Les Kurdes mobilisés contre le référendum en Turquie : "Erdogan veut être le seul au pouvoir mais on ne l'acceptera pas"
En Turquie, 70% des Kurdes devraient voter "non" au référendum constitutionnel de ce dimanche qui prévoit d'étendre les pouvoirs du président Recep Tayip Erdogan.
La Turquie va-t-elle donner encore plus de pouvoirs à son président, Recep Tayip Erdogan ? Dimanche 16 avril, le pays vote par référendum pour ou contre une réforme constitutionnelle qui vise à renforcer les pouvoirs du chef de l’État. D'après les sondages, le scrutin est très indécis. L’une des clés de ce référendum est le vote des Kurdes qui représentent près de 20% de la population turque et sont majoritairement opposés au président Erdogan. Ils se disent opprimés comme rarement dans leur histoire mouvementée avec la Turquie.
"Si le "non" l'emporte, tout rentrera dans l'ordre en Turquie et donc on pourra reprendre les négociations de paix, assure Sayit Demir, un habitant de Diyarbakir, la capitale du Kurdistan turc. Mais, si le "oui" l'emporte la situation va s'aggraver. En un mot, aujourd'hui, c'est le fascisme". Le frère de Sayit Demir est en prison alors, avec d'autres proches de militants kurdes, il s'apprète à faire une grève de la faim pour dénoncer les conditions de détention dans le pays. Ces volontaires portent des tee-shirts à l’effigie d’Abdullah Eudjalan, le chef des séparatistes kurdes du PKK, détenu à l’isolement.
Une campagne pour le "non" difficile à mener
Cette grève de la faim est organisée par le parti de gauche HDP, pro-Kurde. Une manière de se mobiliser face à la répression des autorités turques qui vise tous les opposants depuis le coup d’État manqué de juillet 2016. Le HDP compte aujourd'hui 6 000 membres en prison dont son chef de file. Mais il est très difficile de faire campagne pour le "non". "Sur la route du village de Kulp, les militaires nous ont arrêtés à un barrage, raconte Zia Pir, un député du HDP. Ils ont pris nos drapeaux de campagne pour le 'non' et les ont brûlés."
Ils parlent de démocratie mais font tout ce qu'ils peuvent pour nous empêcher de faire campagne.
Zia Pir, député HDPà franceinfo
Zia Pir nous emmène en campagne, sur le terrain. Il faut d’abord traverser la ville de Diyarbakir, truffée de policiers et militaires turcs car les barrages sont fréquents, pour rejoindre le village de Djinar, au sud. Des fanions pour le "non" aux couleurs du drapeau kurde, rouge, vert et jaune, émergent d’un rassemblement de 200 personnes.
Le député prend la parole au sommet du bus du parti. Il demande le respect de l’identité et de la culture kurde, niées selon lui par Ankara. "Bien sûr que je vais voter 'non', lance un homme dans la foule. La Turquie massacre les Kurdes. C'est pour cela que, en tant que Kurdes, on s'oppose à ce régime présidentiel. Erdogan veut être le seul au pouvoir mais on ne l'acceptera pas. Vive Eudjalan, non au référendum !"
70% des Kurdes devraient voter "non"
Dimanche, 70% des Kurdes devraient voter "non". Le reste soutient Erdogan en qui il voit notamment un garant des valeurs de l’islam. Harun Ercan, spécialiste de la question kurde, estime que l’AKP, le parti présidentiel, a bien du mal à faire campagne auprès des Kurdes : "L'AKP fait face à un gros problème quand il cherche à convaincre les gens d'ici de voter 'non', c'est que le référendum ne propose rien aux Kurdes."
Ces changements de la Constitution ne visent qu'à augmenter les pouvoirs politiques d'Erdogan donc les Kurdes ne voient rien qui puisse concerner leur vie de tous les jours.
Harun Ercan, spécialiste de la question kurdeà franceinfo
Pour organiser ce référendum, Recep Tayip Erdogan a pactisé avec les nationalistes, ennemis jurés des Kurdes, et le président turc associe les électeurs du "non" à des terroristes. La lutte armée du PKK, qui a encore revendiqué un attentat ayant fait trois morts mardi à Diyarbakir, n’est pas populaire parmi les Kurdes mais, pour beaucoup, le mouvement séparatiste défend une cause juste. Harun Ercan estime qu’un "oui" au référendum de dimanche serait de très mauvais augure pour les Kurdes comme pour la Turquie.
"Si [Erdogan] devient ce dictateur en puissance, il va continuer à se mettre à dos la société et cela va finir par une nouvelle guerre civile sanglante en Turquie, voire un coup d'État militaire, prédit-il. Donc, à un moment, Erdogan ne pourra plus faire baisser la tension parce que la société est en train de bouillir." Les plus optimistes espèrent qu’un "oui" rassurerait Erdogan et l’inciterait à tendre à nouveau la main aux Kurdes.
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