Election de Donald Trump : en quoi consiste le processus de transition entre Joe Biden et le vainqueur de la présidentielle américaine ?

Article rédigé par Marie-Violette Bernard - envoyée spéciale à Washington (Etats-Unis)
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Publié
Temps de lecture : 7min
Donald Trump devant la Maison Blanche, à Washington (Etats-Unis), le 12 décembre 2020. (AL DRAGO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)
Le président élu a 75 jours pour préparer son retour à la Maison Blanche et choisir l'équipe dont il souhaite s'entourer. De l'aveu des spécialistes interrogés par franceinfo, le milliardaire républicain est "mieux préparé" qu'à son arrivée au pouvoir en 2016.

Il prépare son retour à la Maison Blanche. Donald Trump, qui a remporté une large victoire face à Kamala Harris lors de l'élection présidentielle américaine, a un peu plus de deux mois pour organiser son entrée en fonction, après son investiture le 20 janvier 2025. Aux Etats-Unis, le passage de relais entre deux chefs de l'Etat s'étale en effet sur plusieurs semaines et comporte de nombreuses étapes, notamment la nomination du nouveau gouvernement.

Mais la transition démarre bien avant le jour du scrutin. "Ça a démarré il y a plusieurs mois, lorsque le Centre pour la transition présidentielle, un organisme non partisan, a contacté les équipes des deux principaux candidats", explique Todd Belt, professeur et directeur du programme de gestion politique à l'université George Washington. L'objectif est de commencer à discuter avec chacun de leurs futures politiques, des recrutements à venir et des besoins qu'auront les futures administrations. Du côté de la Maison Blanche, un conseil a été créé pour encadrer cette transition et guider sa mise en œuvre dans toutes les agences et départements, précise le Centre pour la transition présidentielle.

Environ 4 000 personnes à recruter

Une fois le vainqueur de l'élection connu, "des fonds sont débloqués pour lui permettre de commencer les recrutements", poursuit Todd Belt. La tâche est conséquente : le président élu doit nommer environ 4 000 personnes, des membres de son cabinet et de son gouvernement jusqu'aux responsables des agences fédérales. "Environ 1 200 de ces nominations doivent être validées par le Sénat", ajoute Donald Moynihan, professeur de politiques publiques à l'université du Michigan. Ces recrutements "nécessitent des vérifications détaillées, pour éviter toute polémique sur les profils choisis, mais aussi pour des raisons de sécurité".

"Pendant la transition, le président élu est en quelque sorte le directeur des ressources humaines des Etats-Unis."

Todd Belt, professeur à l'université George Washington

à franceinfo

"L'idée est d'arriver à l'investiture avec une équipe prête à travailler", précise Todd Belt. Pour cela, les responsables de l'administration sortante commencent à transmettre des informations à leurs successeurs dès la période de transition. "Cela évite qu'il y ait un 'trou' entre les deux équipes, en particulier pour les questions de sécurité nationale et de relations internationales", souligne le professeur à l'université George Washington.

Donald Trump a déjà pris du retard dans ce processus, rapportait le New York Times en septembre. Selon le quotidien américain, l'équipe du milliardaire républicain n'a signé aucun des trois documents habituellement remplis par les candidats avant l'élection, notamment "les règles d'éthique pour éviter tout conflit d'intérêts". Un refus qui l'a dans un premier temps empêché d'accéder à certains fonds prévus pour installer sa future administration, mais aussi de démarrer les briefings de son équipe sur les questions de sécurité nationale.

Donald Trump sait désormais comment cela fonctionne

Cette situation ne surprend pas Donald Moynihan. "C'est un signe que Donald Trump est plus passionné par la campagne que par le gouvernement : il ne s'inquiète pas particulièrement de ces détails", explique le politologue. C'était déjà le cas en 2016, lorsque le processus avait été anormalement long et la communication avec l'administration Obama inhabituellement compliquée.

"Lors du premier mandat de Donald Trump, la transition n'était pas bien préparée et, de l'avis général, elle s'est mal déroulée." 

Donald Moynihan, politologue à l'université du Michigan

à franceinfo

Il faut dire qu'en 2016, le candidat républicain avait limogé le directeur de son équipe de transition, l'ancien gouverneur Chris Christie, juste après l'élection. "Chris Christie avait de l'expérience mais il a été écarté en raison de mauvaises relations avec le beau-fils de Donald Trump, Jared Kushner, détaille Todd Belt. Tout son plan de transition a été mis à la poubelle et la gestion du processus a été confiée à des gens qui n'avaient aucune compétence dans ce domaine."

Le leader républicain est néanmoins "mieux préparé cette fois", juge Todd Belt. "Il est déjà passé par ce processus une fois : il sait comment il fonctionne et semble prêt à en suivre le déroulement", remarque-t-il. Son équipe de transition a été formée durant l'été et comprend notamment son futur vice-président J.D. Vance, l'ancienne démocrate Tulsi Gabbard, ainsi que deux de ses fils, Donald Trump Junior et Eric Trump. Elle est menée par Howard Lutnick, ancien PDG d'un fonds d'investissement, et Linda McMahon, membre de sa précédente administration, selon l'agence Associated Press.

Autre changement par rapport à 2016 : cette fois, Donald Trump entend nommer aux postes clés des personnes "qui lui sont plus loyales", relève Donald Moynihan. "La première fois, il avait écouté les suggestions des cadres du Parti républicain, nommant des responsables qui ont quitté rapidement l'administration en le critiquant publiquement, rappelle Todd Belt. C'était embarrassant pour Donald Trump, qui va cette fois s'entourer de personnes en qui il a confiance." Le premier nom a été rendu public jeudi 7 novembre : c'est Susie Wiles, architecte de la campagne victorieuse du milliardaire, qui sera sa cheffe de cabinet à la Maison Blanche.

Joe Biden promet une "transition pacifique"

Le président élu peut aussi s'appuyer sur "un large réseau de soutiens, qui lui sont fidèles et tentent de trouver des noms pour les nominations", constate Donald Moynihan. C'est tout le but du Projet 2025, un plan d'action établi par un groupe ultraconservateur en prévision du retour du milliardaire à la Maison Blanche. Le document prévoyait ainsi de recruter et former des personnes afin qu'elles occupent des postes clés dans la nouvelle administration, "pour permettre une transition rapide et fluide", insiste Todd Belt.

Le passage de relais avec Joe Biden devrait aussi être moins complexe qu'en 2020. A l'époque, Donald Trump contestait la victoire de son rival démocrate à la présidentielle et avait refusé d'entamer le processus. Il avait fallu trois semaines pour que les fonds alloués au vainqueur soient débloqués, rappelle le New York Times. Un cas de figure qui ne devrait pas se reproduire en 2024. "Au-delà des questions pratiques, les administrations présidentielles voient généralement dans ce processus un symbole de leur capacité à garantir un transfert pacifique du pouvoir", insiste Donald Moynihan.

C'est d'ailleurs l'engagement qu'a pris Joe Biden jeudi 7 novembre. Lors d'un discours, le président sortant a promis d'assurer "une transition pacifique et ordonnée" avec Donald Trump. Il a aussi annoncé avoir invité à la Maison Blanche son prédécesseur, et bientôt successeur, pour discuter du passage de relais entre leurs administrations. Quatre ans après avoir rechigné à se prêter à ce processus, l'équipe du milliardaire a assuré jeudi qu'il "attendait avec impatience cette rencontre".

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