: Reportage "C'était une vraie punition collective" : en Syrie, retour à Madaya, théâtre d'un siège sans pitié du régime Assad
En Syrie, avant sa chute il y a bientôt deux semaines, le régime de Bachar al-Assad a utilisé toutes les armes à sa disposition pour faire plier les rebelles, y compris celle de la faim. C'est le cas de la ville de Madaya, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Damas.
La cité a été le théâtre d'un siège féroce pendant des mois qui a fait de nombreuses victimes. Les images de nourrissons aux visages émaciés et de vieillards décharnés avaient alors ému la communauté internationale.
La faim et le froid
Les habitants de Madaya ont tous gardé en mémoire le douloureux souvenir du siège impitoyable qu'ils ont subi. Azalée, une mère de famille endeuillée, se remémore au micro de franceinfo : "On avait tellement faim qu'on en avait mal au ventre. On souffrait aussi beaucoup à cause du froid. Mon fils a alors décidé de sortir pour chercher de la nourriture et il n'est jamais revenu... On a appris par la suite qu'il avait été abattu par un sniper."
"On restait la plupart du temps dans la maison. Quand on a épuisé nos réserves, on s'est mis à manger de l'herbe."
Azaléeà franceinfo
Madaya, adossée à la frontière libanaise, était tenue par les rebelles. Pour les forcer à capituler, les forces du régime l'ont totalement encerclée, se souvient Moussa al-Maleh, qui dirigeait le conseil local. "Là, il y avait un sniper, se souvient-il. Ceux qui traversaient la rue étaient pris pour cible. Des civils, des femmes, n'importe qui. Ils lâchaient des barils d'explosifs à l'aveugle. C'était une vraie punition collective."
Le "parti du diable"
Selon les autorités de Madaya, les privations et la famine ont tué 107 habitants, dont le frère d'Ahmed."La situation était catastrophique, les gens ne pouvaient pas s'entraider, il n'y avait rien à manger... Il était de plus en plus faible, il avait beaucoup maigri et il est mort juste avant la levée du siège, au moment où il était le plus strict", regrette-t-il.
Ce siège avait été imposée par l'armée syrienne et le hezbollah libanais, surnommé "le parti de Dieu" dont le chef, Hassan Nasrallah, a été tué il y a trois mois. "C'était la fête... On a célébré la mort de Nasrallah, le chef du parti du diable, et pas le 'parti de Dieu', jamais. C'était un mécréant. Ils ont tué nos enfants, violé nos femmes en prison, et notre armée était l'alliée de ce parti du diable. Bachar, on veut que tu sois exécuté !" lance un habitant.
Mais pour que la justice soit rendue à Madaya et ailleurs en Syrie, il faudra d'abord instaurer un état de droit après plus de 50 ans de pouvoir sans partage de la famille Assad.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.