Cet article date de plus de trois ans.

Etats-Unis : de qui Joe Biden va-t-il s'entourer pour gouverner ?

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 13min
Joe Biden et Kamala Harris lors d'une conférence de presse à Wilmington (Delaware, Etats-Unis), le 12 août 2020. (OLIVIER DOULIERY / AFP)

Le démocrate, qui a été investi président des Etats-Unis mercredi 20 janvier, a déjà dévoilé la composition de son administration. D'anciens adversaires y côtoient des fidèles de longue date, dans l'équipe la plus diversifiée que le pays ait connue.

Une administration qui ressemble à l'Amérique. Voilà l'objectif de Joe Biden, qui a commencé à dévoiler la liste des hommes et femmes dont il compte s'entourer uà la Maison Blanche. Ses choix doivent d'abord être approuvés par le Congrès, mais le 46e président des Etats-Unis affiche déjà sa volonté de briser un certain nombre de barrières, en nommant plusieurs personnes issues de minorités à des postes capitaux, mais aussi des experts ou d'anciens adversaires politiques. Alors que le démocrate a prêté serment, mercredi 20 janvier, franceinfo brosse le portrait des principaux membres de son futur gouvernement.

Kamala Harris, première femme vice-présidente des Etats-Unis

Kamala Harris lors d'une conférence de presse au Queen Theater de Wilmington, dans le Delaware (Etats-Unis), le 23 décembre 2020. (NICHOLAS KAMM / AFP)

La numéro 2 de Joe Biden est déjà bien connue du public. Rivale du septuagénaire lors des primaires démocrates, Kamala Harris l'a rejoint sur le ticket présidentiel durant l'été 2020. A 56 ans, l'ancienne procureure du district de San Francisco est la première femme nommée à la vice-présidence des Etats-Unis. Elle est aussi la première vice-présidente noire et d'ascendance asiatique. Cette fille d'immigrés indien et jamaïcain a surtout à son actif une solide carrière politique. Elle a représenté la Californie au Sénat, où elle a siégé aux prestigieuses commissions de la justice, du renseignement et du budget. Elle a marqué par son style incisif et ses interrogatoires musclés du candidat de Donald Trump à la Cour suprême, Brett Kavanaugh, en 2018.

A la tête du pays, Joe Biden entend créer un véritable partenariat avec la modérée. Il a garanti qu'elle serait "la dernière à prendre la parole" avant toute prise de décision majeure pour le pays, rapporte NBC News*. Kamala Harris aura en outre un rôle déterminant au Congrès. Début janvier, les démocrates ont remporté deux scrutins partiels en Géorgie, obtenant 50 des cent sièges du Sénat. La Constitution prévoit qu'en cas d'égalité parfaite lors d'un vote à la Chambre haute, ce soit le ou la vice-présidente qui tranche.

Antony Blinken, un fidèle de Biden pour gérer la diplomatie américaine

Antony Blinken lors d'une conférence de presse au Queen Theatre de Wilmington (Delaware, Etats-Unis), le 24 novembre 2020. (MARK MAKELA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Après quatre ans d'isolationnisme promu par Donald Trump, Joe Biden a choisi un ardent défenseur du multilatéralisme pour mener la politique étrangère des Etats-Unis. Antony Blinken, 58 ans, a grandi en France et déjà travaillé au département d'Etat sous Barack Obama, rapporte le Guardian*. Proche collaborateur de Joe Biden depuis une vingtaine d'années, il est très attaché à la défense des droits humains, selon le quotidien britannique.

Il aura pour mission de restaurer les relations diplomatiques des Etats-Unis avec leurs alliés historiques, une des promesses de campagne de Joe Biden. Il devra également s'atteler à l'épineux dossier du nucléaire iranien. En 2018, Donald Trump s'était retiré de l'accord négocié par son prédécesseur Barack Obama, instaurant de lourdes sanctions économiques contre Téhéran.

Lloyd Austin, un vétéran à la tête du Pentagone

Le général Lloyd Austin lors d'une audition devant le Sénat, à Washington (Etats-Unis), le 8 mars 2016. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)

Cet ancien général quatre étoiles de 67 ans est en passe de devenir le premier Afro-Américain à diriger le Pentagone. Lloyd Austin, retraité de l'armée depuis 2016, serait donc à la tête du département le plus stratégique (et doté du plus gros budget) de l'administration Biden. Il devra d'abord obtenir le feu vert du Sénat et une dérogation à la loi qui réserve le poste de secrétaire d'Etat à la Défense aux civils ou aux militaires retraités depuis plus de sept ans. Cette exception n'a jusqu'ici été accordée que deux fois, selon la radio publique NPR*.

