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Pourquoi la défaite du républicain Roy Moore à l'élection sénatoriale dans l'Alabama est un revers cuisant pour Donald Trump

Le président américain s'était personnellement engagé en faveur du sulfureux Roy Moore pour défendre ce bastion conservateur. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Le candidat républicain de l'Alabama (Etats-Unis) Roy Moore, le 12 décembre 2017 à Gallant.  (JIM WATSON / AFP)

C'est la fin d'une virulente campagne électorale qui a captivé l'Amérique. Le démocrate Doug Jones a remporté l'élection sénatoriale dans l'Alabama face à l'ultra-conservateur Roy Moore, un exploit dans ce bastion traditionnellement acquis aux républicains. Les électeurs se sont mobilisés, avec une participation plus forte que prévue, pour faire barrage à Roy Moore, visé par des allégations d'agressions sexuelles sur deux mineures il y a plusieurs décennies. Selon des résultats portant sur la totalité des bureaux de vote, Doug Jones a obtenu 49,9% des voix, contre 48,4% pour Roy Moore. 

Donald Trump s'est fendu d'un tweet magnanime à l'annonce des résultats, relativisant cette défaite. "Félicitations à Doug Jones pour cette victoire âprement disputée, mais une victoire est une victoire, a-t-il écrit. Les habitants de l'Alabama sont formidables, et les républicains auront une nouvelle chance de gagner ce siège très bientôt". 

Mais la défaite de Roy Moore est un revers cuisant pour le président américain. Franceinfo vous explique les enjeux de ce scrutin. 

Parce que c'est un Etat traditionnellement républicain

L'Alabama est ce qu'on appelle un "Etat rouge". Et pour cause, cela faisait plus d'un quart de siècle qu'il n'avait pas changé de couleur politique. Jamais, depuis 1992, un démocrate n'y avait été élu sénateur. 

L'élection devait donc être une simple formalité pour remplir le siège vacant de Jeff Sessions, nommé ministre de la Justice. Au cours de la campagne, elle s'est transformée en remise en cause de l'identité politique de cet Etat du Sud. De quoi enhardir le parti démocrate, pour qui cette victoire était difficilement envisageable en début de course. "Si les démocrates peuvent gagner dans l'Alabama, nous pouvons, et nous devons, concourir partout", s'est réjouie Hillary Clinton.

Parce que cela fragilise la majorité sénatoriale 

Avec Doug Jones, le nombre de démocrates siègeant au Sénat passe à 49, face à 51 républicains. Cette petite majorité républicaine voit sa marge de manœuvre réduite au strict minimum, ce qui pourrait compliquer les efforts de Donald Trump pour faire avancer ses projets. 

La Maison Blanche a signalé ses inquiétudes dans ce sens depuis la mi-novembre. Kellyanne Conway, conseillère en communication du président, avait notamment déclaré sur Fox News que les votes contre Roy Moore affaibliraient la réforme fiscale voulue par Donald Trump. 

Cette fragilité se fait particulièrement ressentir à l'aune des prochaines élections législatives de mi-mandat, à l'automne 2018. Cela ouvre "pour la première fois un chemin réaliste mais toujours difficile aux démocrates pour conquérir le Sénat l'année prochaine", analyse le New York Times.

Parce que Donald Trump s'était personnellement engagé pour sa campagne 

Le président des Etats-Unis s'était engagé vigoureusement dans la campagne, en appelant ses partisans à la loyauté, au nom de la poursuite de son programme de réformes. Donald Trump avait enregistré des messages automatiques à destination des électeurs et avait tenu un meeting de l'autre côté de la frontière, en Floride, la semaine dernière. Steve Bannon, l'ancien haut conseiller stratégique de Trump, a aussi participé à plusieurs réunions politiques aux côtés de Moore. 

L'engagement du président n'aura finalement pas été décisif. Les sondages réalisés à la sortie des urnes indiquent que Donald Trump n'a même pas été un facteur de décision pour environ la moitié des électeurs de l'Alabama. Parmi les autres, 29% disent avoir voulu exprimer leur soutien au président américain et 20% disent avoir voté contre lui.

Parce que cela laisse le parti républicain exsangue

La candidature de Roy Moore a profondément divisé le parti républicain. La plupart des élus républicains avaient retiré leur soutien à Roy Moore après la publication de témoignages de femmes l'accusant d'agressions sexuelles, pour éviter d'être associés à ce personnage controversé. Un sénateur républicain de l'Arizona, Jeff Flake, avait même soutenu publiquement Doug Jones. "La morale l'emporte", s'est-il exprimé après sa victoire. 

Les républicains qui s'étaient désolidarisés de Roy Moore s'étaient attiré les foudres des forces anti-establishment emmenées par Steve Bannon, en guerre ouverte contre les leaders du parti. En face, les couteaux étaient sortis contre Bannon avant même la proclamation de la défaite des conservateurs, car c'est lui qui a fait émerger Roy Moore au moment de la primaire. "Quand on nomme des candidats non qualifiés et embarrassants pour le parti, on prend le risque d'abîmer l'ensemble de la marque", a affirmé Josh Holmes, consultant républicain, et proche allié du chef de la majorité républicaine au Sénat.

Parce que cette élection a réveillé les accusations d'agressions sexuelles qui le visent

Donald Trump ne s'est pas seulement positionné en faveur de Roy Moore sur le plan politique, il s'est aussi exprimé à propos des allégations d'agressions sexuelles qui ciblent Roy Moore. A la question d'un journaliste lui demandant si élire un agresseur d'enfants était préférable à la victoire d'un démocrate, Donald Trump avait défendu son candidat en soulignant qu'il niait ces accusations. 

Ces allégations ont rappelé les accusations qui planent sur le président. Elles ont même été réaffirmées à cette occasion : trois femmes qui avaient déjà mis en cause Donald Trump pendant la campagne de 2016 se sont retrouvées ensemble lundi sur un plateau de télévision pour réclamer au Congrès l'ouverture d'une enquête sur le président des Etats-Unis.

"En dépit de milliers d'heures perdues et de millions de dollars gaspillés, les démocrates ont été incapables de démontrer la moindre collusion avec la Russie", a affirmé Donald Trump dans un tweet. "Du coup, ils se tournent vers les fausses accusations et les histoires inventées de femmes que je ne connais pas et/ou que je n'ai jamais rencontrées. FAKE NEWS !". Malgré ces réfutations, la défaite de Roy Moore a montré que des allégations d'agressions sexuelles peuvent fragiliser un homme politique au-delà du réparable. 

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