Reportage "Je lui envoie des photos pour lui remonter le moral" : ces anciens détenus des prisons syriennes qui ne peuvent pas rentrer chez eux, en Palestine

La joie a été de courte durée pour d'anciens prisonniers des geôles syriennes. Faute de papiers d'identité, des Palestiniens sont bloqués en Syrie et ne peuvent pas retrouver leur famille.
Article rédigé par Thibault Lefèvre
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Hassan échange par messages avec son frère Bachar, libéré d'une prison syrienne mais bloqué dans le pays. (THIBAULT LEFEVRE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Plus d’une semaine après l’ouverture des prisons du régime de Bachar al-Assad en Syrie, des milliers d’anciens détenus ont retrouvé leurs proches. Pas tous. La situation des Palestiniens est toujours en suspens, une double peine pour les habitants de la Cisjordanie occupée. Ils ont perdu des années de leur vie et ne peuvent pas rentrer chez eux.

C'est le cas de Bachar, Palestinien originaire d’un village au sud de Jénine : 40 ans dans les geôles du régime pour avoir circulé au début des années 1980 sans papier d’identité. Depuis dix jours, il est bloqué comme des dizaines d’autres anciens détenus palestiniens en Syrie. Franceinfo a rencontré ses proches, dans le village d’Araqa, près de Jénine, au nord de la Cisjordanie occupée.

Le premier échange depuis 40 ans date du lendemain de la chute du régime, vers 2h du matin. Bachar a appelé ses proches pour leur annoncer qu’il était libre et vivant. Fatiheh, sa sœur aînée, a 75 ans aujourd’hui, elle en avait 35 quand son petit frère est parti à tout juste 20 ans, sans papier, en Syrie, avant de complètement disparaître. "Je suis tellement heureuse. On a d’abord vu que tous les prisonniers du régime avaient été libérés, raconte-t-elle. J’ai d’abord pensé à une blague. Et puis ma famille m’a dit qu’on avait retrouvé Bachar et qu’il avait parlé à un de mes frères en Jordanie."

Israël a renforcé ses contrôles en Cisjordanie occupée

Un autre de ses frères, Hassan, essaie depuis d’appeler régulièrement Bachar, mais le réseau passe mal. Alors les deux hommes échangent par messages en attendant de se revoir. "Je lui envoie des photos pour lui remonter le moral. Il est fatigué, constate-t-il. Ce sont des paysages autour de chez nous. Là, c’est ma maison. C’est la vallée de Jénine, la région d’Afoulé et Nazareth."

"Il m’a répondu qu’il était triste et puis il m’a ensuite appelé pour me répéter qu’il ne pouvait pas venir nous voir."

Hassan, frère de Bachar, un ancien détenu en Syrie

à franceinfo

Parce que Bachar n’a plus de papiers. Il est parti avant la création de l’Autorité palestinienne, avant qu’Israël ne renforce ses contrôles sur les habitants de Cisjordanie occupée. "La première étape pour Bachar, c’est de quitter la Syrie pour la Jordanie, note Mohamed Arqawi, le maire d’Araqa, le village d’origine de l’ancien détenu. Il doit ensuite demander là-bas, à l’ambassade de Palestine, un passeport palestinien. Si ça se complique, on fera appel à la diplomatie et on sollicitera des ONG. Vu la période actuelle, les Israéliens vont tout faire pour nous compliquer les choses."

650 noms de détenus palestiniens libérés ont été inscrits sur une liste qu’a pu consulter Mohamed Arqawi. Mais selon l’ambassade de Palestine en Jordanie, ils pourraient être plus nombreux.

Ces anciens détenus des prisons syriennes qui ne peuvent pas rentrer chez eux, en Palestine. Reportage de Thibault Lefèvre

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