L'ascension et la chute de Steve Bannon, l'ancien bras droit de Donald Trump, résumée en six actes
Steve Bannon a été poussé à démissionner de son poste de président de Breitbart News après ses propos incendiaires contre Donald Trump dans le livre "Fire and Fury".
Sous les ordres de Steve Bannon, Breitbart News a été une machine de guerre au service de Donald Trump, participant activement à son élection à la présidence des Etats-Unis. Mais le site a annoncé, mardi 9 janvier, la démission de cet ancien proche conseiller du chef de l'Etat américain. Ce départ intervient après la publication, dans un livre polémique sur la Maison Blanche, de propos explosifs de Steve Bannon sur Donald Trump et son entourage : il accuse notamment son fils aîné, Donald Trump Jr., de "trahison". Franceinfo revient sur l'ascension et la chute tout aussi fulgurante de ce personnage provocateur et extrêmement controversé.
1 Il débute sa carrière politique à Hollywood
C'est dur à imaginer, mais Steve Bannon a grandi dans une famille ouvrière démocrate, pro-Kennedy, pro-syndicats. Après avoir été diplômé de l'université de Virginia Tech, de Georgetown et d'Harvard, il a servi pendant quatre ans dans la Marine américaine. Cette expérience, selon son propre récit, l'a conduit à rejeter les allégeances politiques de sa famille et à devenir un fervent admirateur de Ronald Reagan.
Après avoir été banquier d'affaires chez Goldman Sachs dans les années 1980 et créé une petite banque d'investissements, Steve Bannon devient producteur à Hollywood. Il commence à produire des films politiques avec, en 2004, un documentaire très orienté sur Ronald Reagan. In The Face Of Evil : Reagan's War In Word And Deed est un tournant dans sa trajectoire, rapporte NPR : il présente le film à un festival de cinéma conservateur à Los Angeles, à l'occasion duquel il rencontre Andrew Breitbart, fondateur du très controversé site du même nom.
Par la suite, les productions de Steve Bannon se politisent de plus en plus, avec des films sur le Tea Party, l'égérie conservatrice Sarah Palin, et la corruption politique à Washington. Selon NPR, il en serait même venu à dire à Julia Jones, une scénariste avec qui il a travaillé pendant une dizaine d'années, qu'il souhaitait devenir le "Leni Riefenstahl du parti républicain", endossant pleinement la comparaison avec la propagandiste nazie.
2Il s'empare de Breitbart News
En 2012, à la mort d'Andrew Breitbart, Steve Bannon prend les rênes du site internet controversé. Quand Steve Bannon dirigeait la publication, on pouvait lire sur Breitbart News des titres tels que : "La contraception rend les femmes laides et folles", "Le politiquement correct protège la culture du viol des musulmans", "Hissez-le haut et fier: le drapeau confédéré proclame un héritage glorieux".
Breitbart.com a largement bénéficié de la campagne présidentielle et de l'émergence de Donald Trump. Porté par un mélange d'informations choisies pour alimenter les vues d'un lectorat ultra-conservateur et des billets d'opinion très marqués à droite, le site dépasse aujourd'hui largement des sites comme Politico.com ou TheAtlantic.com, références du journalisme politique en ligne. Son trafic mensuel est passé de 30 millions d'utilisateurs en mars 2016 à 81 millions en décembre 2017, selon les données des sites spécialisés Alexa et SimilarWeb.
3Il intègre la campagne de Donald Trump
En août 2016, Steve Bannon est promu directeur général de la campagne électorale de Donald Trump, un titre créé pour lui, au moment où le milliardaire apparaissaît en grandes difficultés dans les sondages face à Hillary Clinton. Breitbart News est alors une plaque tournante pour les informations et rumeurs anti-Clinton.
Breitbart "n'est pas simplement [un site] conservateur, mais extrémiste, sectaire, colporteur de théories du complot antimusulmans et antisémites", réagit l'équipe de campagne d'Hillary Clinton au moment de cette nomination. Ils "n'ont jamais été et ne devraient jamais être près des leviers du pouvoir dans ce pays".
La promotion de Steve Bannon est aussi vécue comme une provocation, voire une déclaration de guerre, par un establishment républicain que Steve Bannon a l'habitude de critiquer sans concession.
4Il s'installe à la Maison Blanche
Après l'investiture de Donald Trump, Steve Bannon est nommé haut conseiller à la Maison Blanche ce qui provoque de violentes réactions. "Les partisans de la suprématie de la race blanche seront représentés au plus haut niveau de la Maison Blanche de Trump", dénonce Adam Jentleson, porte-parole du chef des sénateurs démocrates. L'extrême droite américaine, elle, se félicite, à l'instar de David Duke, ancien responsable du Ku Klux Klan qui a dit à CNN : "C'est excellent."
Installé au cœur du pouvoir, Steve Bannon a une influence considérable sur la première année de la présidence de Donald Trump. Il joue un rôle essentiel dans certaines des initiatives les plus controversées du président américain, de l'interdiction d'entrée aux Etats-Unis pour les ressortissants de certains pays musulmans à la sortie de l'accord de Paris sur le climat en passant par la remise en cause de pactes commerciaux.
5Il est poussé vers la sortie
En août 2017, l'idylle entre Donald Trump et Steve Bannon prend fin. Des appels de plus en plus pressants se font entendre pour demander le départ du sulfureux conseiller après la mort d'une jeune femme dans une manifestation d'extrême droite qui a dégénéré à Charlottesville en Virginie. Face au tollé provoqué, Donald Trump se retrouve en grande difficulté, jusque dans les rangs de sa propre famille politique.
Dans ce contexte, il préfère se séparer de Steve Bannon, accusé de défendre une ligne très dure, défavorable aux minorités. D'autant que le conseiller du président s'était déjà mis dans une position inconfortable après avoir donné une interview au mensuel The American Prospect, plutôt marqué à gauche, qui a été interprétée comme affaiblissant la position de Trump sur la Corée du Nord. Il pensait alors que ses propos n'étaient pas destinés à être rendus publics.
6Trump répudie Bannon, Breitbart s'en sépare
Steve Bannon était déjà affaibli par la défaite du candidat Roy Moore, qu'il soutenait pour l'élection législative en Alabama. La publication de Fire and Fury, très polémique livre sur la campagne et la présidence de Donald Trump, finit de l'achever. Considéré comme une source majeure de l'auteur, Steve Bannon y affirme notamment que le fils du président américain, Donald Trump Jr., a commis une "trahison" en rencontrant une avocate russe qui offrait des informations compromettantes sur Hillary Clinton.
Donald Trump réagit violemment à la publication de cet ouvrage, accusant notamment Bannon d'avoir "perdu la raison", alors qu'il le qualifiait encore de "type bien" au moment de son départ de la Maison Blanche. Le président n'hésite désormais plus à minimiser le rôle joué par Bannon dans son succès électoral. Désavoué par le président, Steve Bannon se retrouve très isolé et tente de rattraper la mise tardivement en exprimant dimanche ses "regrets" pour ses déclarations. Mais le mal est fait.
La porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Huckabee Sanders, estime que Breitbart.com "devrait envisager" de se séparer de lui. L'héritière Rebekah Mercer, soutien de longue date de Steve Bannon et actionnaire minoritaire de Breitbart, prend aussi ses distances. Selon le New York Times, c'est elle qui a ensuite poussé le site à se séparer de son président exécutif. Steve Bannon perd ainsi son puissant porte-voix, grâce auquel il espérait consolider le courant nationaliste et populiste de l'ultra-droite américaine.
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