Autre obstacle potentiel à sa confirmation par le Sénat : les progressistes pourraient ne pas apprécier le CV de cet homme qui a passé 40 ans dans l'armée avant de rejoindre le conseil d'administration de Raytheon Technologies, la troisième plus grosse entreprise d'armement au monde.

"Deb" Haaland, première Native nommée au gouvernement

La démocrate Deb Haaland lors d'une conférence de presse au Capitole, à Washington (Etats-Unis), le 4 février 2020. (ALEX EDELMAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Autre première historique : le choix de Debra Haaland comme secrétaire à l'Intérieure. Jamais auparavant un Natif américain n'avait intégré le gouvernement fédéral, souligne le Washington Post*.

La représentante du Nouveau-Mexique, âgée de 60 ans, est devenue en 2018 l'une des deux premières femmes des Premières nations élues au Congrès. Si sa nomination est approuvée par le Sénat, elle "aura la responsabilité des terres fédérales (presque un cinquième de la superficie du pays), des parcs nationaux, des relations avec les réserves indiennes, et de la délivrance des très convoités permis d'exploiter le sous-sol : minerais, pétrole et gaz naturel", détaille Le Monde.

Merrick Garland, ancien candidat à la Cour suprême nommé à la Justice

Merrick Garland arrive à la cour d'appel du district de Washington, aux Etats-Unis, le 2 novembre 2017. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)

La dernière fois que Merrick Garland a été nommé à un poste soumis à la confirmation du Sénat, le vote n'a pas eu lieu. En mars 2016, Barack Obama avait choisi ce juge de la cour d'appel du district de Washington pour remplacer Antonin Scallia à la Cour suprême. A l'époque, le chef de file républicain à la Chambre haute avait refusé d'organiser les auditions de confirmation, invoquant la trop grand proximité avec l'élection présidentielle, rappellent Les Echos. Donald Trump, élu quelques mois plus tard à la Maison Blanche, avait sans surprise nommé un conservateur à la plus haute juridiction du pays.

A la tête du ministère de laJustice, Merrick Garland devra notamment superviser les réformes judiciaires et de la police souhaitées par le président démocrate. Le magistrat centriste, qui s'est également illustré en tant que procureur fédéral dans plusieurs affaires de terrorisme, bénéficie d'une image positive chez les élus des deux bords.

Janet Yellen, une ancienne de la Fed au Trésor

Janet Yellen, alors directrice de la Banque fédérale américaine, lors d'une réunion à Washington, le 13 décembre 2017. (BRENDAN SMIALOWSKI / AFP)

Janet Yellen devrait devenir la première femme à avoir dirigé les trois plus grandes institutions de l'économie américaine : la Réserve fédérale (surnommée la "Fed"), le Conseil économique de la Maison Blanche et bientôt le département du Trésor, note le New York Magazine*. Cette ancienne professeure de 74 ans, spécialisée dans l'économie du travail, devra faire face à la pire crise qu'a traversé le pays depuis les années 1930.

Selon le New York Times*, elle défendra ardemment le plan de relance de 1 900 milliards de dollars annoncé par Joe Biden. Janet Yellen est en effet convaincue que les "bénéfices" de ces investissements pour relancer l'économie américaine "dépassent largement le coût" que représente l'aggravation de la dette.

Pete Buttigieg, premier membre de cabinet ouvertement gay

Pete Buttigieg annonce son retrait des primaires démocrates en vue de la présidentielle américaine, le 1er mars 2020, à South Bend (Indiana). (SCOTT OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Joe Biden a choisi son ancien adversaire des primaires démocrates, Pete Buttigieg, comme futur ministre des Transports. L'ex-maire de South Bend, dans l'Indiana, était inconnu du grand public lorsqu'il s'est lancé dans la course à la Maison Blanche. Le modéré de 39 ans a toutefois créé la surprise en s'imposant lors du tout premier scrutin dans l'Iowa, où Joe Biden avait enregistré des résultats décevants.

Pete Buttigieg a finalement annoncé son retrait au profit de l'ancien vice-président, début mars. Vétéran de la guerre en Afghanistan, il parle sept langues, est un fervent chrétien et est engagé dans la lutte contre la crise climatique. S'il est confirmé par le Sénat, il deviendra le premier membre ouvertement gay d'une administration présidentielle américaine.

