Le contrôle des armes chimiques syriennes: une opération bien complexe
Si le pouvoir de Bachar al Assad accepte un tel contrôle, il faudra d’abord qu’il coopère pleinement à la mise en œuvre de la mesure. Une opération d’autant plus complexe à réaliser en pleine guerre civile dans un pays totalement désorganisé, avec un stock d’armes considéré comme très important.
Le premier obstacle est d’abord d’ordre juridique. Il faudrait d’abord que «la Syrie signe immédiatement la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (OIAC)», explique l'Arms Control Association (ACA), une ONG américaine, citée par l’AFP, qui s’intéresse au désarmement. Elle devrait ensuite dresser l’inventaire de ses stocks et accepter la venue d’inspecteurs sur son sol pour vérifier ses déclarations «au kilo d’agent chimique et à la munition près», selon l’ACA.
Une telle mission de vérification pourrait être confiée à une équipe d’inspecteurs de l’ONU. Comme celle qui s’est déjà rendue fin août 2013 en Syrie. Ou celle qui était intervenue en Irak après la première guerre du Golfe en 1991. A l’époque, la collaboration entre les experts onusiens et les autorités irakiennes avait été une vraie partie de cache-cache… Si une opération de contrôle est mise en œuvre en Syrie, il faudra «assurer la sécurité des inspecteurs et la sûreté à long terme des stocks pendant les opérations de désarmement», estime l’ACA.
Second obstacle : la destruction des stocks d’armes chimiques, très importants, au beau milieu des combats entre l’armée et les rebelles. «Ce n’est pas quelque chose que vous pouvez faire sous la menace d’une pluie d’obus», constate l’ONG… «On est en pleine guerre civile où le régime syrien massacre son propre peuple. Est-ce que quelqu’un pense vraiment qu’il va brusquement cesser de tuer pour permettre aux inspecteurs de sécuriser les armes chimiques et de les détruire ?», commente un responsable américain, cité par Reuters.
«Même dans les meilleures conditions, cela requiert des effectifs très nombreux», simplement pour assurer une surveillance 24 heures sur 24 de chaque site et empêcher toute intrusion, observe l’un des anciens responsables des inspecteurs de l’ONU en Irak, David Kay.
Troisième obstacle : la localisation des stocks de VX, de sarin ou autre hypérite. Les experts soulignent le manque de données précises sur ces stocks, ce qui compliquera d’autant la vérification de sites de production et de stockage vraisemblablement nombreux. La hantise des Occidentaux est que Bachar al-Assad en perde le contrôle et que des armes chimiques tombent entre les mains de rebelles extrémistes.
Selon un officier déserteur, le général Moustapha al Cheikh, cité par Reuters, ces armes auraient été transportées pour l’essentiel à Lattaquié (nord-ouest), zone à majorité alaouite (confession du clan Assad), et près de la côté méditerranéenne. Certains équipements seraient toujours entreposés près de Damas.
Quatrième obstacle : le temps nécessaire pour repérer et détruire les stocks. «Fabriquer des armes chimiques est une chose. Quand il s'agit de les détruire, c'est bien plus coûteux et plus délicat sur le plan technique et juridique», selon l’ACA
De fait, s'il était mis en oeuvre pour la Syrie, le processus pourrait prendre des années et coûter des milliards d'euros. A titre d'exemple, les Etats-Unis ont dépensé près de 35 milliards en 20 ans pour se débarrasser de 90 % de leurs stocks. Et ils n'auront pas terminé avant 2021.
Les opérations de neutralisation diffèrent selon que l'agent est déjà ou non chargé dans une roquette ou un missile (cas des Etats-Unis). Ou simplement stocké en vrac et assemblé juste avant l'usage (cas de la Russie). Dans le premier cas, la méthode est l'incinération dans des usines idoines. Dans le second, la neutralisation se fait par injection d'un composé chimique pour rendre le produit inerte.
Selon les renseignements français divulgués début septembre, les stocks syriens sont «en partie stockés sous forme binaire, c'est-à-dire sous la forme de deux produits chimiques, appelés précurseurs, qui sont mélangés juste avant l'emploi». Cette méthode semble se rapprocher de celle employée par la Russie. Laquelle est soupçonnée d'avoir aidé lé régime Assad à mettre sur pied son programme d'armes chimiques dans les années 1970.
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