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Le régime de Bachar al-Assad use de l'arme de la faim contre la ville de Madaya
En marge des bombardements des avions de Bachar al-Assad et de son allié russe, le régime syrien exerce une autre forme de pression sur sa population insurgée. 40.000 civils assiégés dans la ville de Madaya sont coupés du monde et plusieurs d’entre eux sont déjà morts de faim. La Croix-Rouge et le Croissant-Rouge attendent toujours une autorisation d’accès à la localité pour distribuer de l’aide.
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Dans une Syrie entrouverte de manière sélective à la presse internationale depuis cinq ans, la population n’a plus d’autre alternative que les réseaux sociaux pour faire parvenir les informations au reste du monde.
C’est ainsi que les habitants de Kafranbel ont décidé d’alerter l’opinion internationale sur le sort de la population de la ville de Madaya.
Dans un message adressé sur banderole au Pape et au Conseil de sécurité des Nations Unies, ils affirment «ne pas se soucier qu’Assad tue des adultes, mais s’il vous plaît, écrivent-ils, sauvez les enfants de Madaya qui sont affamés à mort».
Un message largement relayé sur Twitter ainsi que d’autres photos informatives. Celle par exemple d’une voiture mise en vente par son propriétaire contre 10 kilos de riz, ou bien celles bien plus violentes d’enfants décharnés et de vieillards morts de faim et de soif.
Non loin de Damas et à proximité de la frontière libanaise, la ville de Madaya et ses 40.000 habitants, dont nombre de réfugiés de la ville voisine de Zabadani, sont en effet assiégés depuis de nombreux mois par les forces gouvernementales et les combattants du Hezbollah.
En dépit d’un cessez-le-feu intervenu en septembre 2015 pour permettre l’entrée de vivres, l’évacuation de blessés et un échange de combattants et de population avec des villages chiites encerclés par les rebelles d’al-Nosra, Madaya a vu son blocus renforcé.
Les forces du régime ont augmenté le nombre de mines et la pose de barbelés autour de la ville, rendant la vie intenable ces trois derniers mois.
«La vie est devenue tragique, nous avons oublié le goût du pain, explique un habitant joint par téléphone par l’AFP. Les aliments sont extrêmement chers, un sac de lait peut coûter 100 dollars et un kilo de riz 150 dollars.»
«Il n’y a plus rien à manger. Je n’ai pris que de l’eau depuis deux jours, raconte une femme d’une trentaine d’années, nous voulons juste savoir si l’aide va arriver ou pas.»
Nombreux sont ceux qui se nourrissent de feuilles d’arbres ou d’herbes bouillies pour survivre, ou qui déboursent de fortes sommes d’argent aux points de contrôle pour obtenir de quoi manger.
#مضايا #انقذوا_المحاصرين #مضايا_تموت_جوعاً حشائش وورق الاشجار وجبة طعام من مضايا pic.twitter.com/Q3a7Y3bt1W
#مضايا #انقذوا_المحاصرين #مضايا_تموت_جوعاً
— عبد الغفور الدياب (@abuhuzaifa_) January 3, 2016
حشائش وورق الاشجار وجبة طعام من مضايا pic.twitter.com/Q3a7Y3bt1W
Des enfants de Madaya obligés de manger des feuilles d'arbres et de l'herbe pour survivre
Résultat: au moins dix personnes sont mortes de faim ou par manque de médicaments, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. Treize autres sont mortes tuées par des mines ou des franc-tireurs en essayant de sortir de la ville pour trouver de la nourriture.
Toujours selon l’OSDH, quelque 1200 habitants souffrent de maladies chroniques et plus de 300 enfants de malnutrition ou d’autres problèmes de santé.
Pour Pawel Krzysiek, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui y est entré lors de la dernière livraison d’aide en octobre, «les gens sont depuis trop longtemps privés des aliments de base, des médicaments de base, sans électricité ni eau… J’ai réellement vu la faim dans leurs yeux», confirme-t-il.
Le régime avait fait usage de l’arme de la faim en 2013-2014 contre le gigantesque camp palestinien de Yarmouk dans la banlieue de Damas. Au moins 170 personnes y étaient mortes de privations.
Le CICR et le Croissant-Rouge attendent toujours d’avoir accès à le ville de Madaya pour y distribuer de l’aide et éviter une nouvelle catastrophe humanitaire.
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