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Etats-Unis : que va changer l'élection "à la Pyrrhus" de Kevin McCarthy à la tête de la Chambre des représentants ?

Pour la spécialiste Marie-Cécile Naves, le nouveau président de la Chambre des représentants est déjà fragilisé en raison de concessions accordées aux franges extrêmes du parti républicain.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le nouveau président de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, à Washington (Etats-Unis), le 7 janvier 2023. (OLIVIER DOULIERY / AFP)

C'est la fin d'une pagaille inédite en plus de 160 ans aux Etats-Unis. Dans la nuit du vendredi 6 au samedi 7 janvier, au terme d'un 15e tour de vote, Kevin McCarthy, membre du parti républicain, a été élu président de la Chambre des représentants, au terme d'un processus marqué jusqu'au bout par de très vives tensions dans les rangs de ce parti. Des élus très conservateurs avaient d'abord refusé de soutenir le candidat désigné de leur camp, qui succède à la démocrate Nancy Pelosi au poste de "speaker".

Pour le Californien de 57 ans, parlementaire depuis 2007, les problèmes ne sont pas résolus pour autant. "Il y a eu des concessions énormes aux extrémistes", analyse Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Pour cette spécialiste des Etats-Unis, la frange radicale du parti républicain pourrait faire payer cher à Kevin McCarthy cette "victoire empoisonnée". Et faire indirectement le jeu du démocrate Joe Biden en vue de l'élection présidentielle de 2024.

Franceinfo : Qu'est-ce que l'élection laborieuse de Kevin McCarthy dit de la situation politique des républicains à la Chambre des représentants ?

Marie-Cécile Naves : C'est une victoire à la Pyrrhus, empoisonnée, qui montre que le parti républicain à la Chambre est à l'image du parti républicain dans le pays : profondément divisé, de plus en plus sujet aux pressions des extrémistes, au mépris des attentes de l'électorat au niveau national. Certains, issus de la mouvance trumpiste MAGA [en référence au slogan Make America Great Again] et du Tea Party des années Obama, veulent déstabiliser le fonctionnement de l'Etat fédéral. Il y a beaucoup de "deniers" (ceux qui nient la défaite de Donald Trump à l'élection présidentielle de 2020). Le parti républicain semble paralysé face aux chantages de ces franges d'extrême droite.

A quoi pourrait ressembler le mandat de Kevin McCarthy à la tête de la Chambre des représentants ?

Cette victoire au bout du 15e tour laisse augurer de fortes concessions aux extrémistes et annonce des blocages institutionnels, comme une sorte de carte blanche à l'obstruction parlementaire. En substance, Kevin McCarthy leur dit qu'ils pourront obtenir ce qu'ils veulent de lui. Il n'apparaît pas comme ayant beaucoup de leadership. En bref, c'est un peu "open bar" pour le chantage parlementaire. Et c'est un problème car de nombreux dossiers vont arriver à la Chambre des représentants, comme le rehaussement du plafond de la dette, garant du fonctionnement des administrations fédérales.

Qu'a obtenu de Kevin McCarthy la frange extrémiste des républicains ?

C'est évident qu'il y a eu des concessions énormes faites aux extrémistes, sans doute sur des postes clés dans les commissions parlementaires, avec aussi une procédure facilitée de révocation du président de la Chambre des représentants. CNN a notamment évoqué la mise en œuvre de fonds parlementaires pour entraver les futures enquêtes du ministère de la Justice. Ce serait là une revanche sur le fait que l'Etat a demandé des comptes sur ce qui s'est passé au Capitole, il y a deux ans.

Quel rôle Donald Trump a-t-il joué dans l'élection du président de la Chambre des représentants ?

Il a passé des coups de fil dans les derniers moments de cette élection, mais ce n'est pas le faiseur de roi. En revanche, et c'est un avantage pour lui, il peut contrôler Kevin McCarthy, quelqu'un qui n'a pas de colonne vertébrale : il a critiqué Donald Trump pour son implication dans l'assaut du Capitole mais a aussi été photographié avec lui à Mar-a-Lago, dans la résidence l'ancien président.

"Kevin McCarthy est une girouette, et c'est là sa faiblesse."

Marie-Cécile Naves, spécialiste des Etats-Unis

à franceinfo

Est-ce que cette séquence confuse pour les républicains sert, en miroir, les intérêts des démocrates à la Chambre des représentants ?

Ils sont minoritaires mais pas de beaucoup : rappelons qu'ils disposent de 212 sièges, contre 222 pour les républicains. Il n'est pas impossible, et cela fait partie des hypothèses, que certains républicains modérés votent avec des démocrates pour faire passer certaines réformes. Joe Biden a d'ailleurs dit qu'il voulait continuer à travailler avec eux.

Qu'est-ce que cela signifie pour Joe Biden, qui pourrait prochainement annoncer sa candidature pour briguer un second mandat en 2024 ?

Qu'il se représente ou pas, on va le savoir vite. Joe Biden s'efforce en tout cas d'apparaître comme le maître du compromis. Il s'était fait élire sur cette promesse et c'est l'une des marques de son expérience politique, c'est une force qu'il a, dans un paysage politique très polarisé. Il a raisonnablement réussi à mettre en place depuis deux ans les grandes réformes du plan de relance, grâce à certains compromis passés avec les républicains.

En tout cas, on peut dire que la pré-campagne pour l'élection présidentielle de 2024 a commencé et le parti républicain n'a pas beaucoup de temps pour se relancer. Les premiers caucus et primaires pour désigner le ou la candidat.e des deux partis ont lieu dans un an.

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