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Syrie : la province d’Idlib, cible potentielle d’Assad et Poutine après Alep.

Deux jours après la chute d’Alep aux mains des forces de Bachar al-Assad, les bombardements russes se sont intensifiés contre la province d’Idlib, plus à l’ouest. Des frappes qui accréditent les craintes de l’ONU de voir la ville, refuge pour des milliers de civils et de rebelles, devenir la nouvelle cible du régime alors que Moscou se dit à la recherche d’un cessez-le-feu pour l’ensemble du pays.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Une femme et son fils, déportés d'Alep, dans un camp de réfugiés de la province d'Idlib le 24 décembre 2016. (Cem Genco/Anadolu Agency/AFP)

Après la reprise de contrôle total d’Alep, la grande ville du nord de la Syrie, par l’armée syrienne, l’agence britannique Reuters a fait état d’une intensification des bombardements de l’aviation russe contre la province d’Idlib, un peu plus à l’ouest.
 
Citant des rebelles et des habitants de la région, l’agence rapporte qu’au moins huit frappes ont visé, le 23 décembre 2016, les trois villes de Binish, Sarakeb et Jisr el Choughour, faisant plusieurs victimes, principalement des civils.

La province d'Idlib transformée en «prison à ciel ouvert» 
Dans cette province, contrôlée par une coalition de mouvements islamistes fédérés sous le nom de Jaïch al-Fath (l’Armée de la conquête), vivent près de deux millions de personnes dont quelque 700.000 déplacés de régions déjà reconquises par le régime.
 
Après les dizaines de milliers de personnes déportées des localités rebelles de Daraya et Mouadamiyat al-Cham, dans les environs de Damas, sont arrivés les réfugiés d’Alep. Quelque 40.000 personnes, combattants et civils confondus, qui n’ont eu d’autre choix que se rendre aux autorités ou se rabattre sur Idlib.
 
«On ne voulait pas abandonner notre terre, le régime et ses alliés ont utilisé tous les types d’armes possibles pour nous faire partir», a raconté Abou Mohamed à l’Agence France Presse. Installé dans un camp de déplacés où une centaine de familles d’Alep ont trouvé refuge dans des conditions précaires et par grand froid, ce trentenaire, père de quatre enfants, ajoute : «Ils nous ont préparé un centre de détention à Idlib pour nous assiéger et nous bombarder.»
 
Pour le moment l’afflux de centaine de milliers de réfugiés a profondément transformé la province. Elle est devenue, selon les déplacés, «une prison à ciel ouvert» où les prix des loyers et des denrées alimentaires de base, riz, sucre et thé, ont explosé. Des pénuries ont même commencé à se faire sentir.

Dans une boulangerie installée par la direction des Affaires religieuses turques dans la province d'Idlib, où les prix des denrées de première nécessité ont flambé, pour subvenir aux besoins des nouveaux arrivants d'Alep, le 24 décembre 2016. (Cem Genco/Anadolu Agency/AFP )
 
Assiéger, affamer et bombarder, une tactique payante pour Moscou et Damas
La tactique consistant à assiéger les zones rebelles, affamer et bombarder à l’aveugle les combattants et la population, leur laissant le choix entre la mort et l’exil, s’est en effet avérée payante. Au point que Bachar al-Assad réaffirmait, dès le lendemain de la chute d’Alep-Est, sa volonté de reprendre militairement le contrôle de l’ensemble du territoire syrien.
 
Des frappes et une déclaration qui viennent conforter les craintes de l’émissaire spécial de l’ONU pour la Syrie. «S’il n’y a pas d’accord politique et de cessez-le-feu, Idlib deviendra la prochaine Alep», a prévenu Staffan de Mistura, qui a convoqué les parties syriennes à la reprise des négociations le 8 février 2017 à Genève.
 
La question se pose désormais de savoir jusqu’où ira le principal allié du régime dans cette reconquête? Moscou continue de couvrir de ses bombardements les avancées de l’armée du régime, mais affirme en même temps être à la recherche d’un cessez-le-feu sur l’ensemble du territoire syrien.
 
Des pourparlers entre Damas et l'opposition à la mi-janvier au Kazakhstan
Au moment où ses avions bombardaient Idlib, le vendredi 23 décembre, Vladimir Poutine annonçait que le président Assad, l’Iran et la Turquie étaient d’accord avec la Russie pour la tenue de pourparlers entre Damas et l’opposition à Astana au Kazakhstan sur la question. Sans toutefois préciser de quelle opposition il s'agissait.
 
Selon le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, «pour l’instant, on en est au stade des préparatifs» et aucune date n’a été arrêtée. Mais selon le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guénadi Gatilov, ces pourparlers pourraient se tenir à la mi-janvier.
 
Moscou n’est pas en contact avec la future administration américaine de Donald Trump sur ce processus politique, a précisé Gatilov, mais l’avantage avec le président élu, «c’est qu’il ne réclame pas le départ de Bachar al-Assad» et cela laisse «plus de marge de manœuvre qu’avec l’administration Obama», a-t-il ajouté.
 
Une manière pour le Kremlin, maître sur le terrain, d'imposer à la communauté internationale le choix entre une solution politique négociée sous son égide ou la poursuite des bombardements jusqu’à la reconquête totale du pays par le régime.
  

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