Pont de Baltimore effondré : "Il n'y a aucune chance qu'une pile de pont puisse résister à un tel choc", selon le concepteur du pont de Normandie
"Il n'y a strictement aucune chance qu'une pile de pont puisse résister à un tel choc", a commenté mardi 26 mars sur franceinfo Michel Virlogeux, ingénieur des ponts et chaussées et concepteur du viaduc de Millau et du pont de Normandie. Un pont s'est effondré à Baltimore aux États-Unis dans le Maryland après avoir été percuté par un navire entraînant des véhicules. Au moins sept personnes sont portées disparues. "Ce n'est pas une question de fragilité" du pont, "le problème, c'est la taille du porte-conteneurs", dit-il. Le bateau long de 300 mètres, qui semble s'être "écarté du chenal de navigation", a "une énergie cinétique considérable".
franceinfo : La fragilité du pont peut être en cause ?
Michel Virlogeux : Ce n'est pas une question de fragilité. Le problème, c'est la taille du porte-conteneurs. C'est un porte-conteneurs de 300 mètres de long, il devait faire au moins probablement 100 000 tonnes. C'est une masse considérable. En outre, un bateau comme ça, qui navigue, entraîne une masse d'eau.
"Le choc ne vient pas seulement du bateau, mais de toute la masse d'eau."
Michel Virlogeux, concepteur du viaduc de Millau et du pont de Normandieà franceinfo
Ce bateau avec la masse d'eau se déplace avec une certaine vitesse. Il a donc une énergie cinétique considérable. Lorsqu'il vient taper une pile de pont, elle n'a strictement aucune chance de résister.
C'est presque une propulsion à grande vitesse ?
C'est énorme. Il n'y a strictement aucune chance qu'une pile de pont puisse résister à un tel choc. Pour des bateaux plus petits, ça peut passer, mais pas ça. Ce qui est surtout important, c'est ce qu'on appelle la portée sur la distance entre les deux piles qui dégage le chenal de navigation. Visiblement, le bateau s'est écarté du chenal de navigation. Alors évidemment, ce n'est pas tous les jours, mais c'est un type d'accident qui est relativement classique. Le pont de Normandie que j'ai construit a été conçu pour se mettre à l'abri de ce genre de chose en mettant les piles en dehors de la rivière. Vous avez un pylône qui est sur la rive gauche, à terre, un pylône vers la rive droite, le long de la digue, protégé par une enceinte de protection pour le cas où des bateaux s'écarteraient très largement du chenal de navigation.
Les porte-conteneurs sont de plus en plus gros. Il faut d'autant plus veiller à la solidité de ces ouvrages ?
Évidemment. Lorsque les Danois ont construit le pont du Grand Belt, ils ont fait de longues études. Finalement, le pont du Grand Belt a une portée entre les deux pylônes de 1 624 mètres pour diminuer les risques. De très gros bateaux comme ça sont très durs à manœuvrer. On ne peut pas changer la direction au dernier moment.
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