Tunisie : les victimes de la dictature brisent le silence
Pour la première fois, les victimes de la dictature en Tunisie ont eu la parole à la télévision. Le but est de favoriser le processus de réconciliation nationale.
La Tunisie vient de vivre deux soirées historiques jeudi 17 et vendredi 18 novembre : pour la toute première fois, les victimes des dictatures de Ben Ali et du régime de Bourguiba ont témoigné, en direct à la télévision. Elles ont raconté la torture, les assassinats, les viols… Tous commis au nom de l’Etat.
L'objectif de l’instance Vérité et Dignité tunisienne est de faire la lumière sur les atrocités commises, dans le but de réconcilier le pays. Son principe est calqué sur celui utilisé après l’apartheid en Afrique du Sud.
Au total, onze victimes ont répondu aux commissaires de cette instance, huit heures durant. Des témoignages de citoyens emprisonnés et torturés parce qu'ils étaient syndicalistes, communistes ou islamistes. Derrière leur écran, les Tunisiens ont pu voir des mères expliquer comment leurs fils ont été abattus lors de la Révolution. A l'image d'une femme qui, stoïque, brandit le téléphone encore plein de sang de son enfant.
Si mes bourreaux se présentent, je suis prêt à leur pardonner mais il faudra qu’ils s’expliquent.
"Au ministère de l’Intérieur, on vous torturait puis on vous soignait, juste pour que vous puissiez être à nouveau torturé, se souvient Sami Brahem. Il y a des choses que je n’arrive pas à raconter, comme les tortures sexuelles. J’en venais à préférer être suspendu à une corde plutôt que de les subir."
L'instance Vérité et Dignité tunisienne est une épreuve pour le pays, mais elle n'en reste pas moins nécessaire, selon Ibtihel Abdelatif, présidente de la commission femmes à l'IVD : "ces victimes ont peut-être survécu aux années de prison, aux tortures. Mais le fait de ne pas en parler était comme un étranglement pour eux".
Aujourd'hui la voix des victimes se libère, nous allons briser le silence.
"Les victimes ne veulent pas la vengeance", pousuit Ibtihel Abdelatif, mais simplement que "l'Etat demande pardon". Un point de vue partagé par Ali Ghrab, autre membre de l'IVD, selon qui "la reproduction de la terreur se fait par l'oubli".
Pus jamais ça !
L’instance Vérité et Dignité est le début d’un long processus : d’autres auditions publiques sont prévues. Les bourreaux devront bientôt assumer le même exercice. Car la réconciliation nationale en Tunisie passera inévitablement par là.
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