Russie : "Si Navalny gênait vraiment le Kremlin, il y avait d'autres façons de le faire disparaître"
Alain Rodier, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement, préfère rester prudent à propos du possible empoisonnement du leader d'opposition russe.
"Si [Alexeï] Navalny gênait vraiment le Kremlin, il y avait d'autres façons de le faire disparaître", a déclaré, lundi 29 juillet sur franceinfo, Alain Rodier, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement. L'opposant de Vladimir Poutine, condamné la semaine dernière à 30 jours d'emprisonnement, a été hospitalisé dimanche 28 juillet à la suite de réactions allergiques. Son avocate a assuré lundi qu'il s'agit d'un empoisonnement, mais son médecin traitant a simplement parlé "d'agent toxique", a poursuivi Alain Rodier.
franceinfo : Les proches de Navalny et les défenseurs des libertés en Russie pointent le doigt vers le président russe Vladimir Poutine. Est-ce le coupable idéal ?
Alain Rodier : Il faut rester extrêmement prudent avec ces affaires et surtout ne pas prendre parti pour un côté ou l'autre. Cela dit, sur le cas qui nous intéresse, le médecin traitant de Navalny a déclaré qu'il avait été "vraisemblablement victime d'un agent toxique". Elle ne s'est pas aventurée à dire qu'il avait été empoisonné. Il est évident que les prisons russes ne doivent pas être tout à fait salubres et que les prisonniers peuvent être soumis à des conditions difficiles. Cela pourrait expliquer la maladie de Navalny. Mais il faut rester extrêmement prudent.
Pourquoi, selon vous, imagine-t-on tout de suite que les services secrets russes peuvent être derrière cela ?
Il y a beaucoup de fantasmes dans cette affaire. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu des opérations "homo" [pour homicide] comme on les appelle dans le jargon du renseignement. Mais si vraiment cet individu gênait le Kremlin, il y avait d'autres façons de le faire disparaître et de manière efficace. Je pense que l'affaire est exploitée par le camp Navalny pour en faire une victime du régime, parce que le fait qu'on aurait essayé de l'empoisonner lui donne une sorte de légitimité contre le président Poutine. Le président Poutine gouverne depuis 1999 et a été réélu avec plus de 76% des voix en 2018, donc ce n'est pas cet opposant qui le gêne énormément.
Selon vous, peut-on voir un parallèle avec l'affaire Sergueï Skripal, du nom de cet ancien espion russe qui avait été empoisonné sur le sol britannique ?
L'affaire Skripal n'est pas vraiment résolue. Je sais que nos amis britanniques ont désigné immédiatement le coupable. Cela dit, l'affaire est certainement beaucoup plus compliquée et j'ai l'impression qu'on n'explore pas d'autres voies possibles. Par exemple, Skripal était conseiller auprès du ministère de l'Intérieur espagnol avec un grand sujet : la pénétration des mafias russes en Espagne. Pourquoi ce ne serait pas des mafieux qui auraient lancé cette affaire contre Skripal ? Mais c'est une autre affaire.
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