Mur à la frontière mexicaine, enquête russe… Ce qu'il faut retenir du discours sur l'état de l'Union de Donald Trump
Lors de cette allocution annuelle, le président américain s'est posé en rassembleur, tout en défendant une politique radicale en matière d'immigration, sur la frontière mexicaine notamment.
"Le programme que je vais présenter ce soir n'est ni républicain, ni démocrate. C'est celui du peuple américain." Pour le traditionnel discours sur l'état de l'Union, face au Congrès, mardi 5 février, le président américain Donald Trump a voulu faire figure de rassembleur. Un exercice périlleux pour ce partisan d'une ligne dure au sujet de l'immigration, attaché à un projet de mur à la frontière mexicaine qui n'en finit pas de diviser, et coutumier des diatribes enflammées contre ses opposants. Voici les principaux éléments à retenir de ce discours d'une heure et demie.
Un appel aux "compromis" à des élus divisés
Le tempétueux chef de l'Etat a ainsi multiplié les appels au "compromis" dans son allocution. "Ensemble, nous pouvons mettre fin à des décennies de blocage politique, guérir les blessures anciennes, construire de nouvelles coalitions", a-t-il lancé. Mais ces appels venant d'un président coutumier des diatribes enflammées ont peu de chance d'être entendus par ses adversaires politiques. "On dirait que, tous les ans, le président se réveille le jour du discours sur l'état de l'Union avec une soudaine envie d'unité. Les 364 autres jours de l'année, le président passe son temps à nous diviser", avait ironisé, avant le discours, le sénateur démocrate Chuck Schumer.
Une image, chargée en symboles, résumait la difficulté de sa délicate équation politique : lorsqu'il a pris la parole devant les élus au grand complet, la nouvelle présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi était assise derrière lui, impassible, dans le champ des caméras. Or l'élue démocrate, fermement opposée au mur de Donald Trump à la frontière mexicaine, vient de lui infliger une cuisante défaite politique, en faisant lever le "shutdown" sans avoir cédé sur le financement de l'emblématique projet du président américain.
Un hommage aux femmes élues au Congrès
Les divisions au sein du Congrès ont même été accentuées par un contraste saisissant. Comme Nancy Pelosi, de nombreuses élues démocrates s'étaient habillées de blanc, en hommage au mouvement centenaire des suffragettes, qui se sont battues pour le droit de vote des femmes après la Première Guerre mondiale. Mais Donald Trump a su saluer l'occasion en vantant le nombre record de femmes dans la population active et au Congrès.
"Tous les Américains peuvent être fiers qu'il y ait plus de femmes dans la population active que jamais, s'est félicité Donald Trump durant son discours. Et exactement cent ans après que le Congrès a adopté un amendement constitutionnel donnant le droit de vote aux femmes, nous avons aussi plus de femmes que jamais au sein du Congrès." Le président a été interrompu par les hourras des élues, qui sont prises mutuellement dans les bras, rapporte CNN (en anglais).
"Vous n'étiez pas censées faire ça", a plaisanté le président américain, alors que l'assemblée se mettait à scander "USA". Donald Trump a laissé duré cet instant, avant de lancer aux élues : "C'est génial ! Et félicitations !". Selon la chaîne américaine, ce passage a été l'un des rares moments d'union de la soirée.
"Les murs sauvent des vies"
"Par le passé, la plupart des gens dans cette pièce ont voté pour un mur, mais le mur adéquat n'a jamais été construit. Je le ferai construire", a annoncé Donald Trump. Le président américain l'a assuré : son mur à la frontière mexicaine "sera construit". Il a exhorté démocrates et républicains à trouver "un compromis et un accord" pour le financer, d'ici au 15 février, tout en renonçant à passer en force en décrétant l'état d'urgence.
Les murs "fonctionnent et sauvent des vies, alors travaillons ensemble", a-t-il ajouté, assurant avoir transmis au Congrès une proposition allant "dans le sens de tous", comprenant notamment une "nouvelle barrière physique" à la frontière sud. Donald Trump a par ailleurs qualifié l'immigration de "crise nationale d'urgence" et annoncé le déploiement de 3 750 soldats supplémentaires à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, pour préparer "une offensive phénoménale" contre les caravanes de migrants.
"Notre économie est enviée par le monde entier"
Donald Trump a profité de cette tribune pour vanter les mérites de sa politique économique. "Après 24 mois de progrès rapides, notre économie est enviée par le monde entier", a-t-il assuré, évoquant un "miracle économique". "L'économie américaine croît presque deux fois plus vite aujourd'hui que lorsque j'ai été investi président, et nous sommes considérés comme l'économie la plus dynamique du monde entier, de très loin", a-t-il ajouté. Comme le remarque le New York Times (en anglais), cette affirmation est toutefois fausse : la Pologne, l'Inde ou encore la Chine enregistrent une croissance plus importante que les Etats-Unis au dernier trimestre de l'année 2018.
"Afin de mettre à profit notre incroyable succès économique, il y a une priorité essentielle : inverser les décennies de politiques commerciales désastreuses", a continué Donald Trump. Avant de lancer une pique à l'aile gauche du parti démocrate, renforcée depuis les élections de mi-mandat et incarnée notamment par la représentante Alexandria Ocasio-Cortez, qui a proposé de taxer les Américains les plus riches à hauteur de 70%. "Nous sommes nés libres et nous resterons libres. Ce soir, nous réaffirmons avec force que l'Amérique ne sera jamais un pays socialiste", a déclaré Donald Trump.
