Présidentielle américaine 2024 : les dépenses de justice de Donald Trump peuvent-elles compliquer sa campagne électorale ?
Quelques jours de répit pour Donald Trump. La cour d'appel de l'Etat de New York a accepté, lundi 25 mars, de réduire à 175 millions de dollars (plus de 160 millions d'euros) le montant de la caution qu'il doit régler dans le cadre d'une procédure civile. Le milliardaire devait initialement payer 454 millions de dollars d'amendes et d'intérêts (un peu moins de 420 millions d'euros) avant la fin de la journée de lundi. Une somme qu'il était dans l'incapacité de réunir, selon ses avocats. Les juges lui ont finalement accordé dix jours supplémentaires pour verser une caution moindre, dans l'attente d'une décision en appel sur sa condamnation.
"Je déposerai 175 millions de dollars en liquide, en obligations ou en actions, ou tout ce qui est nécessaire, très rapidement, dans les dix jours", a promis Donald Trump lundi. Si le futur candidat des républicains à la présidentielle se trouvait dans l'incapacité de payer, cela "écornerait la réputation qu'il s'est construite depuis des années", estime Françoise Coste, professeure d'études américaines à l'université Toulouse-Jean-Jaurès. La procureure new-yorkaise Letitia James pourrait alors saisir le patrimoine immobilier et geler les comptes bancaires du milliardaire et de ses deux fils, également condamnés dans cette affaire. "Politiquement, les conséquences d'un non-paiement lui feraient peut-être perdre de sa superbe", analyse l'universitaire :
"L'argument qu'il est un génie des affaires qui peut gérer le pays avec efficacité, avec le même succès qu'il a connu dans le monde du business, aurait du mal à tenir la route."
Françoise Coste, professeure d'études américainesà franceinfo
Au fil des ans, le milliardaire s'est en effet forgé une image d'homme d'affaires qui a réussi, à la tête d'un empire immobilier. "Le fait qu'il ne puisse pas payer la somme initiale [de 454 millions de dollars] prouve qu'il n'est pas aussi riche qu'il le prétend", avance Françoise Coste. Ironie de la situation : Donald Trump a justement écopé de cette lourde amende pour avoir exagéré les revenus de ses entreprises durant des années. "Sa situation financière personnelle est beaucoup plus fragile qu'il ne l'admet", insiste l'universitaire.
Des millions de dollars de frais de justice
Les déboires financiers de Donald Trump pourraient-ils compromettre ses chances de revenir à la Maison Blanche ? Ce n'est pas qu'une question d'image. Dans un pays où les campagnes pour la présidentielle exigent des dépenses exorbitantes (le républicain et Joe Biden avaient chacun dépensé 1,3 milliard de dollars en 2020), l'argent est un sujet brûlant. Et le milliardaire, qui pourrait comparaître lors de plusieurs procès d'ici au scrutin de novembre, a déjà largement puisé dans ses fonds de campagne pour financer ses frais de justice.
Donald Trump a, pour cela, utilisé l'argent levé par les political action committees (PAC), des structures chargées de recevoir les dons des particuliers et entreprises souhaitant soutenir un candidat. Ces organismes "servent à financer la communication et les événements d'un candidat, mais sont distincts du comité de campagne", explique Ludivine Gilli, historienne et directrice de l'Observatoire de l'Amérique du Nord à la Fondation Jean-Jaurès. Selon des documents officiels déposés devant la Commission électorale américaine, deux PAC ont dépensé plus 50 millions de dollars en 2023 pour payer les frais d'avocats du milliardaire, rapporte le Guardian. Cela "souligne la part de l'impressionnante levée de fonds de Donald Trump qui a été réaffectée de sa campagne présidentielle vers ses batailles judiciaires", note le quotidien britannique.
"Les PAC déclarent comment ils dépensent leurs fonds, mais ils peuvent en faire quasiment ce qu'ils veulent. Ils sont très peu contrôlés."
Ludivine Gilli, historienne spécialiste des Etats-Unisà franceinfo
Certains critiques ont bien questionné la possibilité pour Donald Trump de régler ses frais de justice par ce biais, mais, "jusqu'ici, personne n'a contesté [cette pratique] en justice", poursuit Ludivine Gilli. Ces sommes servent notamment à payer les avocats qui conseillent l'ex-président dans les deux affaires dans lesquelles il est accusé, à Washington et en Géorgie, d'avoir tenté d'influencer les résultats de la présidentielle de 2020.
Le républicain peut encore compter sur ses donateurs
Les opposants de Donald Trump mettent aussi en doute sa capacité à tenir toute la durée de la campagne avec des réserves diminuées. Début février, son ex-adversaire aux primaires républicaines, Nikki Haley, avait ainsi affirmé sur le réseau social X qu'il ne "pouvait pas battre Joe Biden s'il dépensait tout son temps et son argent dans des affaires judiciaires".
Il est vrai que le milliardaire est pour l'instant loin derrière le président démocrate en termes de fonds disponibles. Début mars, la campagne de Joe Biden avait 71 millions de dollars de trésorerie, rapporte CBS. Le comité de Donald Trump, lui, n'avait "que" 33,5 millions de dollars à disposition. L'essentiel des dépenses engagées par l'équipe du candidat démocrate ont servi à financer ses déplacements, ses spots de campagne et à embaucher des salariés. Tandis que, depuis le début de l'année 2024, la campagne de son rival républicain et les PAC qui le soutiennent ont dû débourser 10 millions de dollars supplémentaires en frais de justice, constate CBS.
Donald Trump est aussi à la traîne en termes de levée de fonds. Selon le Washington Post, sa campagne a recueilli 15,9 millions de dollars de contributions en février, contre 53 millions pour Joe Biden. "On est encore très tôt [dans la course à la Maison Blanche], ces sommes vont s'envoler d'ici à novembre", assure Françoise Coste. Le milliardaire a "encore de la marge, abonde Ludivine Gilli. Il est possible qu'il existe un effet négatif des frais de justice sur la campagne de Donald Trump, mais, à ce jour, cet effet serait plutôt marginal", juge-t-elle.
"Le problème se présentera si les fonds viennent à manquer, mais les républicains ont actuellement des millions de dollars à disposition, et Donald Trump va probablement récupérer de nouveaux donateurs."
Ludivine Gilli, historienne spécialiste des Etats-Unisà franceinfo
Donald Trump peut également compter sur l'arrivée récente de sa belle-fille, Lara Trump, comme numéro 2 du Parti républicain. Selon Politico, son élection doit entraîner "une fusion des opérations entre la campagne de Trump et le Comité national républicain". "Lara Trump va organiser des levées de fonds dans le but explicite d'aider son beau-père, assure Françoise Coste. On arrive à une sorte de fusion entre le Parti républicain et la famille Trump, tout ça pour le bénéfice financier de l'ancien président."
Le milliardaire ne cesse d'assurer que les procès qui le visent et la somme importante que lui réclame la justice de New York ont pour but d'entraver sa campagne. "Il dit qu'on essaie 'de le ruiner' mais sa campagne et les PAC l'aident au contraire à couvrir des dépenses personnelles", pointe Ludivine Gilli. L'historienne rappelle que, si l'homme d'affaires avait investi une partie de sa fortune personnelle dans sa campagne pour la présidentielle de 2016, ce n'est plus le cas aujourd'hui. En outre, l'argent ne garantit pas le succès, remarque Le Monde. Il y a huit ans, Donald Trump avait réussi à se hisser à la Maison Blanche en dépensant deux fois moins que son adversaire démocrate, Hillary Clinton.
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