-40 ans qui voyagent, qui voient autre chose. Il y a quelque chose de très intéressant parce que dans ce vote, qui est effectivement ridicule, parodique, tout ce qu'on veut, il y a d'un côté les dispositions permettant à Vladimir Poutine de rester encore seize ans au pouvoir et de l'autre côté, les dispositions visant par exemple un mariage entre un homme et une femme ou disant que la langue russe est la langue principale de l'Etat, etc. On se rend compte que, au bout du compte, il y a une sorte de rupture, car beaucoup de Russes sont relativement d'accord avec les valeurs exprimées sur la famille, sur Dieu, sur l'État. En revanche, ce dont ils ne veulent pas, c'est le fait que Vladimir Poutine reste au pouvoir.
Au bout du compte, peut-être que les élites autour de Vladimir Poutine vont en arriver à l'idée qu'il faut garder le poutinisme sans Vladimir Poutine.
Cécile Vaissiéà franceinfo
Le poutinisme, les idées générales, oui, mais Vladimir Poutine, finalement, quel intérêt a-t-il maintenant qu'il est au plus bas dans les sondages ? Pas forcément grand chose. Il va falloir suivre ce qui se passe.
La contestation de Vladimir Poutine viendra-t-elle plutôt de la population ou de son cercle proche ?
Les deux sont possibles. Pour l'instant, tout le monde envisage ces possibilités, mais personne ne peut dire exactement comment ça va se passer. Moi, je crois plutôt à un changement qui serait organisé par les élites. Jusqu'à présent, Vladimir Poutine a très bien manœuvré en essayant de se situer au-dessus des clans. Et des clans, il y en a. Il y a des gens qui sont relativement démocrates dans le pouvoir russe. Il y a les gens qui sortent des services secrets et qui, eux, voient tout par le biais de la force. Ces clans s'affrontent, on le sait, ça fait longtemps. Vladimir Poutine avait réussi jusqu'à présent à jouer un rôle un peu de balance entre les deux. Là, finalement, peut-être que les uns et les autres vont se dire qu'au bout du compte ils n'ont plus besoin de lui et qu'il les dessert plutôt auprès de la population.
Il a désormais l'image assez négative de quelqu'un qui vieillit, qui est fatigué, qui a changé physiquement.
Cécile Vaissié, professeure en études russesà franceinfo
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