Katharine Graham, la femme qui révéla les Pentagon Papers et le Watergate
L’ancienne directrice de la publication du Washington Post a pris d’énormes risques en choisissant de révéler deux des plus grosses affaires de l’histoire des États-Unis. Portrait de Katharine Graham.
Dans le nouveau long-métrage de Steven Spielberg, Pentagon Papers, elle est incarnée par Meryl Streep. Katharine Graham était la directrice de la publication du Washington Post lorsque le journal révéla les Pentagon papiers en 1971, ces documents révélant les mensonges de l’administration américaine sur l’implication des États-Unis au Vietnam. Dans Pentagon Papers, Steven Spielberg raconte la décision cornélienne à laquelle fait face Katharine Graham lorsqu’il s’agit de publier ces documents. L’occasion de revenir sur le parcours de cette patronne de presse charismatique.
Le Washington Post, une entreprise familiale
Katharine Graham est née à New York en 1917, elle est la quatrième d’une famille de cinq enfants. Lorsqu’elle est âgée de 16 ans, son père millionnaire rachète un quotidien américain en faillite, le Washington Post. Elle le rejoint à la rédaction du journal à 21 ans, après ses études d’histoire. Elle était très enthousiaste à l’idée de travailler avec son père : "J’ai toujours été intéressée par l’idée de travailler dans un journal. (…) Nous étions très proches. Nous nous écrivions et je lui disais ce que je pensais du Post." confiait-elle en 1992.
Dix ans plus tard, son père lui lègue 30% des actions du Washington Post. Les 70% restants reviennent à son mari, Phil Graham. Mais en 1963, ce dernier se suicide. Elle qui s’était arrêtée de travailler pour élever ses quatre enfants décide alors de reprendre les rênes du Washington Post.
Un an après les Pentagon Papers, le Watergate
En 1971, et contre l’avis de ses avocats, elle publie les Pentagon Papers. Dans ces 7000 pages de documents secrets se trouve la preuve que les responsables américains savaient qu’ils ne pourraient pas gagner la guerre du Vietnam. En 1997, elle raconte la pression qui pesait sur elle : "C’était très risqué, l’administration nous menaçait. (…) Je n’étais vraiment pas votre chef héroïque, j’ai juste dit : « Allez, on y va." (…) Ce qui est vraiment formidable avec cette décision, c’est que j’ai dû la prendre en 30 secondes et j’avais 50% de chances d’avoir raison."
Un an plus tard, elle soutient ses équipes dans leur volonté de publier l’enquête de deux journalistes sur de faux plombiers qui avaient placé des micros au siège du parti démocrate. C’est le début du scandale du Watergate. "Beaucoup de gens disaient que nous menions une vendetta politique et que nous tentions juste de harceler le président… Ils n’y croyaient pas. Et le fait est que les autres journaux n’y ont pas cru non plus pendant longtemps." assurait-elle. Cette décision n’est pas sans conséquences. Durant deux ans, elle subit pressions et menaces à mesure des révélations publiées par le Washington Post dans cette affaire d’écoutes illégales.
Mais en août 1974, le président Richard Nixon finit par démissionner. Dans cette affaire, Katharine Graham s’est toujours défendue d’avoir voulu pousser à cette décision : "Ce n’est pas à un journal de faire tomber un gouvernement. Et nous ne l’avons pas fait. Ce que nous avons fait, c’est la définition même de ce que doit faire un journal : continuer à raconter une histoire quand ils essayent de l’étouffer."
L’une des femmes les plus puissantes d’Amérique
La patronne de presse a longtemps été considérée comme l’une des femmes les plus puissantes d’Amérique. À 80 ans, elle publie ses Mémoires, qui seront couronnées du prix Pulitzer de la biographie en 1998. Celle qui été surnommée "Kay Graham" décède le 17 juillet 2001, à 84 ans. Un an plus tard, la médaille présidentielle de la Liberté lui est remise à titre posthume et elle est introduite au National Women’s Hall of Fame.
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