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Terrorisme : "Dire que l'Ouzbékistan est le foyer de l'islam radical est un peu exagéré"

Sayfullo Saipov, le meurtrier présumé de huit personnes à New York, mardi, est de nationalité ouzbek, comme plusieurs autres terroristes. Samuel Carcanague, chercheur à l’Iris, a décrypté le phénomène jeudi sur franceinfo. 

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Une photo de Sayfullo Saipov, identifié comme l'auteur de l'attentat de New York, prise par la police du Missouri. (ST. CHARLES COUNTY DEPT. OF CORR / AFP)

L'auteur de l'attentat meurtrier de Manhattan mardi 31 octobre était de nationalité ouzbek, tout comme ceux de Stockholm, de Saint-Pétersbourg ou d'Istanbul. Sayfullo Saipov vivait aux États-Unis depuis sept ans. L'Ouzbékistan est "le pays le plus peuplé d'Asie centrale" et "possède une diaspora importante".

La religion y a été sévèrement réprimée sous le régime autoritaire d'Islam Karimov ce qui "a pu favoriser" la radicalisation de certaines personnes "d'autant que l'islam radical commençait à se confondre avec une opposition politique au régime de Karimov", a expliqué Samuel Carcanague, chercheur à l’Iris et spécialiste de l’Asie Centrale sur franceinfo. Mais "dire que l'Ouzbékistan est le foyer de l'Islam radical est un peu exagéré", selon lui.

franceinfo : New York mardi soir, Stockholm et Saint-Pétersbourg en avril dernier, Istanbul en décembre… Tous ces attentats ont été menés par des Ouzbeks. Comment explique-t-on cette surreprésentation parmi les terroristes ?

Samuel Carcanague : L'Ouzbékistan est le pays le plus peuplé d'Asie centrale donc, effectivement, il possède une diaspora importante, que ce soit dans les pays limitrophes, en Russie, où il y a plus de de deux millions d'Ouzbeks, mais aussi aux États-Unis et en Europe. L'Ouzbékistan est un pays assez religieux, il a connu des mouvements islamistes radicaux qui ont émergé dans les années 1990, notamment le mouvement islamique d'Ouzbékistan en 1998 qui a perpétré des attentats sur le sol ouzbek et dans les pays voisins, notamment en Afghanistan. La religion a été très sévèrement encadrée et réprimée dans le pays. Cette répression et cette approche extrêmement sécuritaire a pu favoriser le basculement de certaines personnes, d'autant que l'islam radical commençait à se confondre avec une opposition politique au régime de Karimov. Cela étant, dire que l'Ouzbékistan est le foyer de l'islam radical est un peu exagéré. En l'occurrence, tous les terroristes ouzbeks, de nationalité ou d'ethnie ouzbek qui ont perpétré des attentats récemment n'habitaient plus en Ouzbékistan depuis un certain temps.

Cette diaspora ouzbek est-elle un terreau favorable pour les recruteurs jihadistes et si oui, pourquoi ?

C'est extrêmement dur d'avoir une estimation fiable, que ce soit d'ailleurs des Ouzbeks ou des ressortissants d'Asie centrale présents en Irak ou en Syrie, d'autant qu'avec les dernières défaites de l'État islamique, on ne sait pas vraiment où essaiment tous ses combattants. On peut estimer entre 500 et 1 500 les Ouzbeks présents. Les russophones de manière générale sont la première communauté étrangère dans les rangs de Daesh. L'origine nationale de la personne peut influer sur la façon dont elle a pu être radicalisée dans le sens, où, par exemple, Daesh a tout un service russophone ou dans les langues d'Asie centrale. Cela a pu permettre une radicalisation par internet, notamment dans les réseaux dont il [l'auteur de l'attentat de Manhattan] a pu bénéficier aux États-Unis, qui sont peut-être plus en lien avec les communautés russophones qu'avec d'autres communautés. Mais ce n'est qu'une partie de l'explication de sa radicalisation.

Plus généralement, les diasporas peuvent être des cibles privilégiées pour les recruteurs jihadistes. Ce sont souvent des hommes seuls, loin de leurs attaches familiales, sociales, amicales, qui peuvent travailler dans des conditions relativement dures.

Samuel Carcanague, chercheur à l’Iris

à franceinfo

Je pense à un profil [que l'on trouve] peut-être plus en Russie où souvent ils vont travailler dans des chantiers de construction, dans des conditions extrêmement difficiles, dans une xénophobie ambiante. Cela peut alimenter certaines frustrations qui favorisent peut-être le basculement de certaines personnes face à une propagande de Daesh extrêmement intense. Pour le profil du terroriste de New York, c'est un petit peu différent parce qu'il avait l'air relativement éduqué, il avait l'air intégré, il a essayé plusieurs fois de lancer des entreprises notamment de transport, il a changé d'État régulièrement. On sent quand même qu'il avait du mal à trouver sa place, qu'il avait du mal à trouver une situation stable et peut-être que cela a pu l'aider à se radicaliser.

"Cette répression et cette approche extrêmement sécuritaire [en Ouzbekistan] a pu favoriser le basculement de certaines personnes" Samuel Carcanague, chercheur, à franceinfo.

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