Donald Trump ne passe pas tout son temps sur Twitter : voici ses quatre grands succès personnels depuis le début de son mandat
En une année à la Maison Blanche, le milliardaire a multiplié les sorties fracassantes sur Twitter, mais il a aussi remporté des victoires notables.
Un président qui tweete beaucoup, mais qui ne fait pas grand-chose, si ce n'est jouer au golf. La caricature colle à la peau de Donald Trump, souvent vilipendé par la presse étrangère, y compris en France. A la fin de l'année 2017, la Maison Blanche a fait son propre bilan, en dressant la liste des 81 réussites majeures du président américain, depuis son arrivée au pouvoir un an plus tôt, le 20 janvier.
Cet inventaire à la Prévert, relayé par le Washington Examiner (en anglais), était censé faire taire les critiques et les moqueries sur le piètre bilan de sa première année de présidence. Depuis qu'il s'est installé dans le Bureau ovale, le milliardaire a certes réussi à se fâcher avec la Terre entière, mais il peut tout de même s'enorgueillir de plusieurs victoires de taille.
Il a signé une réforme fiscale à 1 500 milliards de dollars
Donald Trump est parvenu à finir sa première année de mandat en beauté. Juste avant de partir pour Noël dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago, en Floride, il a paraphé sa réforme fiscale : la première grande loi de son mandat, onze mois après son accession au pouvoir. Les allégements fiscaux pour les particuliers et les entreprises sont estimés à 1 500 milliards de dollars, pour les dix prochaines années. Les Etats-Unis n'avaient pas connu pareille baisse de la fiscalité depuis la refonte du Code des impôts sous Ronald Reagan, en 1986.
Cette réforme fiscale va faire baisser de manière drastique les impôts des contribuables les plus riches et des entreprises. C'est le rêve absolu du parti républicain depuis des années.
Françoise Coste, maître de conférences en civilisation américaine à l'université de Toulouseà franceinfo
"Cela explique pourquoi les républicains n'abandonnent pas Donald Trump", poursuit Françoise Coste. "C'est sa grande victoire politique de l'année, car il fait coup double, souligne Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire, spécialiste des Etats-Unis. Pour la première fois, il a obtenu de la majorité républicaine qu'elle aille là où il voulait l'emmener. Et il a même vaincu les résistances de certains républicains qui lui étaient hostiles au Sénat."
Cette réforme fiscale permet même à Donald Trump, qui n'est pas parvenu à abroger l'Obamacare comme il s'y était engagé, de saboter la grande réforme de Barack Obama. Elle supprime le "mandat individuel" qui infligeait une pénalité fiscale à ceux qui ne souscrivaient pas de contrat pour les inciter à changer d'avis et permettre ainsi de diluer le coût de l'assurance-santé. Le Bureau du budget du Congrès, cité par le New York Times, estime que son abrogation fera augmenter les prix de l'assurance de 10% et que 4 millions de personnes n'auront plus les moyens de s'assurer en 2019, puis 13 millions en 2027.
Il a nommé des juges conservateurs par dizaines
Une révolution de palais (de justice) est en cours aux Etats-Unis, en toute discrétion. Comme ses prédécesseurs, Donald Trump a le pouvoir de nommer les juges fédéraux et il en profite pour mettre la barre à droite. En avril, après un an de bras de fer, Donald Trump a ainsi fait basculer la balance de la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis, en faveur des conservateurs, grâce à la nomination de Neil Gorsuch.
A l'échelon inférieur des cours d'appel fédérales, la bascule est encore plus spectaculaire. Donald Trump a nommé 59 juges fédéraux, chiffre le Washington Examiner. "C'est une réussite idéologique à long terme, puisque la plupart de ces juges sont nommés à vie", explique Françoise Coste.
On critique l'indolence de l'administration Trump, sa difficulté à passer de la parole aux actes, mais dans ce domaine il est très efficace. (...) C'est sa victoire la plus importante et la plus souterraine.
Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire, spécialiste des Etats-Unisà franceinfo
Au même stade de leur mandat, Barack Obama n'en avait nommé que 22, George W. Bush, 52 et Bill Clinton, 30, évalue Libération. Mais à l'arrivée de Donald Trump, près de 110 postes de juges fédéraux étaient vacants. Deux fois plus que lors de l'investiture de Barack Obama en 2009. "Les républicains ont fait de l'obstruction au Sénat, explique François Coste. Sous la présidence de Barack Obama, ils ont bloqué les nominations, jusqu'à l'élection de Donald Trump."
Pour faire ses choix, détaille Corentin Sellin, "Donald Trump s'appuie sur la Heritage Foundation, qui a lancé un travail de recherche de candidats dès la campagne présidentielle". "Un 'think tank' ultraconservateur", à l'image des nouveaux juges fédéraux. John Bush, 52 ans, a ainsi comparé l’avortement à l’esclavage, "les deux plus grandes tragédies" des Etats-Unis, rappelle le Daily Beast. Sa collègue Amy Coney Barrett, 45 ans, a assuré sans convaincre que sa fervente foi catholique n'affecterait pas ses décisions, rappelle le New York Times. Opposée à l’avortement, elle a prononcé un discours rémunéré devant une ONG prônant la stérilisation des personnes transgenres, ajoute le Huffington Post.
"En tant que conservateur radical, Donald Trump a une obsession : le 'deep state', expose Corentin Sellin. Il a abondamment relayé cette théorie complotiste. Cet 'Etat profond', qui tire les ficelles de l'Etat fédéral en coulisses, serait contrôlé par des libéraux. Dans les cours fédérales, des juges libéraux feraient obstacle à la volonté du peuple, dont Donald Trump se présente évidemment comme l'incarnation, en réinterprétant la Constitution plutôt qu'en en faisant une lecture littérale comme les ultraconservateurs."