Des "enquêtes partisanes ridicules"
"Un miracle économique se produit actuellement aux Etats-Unis et les seules choses qui pourraient le stopper sont les guerres insensées, les politiques ou les enquêtes partisanes ridicules." A 21 mois de la prochaine élection présidentielle, où il compte briguer un second mandat, Donald Trump a dénoncé les investigations du procureur spécial Robert Mueller ainsi que les enquêtes parlementaires sur les liens entre son équipe de campagne et la Russie. Ces attaques interviennent alors que les démocrates, qui contrôlent désormais la Chambre des représentants, ont lancé une série d'enquêtes sur l'administration Trump.
"Eliminer le VIH aux Etats-Unis d'ici dix ans"
"Mon budget demandera aux démocrates et aux républicains de dégager les moyens nécessaires pour éliminer l'épidémie de VIH aux Etats-Unis d'ici dix ans. Ensemble, nous vaincrons le sida en Amérique et au-delà", a déclaré le président républicain. L'annonce rappelle la proposition, lancée au même endroit en 2003 par George W. Bush, du programme Pepfar contre le sida dans le monde, considéré comme l'un des plus grands succès de la lutte contre l'épidémie. Le secrétaire à la Santé, Alex Azar, a ensuite fourni plus de détails. L'objectif est de réduire le nombre de contaminations par le VIH aux Etats-Unis, aujourd'hui de 38 000 par an, de 75% en cinq ans et de 90% en dix ans.
Des attaques contre l'IVG
Donald Trump a critiqué des lois sur l'avortement adoptées récemment dans deux Etats américains. La Virginie a élargi les conditions d'autorisation des IVG tardives (durant le troisième trimestre de la grossesse), alors que l'Etat de New York a autorisé cette procédure après 24 semaines si le fœtus n'est pas viable ou s'il existe un risque pour la santé de la mère, rappelle Vox (en anglais).
"Pour défendre la dignité de chaque personne, je demande au Congrès d'adopter une loi interdisant l'avortement à un stade avancé de la grossesse, pour des enfants qui peuvent sentir la douleur dans le ventre de leur mère", a déclaré le président américain. Comme le précise Quartz (en anglais), il n'y a pas de consensus scientifique sur la capacité du fœtus à sentir la douleur. "Travaillons ensemble à la construction d'une culture qui chérit les vies innocentes, a poursuivi Donald Trump. Et réaffirmons une vérité fondamentale : tous les enfants, nés ou dans le ventre de leur mère, sont faits à l'image de Dieu."
Un rendez-vous avec Kim Jong-un au Vietnam
"Dans le cadre de notre diplomatie audacieuse, nous continuons notre effort historique pour la paix dans la péninsule coréenne", a assuré Donald Trump, en officialisant la date et le lieu d'un nouveau sommet avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Ce deuxième tête-à-tête, après le sommet historique entre les deux hommes le 12 juin 2018 à Singapour, se déroulera au Vietnam les 27 et 28 février.
Donald Trump s'est félicité des progrès accomplis depuis la détente entamée l'année dernière, assurant que s'il n'avait pas été élu président, les Etats-Unis seraient "maintenant dans une guerre majeure avec la Corée du Nord". "Nos otages sont revenus à la maison, les essais nucléaires ont cessé et il n'y a pas eu de lancement de missiles depuis 15 mois", a listé Donald Trump. "Il reste beaucoup de travail à faire mais ma relation avec Kim Jong-un est bonne", a-t-il ajouté.
Des discussions "constructives" en Afghanistan
Donald Trump a défendu son choix de retirer les troupes américaines de Syrie mais aussi d'Afghanistan. "Les grandes nations ne combattent pas dans des guerres sans fin, a assuré le président américain. Après deux décennies de guerre, l'heure est venue d'au moins essayer d'instaurer la paix." Il a affirmé que son administration tenait "des discussions constructives en Afghanistan, avec un certain nombre de groupes afghans, dont les talibans". "Au fur et à mesure que ces négociations progressent, nous serons en mesure de réduire la présence de nos troupes et de nous concentrer sur le contre-terrorisme", a-t-il conclu sur ce point.
Ces déclarations lui ont valu des applaudissements inégaux dans le camp républicain. La veille, le Sénat avait approuvé à une très large majorité un amendement critiquant la décision de Donald Trump de retirer les troupes américaines de Syrie et d'Afghanistan.
Un soutien à la "quête de liberté" des Vénézuéliens
Durant son chapitre sur la politique internationale, Donald Trump a également évoqué la situation au Venezuela. Comme une quarantaine d'autres pays, les Etats-Unis ont reconnu l'opposant Juan Guaido comme président par intérim au Venezuela. "Nous soutenons le peuple vénézuélien dans sa noble quête de liberté, a déclaré le président américain. Et nous condamnons la brutalité du régime de Maduro, dont la politique socialiste a fait passer cette nation de la plus riche de l'Amérique du Sud à un état abject de pauvreté et de désespoir."
Un chant d'anniversaire impromptu
Le discours de Donald Trump a été interrompu lorsque le Congrès a entonné "Joyeux anniversaire", en hommage à Judah Samet, invité par le président à assister au discours sur l'état de l'Union. Ce survivant de la Shoah a échappé à la fusillade qui a fait 11 morts dans la synagogue de Pittsburgh (Pennsylvanie), fin octobre. Il fêtait ses 81 ans mardi 5 février. Le Congrès lui a réservé une chaleureuse ovation. "Ils ne le feraient pas pour moi, Judah", a plaisanté Donald Trump, provoquant les rires de l'assistance.
During President Trump’s State of the Union address, the House chamber sings “Happy Birthday” to Judah Samet, a Holocaust survivor and a survivor of last year’s Pittsburgh synagogue attack. Today is Judah’s 81st birthday. #SOTU https://t.co/EoIjidQI0K pic.twitter.com/E3ErzUvyda
— CNN Breaking News (@cnnbrk) 6 février 2019
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