Reportage "C'était une vraie punition collective" : en Syrie, retour à Madaya, théâtre d'un siège sans pitié du régime Assad

En juillet 2015, les forces gouvernementales syriennes ont entamé un siège dans la ville de Madaya, alors tenue par des rebelles, en y instaurant une véritable famine organisée. franceinfo est allé retrouver les témoins de cette tragédie.
Article rédigé par Omar Ouahmane, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un drapeau national syrien flotte sur une barricade érigée à l'entrée de la ville syrienne assiégée de Madaya, le 14 janvier 2016. (LOUAI BESHARA / AFP)

En Syrie, avant sa chute il y a bientôt deux semaines, le régime de Bachar al-Assad a utilisé toutes les armes à sa disposition pour faire plier les rebelles, y compris celle de la faim. C'est le cas de la ville de Madaya, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Damas.

La cité a été le théâtre d'un siège féroce pendant des mois qui a fait de nombreuses victimes. Les images de nourrissons aux visages émaciés et de vieillards décharnés avaient alors ému la communauté internationale.

La faim et le froid

Les habitants de Madaya ont tous gardé en mémoire le douloureux souvenir du siège impitoyable qu'ils ont subi. Azalée, une mère de famille endeuillée, se remémore au micro de franceinfo : "On avait tellement faim qu'on en avait mal au ventre. On souffrait aussi beaucoup à cause du froid. Mon fils a alors décidé de sortir pour chercher de la nourriture et il n'est jamais revenu... On a appris par la suite qu'il avait été abattu par un sniper."

"On restait la plupart du temps dans la maison. Quand on a épuisé nos réserves, on s'est mis à manger de l'herbe."

Azalée

à franceinfo

Madaya, adossée à la frontière libanaise, était tenue par les rebelles. Pour les forcer à capituler, les forces du régime l'ont totalement encerclée, se souvient Moussa al-Maleh, qui dirigeait le conseil local. "Là, il y avait un sniper, se souvient-il. Ceux qui traversaient la rue étaient pris pour cible. Des civils, des femmes, n'importe qui. Ils lâchaient des barils d'explosifs à l'aveugle. C'était une vraie punition collective."

Moussa al-Maleh dirigeait le conseil local pendant le siège de Madaya entre 2015 et 2017. (GILLES GALLINARO / FRANCE INFO / RADIO FRANCE)

Le "parti du diable"

Selon les autorités de Madaya, les privations et la famine ont tué 107 habitants, dont le frère d'Ahmed."La situation était catastrophique, les gens ne pouvaient pas s'entraider, il n'y avait rien à manger... Il était de plus en plus faible, il avait beaucoup maigri et il est mort juste avant la levée du siège, au moment où il était le plus strict", regrette-t-il.

La rue principale de Madaya, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Damas, en Syrie. Des dizaines de personnes sont mortes durant le siège de la ville. (GILLES GALLINARO / FRANCE INFO / RADIO FRANCE)

Ce siège avait été imposée par l'armée syrienne et le hezbollah libanais, surnommé "le parti de Dieu" dont le chef, Hassan Nasrallah, a été tué il y a trois mois. "C'était la fête... On a célébré la mort de Nasrallah, le chef du parti du diable, et pas le 'parti de Dieu', jamais. C'était un mécréant. Ils ont tué nos enfants, violé nos femmes en prison, et notre armée était l'alliée de ce parti du diable. Bachar, on veut que tu sois exécuté !" lance un habitant.

Mais pour que la justice soit rendue à Madaya et ailleurs en Syrie, il faudra d'abord instaurer un état de droit après plus de 50 ans de pouvoir sans partage de la famille Assad.

Reportage à Madaya d'Omar Ouahmane et Gailles Gallinaro

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