"Son but à long terme est de repeupler le 'deep state'", poursuit l'expert. Le rendre "beaucoup plus favorable aux idées des ultraconservateurs et les juges, beaucoup plus complaisants sur des mesures contestées comme le 'travel ban'". Autrement dit le décret anti-immigration, qui vaut depuis des mois au président américain une guérilla de juges fédéraux hostiles à son projet.
Il a tenu ses promesses de campagne
"Je ne voulais pas qu'on dise que je ne tiens pas mes promesses", a glissé Donald Trump aux journalistes présents à la Maison Blanche pour immortaliser la signature de la réforme fiscale fin décembre. "Donald Trump apporte un soin tout particulier et presque puéril à montrer combien il respecte ses promesses de campagne", confirme Corentin Sellin.
Jusqu'ici, Donald Trump ne s'est adressé qu'à sa base et a pris des mesures qui semblaient montrer qu'il allait respecter ses engagements.
Anne Deysine, professeure à l'université Paris Ouest-Nanterre, spécialiste des Etats-Unisà franceinfo
Le candidat avait promis à ses électeurs de sortir de l'accord de Paris sur le climat, signé en 2015 par Barack Obama, pour "rendre sa grandeur à l'Amérique". Le président a tenu parole en juin. "Politiquement, c'est un immense succès, relève Françoise Coste. Donald Trump répond aux attentes de la base électorale républicaine, mais aussi à celles des plus grands bailleurs de fonds du parti, les compagnies chimiques et pétrolières qui sont très polluantes et qui auraient pâti des contraintes fixées pour atteindre les objectifs de cet accord."
De même lorsqu'il décide, en décembre, de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël. "C'est une mesure extrêmement dangereuse prise pour satisfaire sa base", commente Anne Deysine. "La droite chrétienne évangélique des Etats-Unis est pro-israélienne, à un point qu'on a du mal à imaginer", souligne Vincent Lemire, maître de conférences à l’université de Paris-Est-Marne-la-Vallée et spécialiste de l'histoire de Jérusalem.
Lorsqu'il signe dès janvier le retrait du traité de libre-échange transpacifique, c'est encore au nom du respect de son engagement protectionniste, "l'Amérique d'abord", "quitte à rompre avec la doxa observée par la classe politique américaine depuis des décennies", glisse Corentin Sellin. "Il a été élu sur une rhétorique antisystème, analyse le spécialiste. Il joue là sa crédibilité."
Il s'est présenté comme un homme d'affaires qui a réussi parce qu'il avait accompli des choses et qui, en tant que président, ferait en sorte que les choses soient faites. C'est sa marque de différenciation. C'est son seul moyen de continuer à exister politiquement.
Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire, spécialiste des Etats-Unisà franceinfo
Il a imposé son style de présidence
"Le leader nord-coréen Kim Jong-un vient d'affirmer que le 'bouton nucléaire est sur son bureau en permanence' (...) Informez-le que moi aussi j'ai un bouton nucléaire, mais il est beaucoup plus gros et plus puissant que le sien, et il fonctionne !" Pas un jour ne passe sans qu'un tweet tonitruant de Donald Trump ne menace de déclencher une nouvelle crise. Et chaque dimanche matin, c'est un festival de polémiques. "Désormais, un président américain peut menacer d'une guerre nucléaire par tweet interposé", résume Françoise Coste.
North Korean Leader Kim Jong Un just stated that the “Nuclear Button is on his desk at all times.” Will someone from his depleted and food starved regime please inform him that I too have a Nuclear Button, but it is a much bigger & more powerful one than his, and my Button works!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 3 janvier 2018
"C'est la grande victoire symbolique de Donald Trump, estime Corentin Sellin. Il impose ses sujets, ses représentations du monde, son rythme, son agenda politique et médiatique, son mode de fonctionnement, sa façon de présider. Et tout se joue à coups de tweets. Son fil Twitter est celui dont tous les autres parlent."
Un an seulement après son arrivée à la Maison Blanche, il a réussi à imposer sa présidentialité si particulière.
Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire, spécialiste de Etats-Unisà franceinfo
"Il a redéfini les normes de ce qui était acceptable. Et ces normes ne s'appliquent qu'à lui", fait remarquer Françoise Coste. "Il n'a jamais déclaré ses revenus, comme le faisaient tous les candidats à la présidentielle. On l'a entendu dire dans une vidéo qu'il pouvait 'attraper les femmes par la chatte'. Cela aurait plombé n'importe quel candidat, mais pas lui", qui était pourtant déjà accusé de harcèlement et d'agression sexuelle par plusieurs femmes.
"Il y a une réussite culturelle de Donald Trump", observe Françoise Coste. Il a redéfini l'atmosphère de la vie politique américaine. Il a accentué le mouvement de polarisation entre droite et gauche, déjà lancé par le mouvement très conservateur du Tea Party pendant la présidence de Barack Obama." "Il a permis à un ultraconservatisme décomplexé de s'exprimer sur les questions environnementales ou raciales, en matière de mœurs ou de sexualité", poursuit l'universitaire. "On l'a vu en août à Charlottesville, en Virginie, lors des manifestations néo-nazies qu'il a refusé de condamner."
Il y aura un avant et un après Donald Trump. Même un futur président démocrate ou républicain qui voudrait revenir aux normes d'avant n'y arriverait pas. Un autodidacte en politique a réussi ça : c'est peut-être cela le plus fort.
Françoise Coste, maître de conférences en civilisation américaine à l'université de Toulouseà franceinfo
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