Nucléaire iranien : "On essaie de convaincre les Iraniens de tenir le coup en attendant que la tempête Trump passe"
L'Iran a annoncé produire de l'uranium enrichi à au moins 4,5%, au-delà de la limite autorisée par l'accord nucléaire conclu à Vienne en 2015. Vincent Eiffling, chercheur et spécialiste, invité de franceinfo, revient sur cette annonce et les nouvelles tensions qu'elles engendrent.
Une nouvelle étape a été franchie, lundi 8 juillet, dans la crise du nucléaire iranien. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a confirmé que l'Iran a commencé à enrichir de l'uranium à un degré supérieur à celui autorisé par l'accord conclu en 2015. Les États-Unis se sont retirés de cet accord l'an dernier, infligeant ensuite une série de sanctions économiques à l'Iran.
Invité sur franceinfo, Vincent Eiffling est chercheur associé au Centre d'Etudes des crises et des conflits internationaux (CECRI) de l'Université de Louvain. Pour le spécialiste de l'Iran, Téhéran veut "faire monter la pression à l'égard des Européens et dans le même temps montrer aux Etats-Unis que leur stratégie ne fonctionne pas". Le chercheur explique que ce "qui l’inquiète le plus, c’est la possibilité d’incidents sur le terrain entre les forces américaines qui sont présentes massivement dans la région du Golfe et les forces iraniennes, plus particulièrement les Gardiens de la révolution."
franceinfo : La limite d’enrichissement d’uranium était fixée à 3,67 % par l’accord de 2015 mais aujourd'hui, l’Iran assure enrichir à 4,5 %. Cette annonce est-elle de la provocation ou des représailles au retrait américain de l’accord nucléaire iranien l’an dernier ?
Vincent Eiffling : Du point de vue de Téhéran, il ne s’agit pas de rompre les engagements pris par cet accord. L’Iran se retranche derrière l’article 36 de cet accord sur le nucléaire qui stipule très clairement que l’Iran a le droit de ne plus respecter l’entièreté de ses engagements s’il estime que les autres parties à l’accord font de même. Or du point de vue de Téhéran, les Européens ne respectent pas leurs engagements en matière de dividendes économiques, de retombées économiques qui devaient profiter à l’économie iranienne. L’attitude de Téhéran est une manière de faire monter la pression à l’égard des Européens et dans le même temps de montrer aux États-Unis que leur stratégie ne fonctionne pas puisque les Iraniens ne se couchent pas face à Washington, ils surenchérissent.
Les sanctions financières américaines font-elles mal à l’économie iranienne ?
Elles font très mal à l’économie iranienne, même si l’Iran est un pays qui dispose de fonds souverains relativement importants. Si la situation devait s’éterniser, dans le scénario où Donald Trump serait réélu à la présidence des Etats-Unis, ce serait très difficile pour l’Iran de continuer à essayer de maintenir le cap tel qu’il le fait aujourd’hui.
L’Iran reproche aux Européens de ne pas tenir leurs promesses mais si leurs entreprises vont faire du business avec l’Iran, elles sont sanctionnées par les États-Unis. Quelle marge de manœuvre l’Europe peut-elle avoir ?
Les Européens sont dans une situation très inconfortable et ils ont une marge de manœuvre extrêmement réduite. Il n’y a pas vraiment de bonne solution pour les Européens. Ce ne sera jamais dit officiellement, mais, dans beaucoup de chancelleries européennes, on espère que Donald Trump ne sera pas réélu et donc on essaie de convaincre les Iraniens de tenir le coup en attendant que la tempête Donald Trump passe. Pour l’instant les Européens ne peuvent pas faire grand-chose à part de grandes déclarations d’intention. Jusqu’à présent les Européens ont mis en place des instruments mais ces instruments sont comme des coquilles vides. On ne peut pas obliger les entreprises européennes à investir en Iran.
Est-ce que ces tensions peuvent aboutir à une guerre ?
Cette situation peut toujours aboutir à une guerre. Mais ce n’est pas parce que la possibilité de la guerre existe qu’on ne va pas assister à une désescalade et à une solution négociée. Ce qui m’inquiète le plus, c’est la possibilité d’incidents sur le terrain entre les forces américaines qui sont présentes massivement dans la région du Golfe et les forces iraniennes, plus particulièrement les Gardiens de la révolution.
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