Alejandro Mayorkas, un immigré pour gérer la Sécurité intérieure

Alejandro Mayorkas lors d'une conférence de presse de la future administration Biden à Wilmington (Delaware, Etats-Unis), le 24 novembre 2020. (MARK MAKELA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Tout un symbole. Pour diriger le département de la Sécurité intérieure, chargée notamment de la politique migratoire américaine, Joe Bien a choisi un avocat d'origine cubaine. Alejandro Mayorkas est arrivé bébé aux Etats-Unis, emmené par ses parents qui fuyaient le régime de Fidel Castro, relate Libération. "Les Etats-Unis nous ont fourni un refuge, à moi et ma famille", a-t-il souligné, se disant prêt à protéger "tous les Américains et ceux qui fuient la persécution à la recherche d'une vie meilleure".

Cet homme de 61 ans sera donc chargé de détricoter tout un pan de la politique de Donald Trump, qui avait adopté une ligne dure sur l'immigration. Alejandro Mayorkas devra par exemple chapeauter la réforme de l'accès à la citoyenneté*, qui sera notamment facilitée pour les "Dreamers", ces jeunes immigrés arrivés enfants aux Etats-Unis. Un dossier qu'il connaît bien, pour avoir participé, sous l'administration Obama, à la création du programme DACA qui protège les "Dreamers" de la déportation. Outre l'immigration, il sera aussi responsable des questions "de terrorisme, de cybersécurité ou de sécurité des transports", précise Libération.

Ron Klain, le proche conseiller devenu chef de cabinet

Ron Klain témoigne devant une commission du Congrès sur la réponse à l'épidémie de Covid-19, le 10 mars 2020, à Washington (Etats-Unis). (NICHOLAS KAMM / AFP)

Bien qu'il ne soit pas ministre, Ron Klain tiendra un rôle central : ce conseiller de longue date du démocrate sera son chef de cabinet. Il avait déjà occupé cette fonction lorsque le septuagénaire était vice-président de Barack Obama, note Le Monde. Habitué de Washington et des arcanes politiques, il avait également travaillé avec Al Gore sous la présidence Clinton. Ses compétences sont largement reconnues par les démocrates comme les républicains. Il a également coordonné l'action américaine en réponse à l'épidémie d'Ebola, entre 2014 et 2015. Une expérience qui pourrait s'avérer essentielle, alors que la pandémie de Covid-19 a fait 400 000 morts aux Etats-Unis.

Plus de diversité et plus d'experts

Joe Biden a tenu à instaurer plus de diversité dans son administration, au-delà de ses principaux ministres. Début janvier, il a souligné que son cabinet serait "le premier" à être paritaire et à compter une majorité de membres issus des minorités, rapporte AP*. A la veille de son investiture, il a encore annoncé nommer Rachel Levine, femme transgenre, comme sous-secrétaire à la Santé, une première à Washington, ajoute Politico*.

Il a par ailleurs placé à des postes stratégiques des politiciens et responsables aguerris dans leur domaine. Plusieurs membres de sa future administration ont déjà servi sous les présidences de Bill Clinton, Barack Obama ou même George W. Bush. John Kerry, ancien secrétaire d'Etat, est nommé envoyé spécial du président pour le climat. Xavier Becerra, élu de la Chambre des représentants et fervent défenseur de l'Obamacare, prendra la tête du ministère de la Santé. Le futur patron de la CIA, William Burns, est un ancien diplomate. Et Linda Thomas-Greenfield, ancienne directrice générale des Affaires étrangères d'Obama, sera ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, liste LCI.

Alors que Donald Trump a régulièrement contredit la communauté médicale sur la gestion de l'épidémie de Covid-19, Joe Biden compte faire la part belle "aux sciences et à la vérité". Il a ainsi choisi le biologiste Eric Lander comme conseiller scientifique de la Maison Blanche*. En résumé, le 46e président des Etats-Unis veut s'entourer des responsables ayant de l'expérience, et de l'expertise.

Selon un ancien conseiller de la Maison Blanche cité par AP, l'objectif est de mettre en place une administration opérationnelle dès son premier jour de mandat. "Un des problèmes auxquels Biden fait face (…) est la façon dont le gouvernement Trump a traité les agences et départements fédéraux, explique Eric Schultz à l'agence de presse. Reconstruire ces agences (…) va demander beaucoup de travail. Cela n'aurait donc aucun sens d'y nommer des gens inexpérimentés."

* Les liens signalés par des astérisques renvoient vers des contenus en anglais.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.