Présidentielle américaine 2024 : Donald Trump, assuré d'être le candidat du Parti républicain, peut-il rassembler au-delà de sa base ?

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Donald Trump, ultime prétendant à l'investiture du Parti républicain, est assuré de représenter les conservateurs à la la présidentielle américaine. (PAULINE LE NOURS / FRANCEINFO)
L'ex-président a écrasé la concurrence lors des primaires républicaines. Mais pour remporter l'élection en novembre, il aura besoin de convaincre des électeurs qui ne le soutiennent pas encore, dans et hors de son parti.

"Je voudrais inviter tous les soutiens de Nikki Haley à rejoindre le plus grand mouvement de l'histoire de notre nation." Donald Trump a attendu à peine quelques minutes après que sa dernière adversaire aux primaires républicaines a annoncé "suspendre" sa campagne, mercredi 6 mars, pour adresser ce message aux partisans de son ultime rivale.

L'ancien président des Etats-Unis, désormais seul prétendant à l'investiture du Parti républicain, a atteint le seuil des 1 215 délégués nécessaires pour être officiellement désigné candidat à l'élection présidentielle, mardi 12 mars. S'il a facilement balayé la concurrence, un challenge de taille l'attend d'ici au scrutin du 5 novembre : tenter de rassembler au-delà de ses supporters habituels, voire de son camp.

Alors que les Etats-Unis se dirigent vers un nouveau duel entre Joe Biden et Donald Trump, le milliardaire part avec un avantage. "Il a une base extrêmement loyale et non négligeable, autour de 30 à 35% des électeurs, selon les estimations, souligne Ludivine Gilli, historienne et directrice de l'Observatoire de l'Amérique du Nord à la Fondation Jean-Jaurès. Mais ça ne suffit pas pour être élu." D'autant que la "présidentielle de 2024 s'annonce très serrée", avance Hans Noel, professeur d'affaires publiques à la Georgetown University. Dans ce contexte, "le moindre [vote] peut compter".

Au défi de modérer son discours

"Chez les républicains, il y a les MAGA", partisans de l'ex-président, "ceux qui disent 'jamais Trump' et ceux qui voteront 'peut-être Trump'", résume Ludividine Gilli. Dans quelle catégorie se classent les électeurs de Nikki Haley ? A en croire les sondages de sortie des urnes réalisés lors du "Super Tuesday", ils pourraient bien se trouver parmi les "jamais Trump". En Virginie, en Californie et en Caroline du Nord, près de 70% des électeurs ayant voté pour Nikki Haley ont déclaré ne pas être certains d'accorder leur voix au candidat du Parti républicain en novembre, rapporte Politico. 

Un soutien de Donald Trump porte une bague "Make America Great Again", le 5 mars 2024, à Mar-a-Lago (Etats-Unis). (CHANDAN KHANNA / AFP)

En se retirant de la course, l'ex-gouverneure de Caroline du Sud n'a pas cherché à aider son adversaire. "Il revient désormais à Donald Trump de mériter les votes de ceux qui, dans et hors de notre parti, ne l'ont pas soutenu", a affirmé Nikki Haley, sans appeler à voter pour lui. Donald Trump arrivera-t-il à séduire ces électeurs républicains ? Pas sûr. Les conservateurs que le milliardaire hérisse se sont "tournés vers Nikki Haley non par adhésion, mais par rejet", analyse Ludivine Gilli. Une consigne de vote n'aurait donc "pas forcément d'importance pour eux".

"Donald Trump a convaincu sa base avec des discours radicaux et provocateurs. Mais [ce discours] est un repoussoir pour un nombre élevé d'électeurs."

Ludivine Gilli, historienne

à franceinfo

L'ex-président doit désormais "convaincre" les Américains, au-delà de son noyau dur d'électeurs, "de voter pour lui, ou au moins de ne pas voter pour Biden", explique Ludivine Gilli. Dans cette quête de soutiens, le "tempérament" de Donald Trump pourrait jouer contre lui, juge l'historienne. "Je ne le vois pas modérer suffisamment son discours pour aller chercher les électeurs de Nikki Haley", détaille-t-elle.

Pour preuve, l'invitation faite aux partisans de sa rivale à rejoindre son camp. Le message posté sur son réseau Truth Social, mercredi 6 mars, commence par une attaque contre son adversaire en lettres majuscules. "Nikki Haley a été ECRASÉE hier soir, en un temps record", a raillé l'ex-président. Joe Biden, lui, a salué le "courage" de l'ex-gouverneure avant d'assurer que les électeurs de l'élue républicaine avaient "une place dans [sa] campagne".

Nikki Haley annonce suspendre sa campagne pour les primaires républicaines, le 6 mars 2024, à Charleston (Caroline du Sud, Etats-Unis). (SEAN RAYFORD / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

La sociologie de l'électorat de Nikki Haley n'est pas favorable au tempétueux milliardaire. La candidate a réalisé ses meilleurs scores dans les zones "plus éduquées, plus riches, urbaines ou suburbaines", constate Hans Noel.  Et lors des primaires républicaines ouvertes, où le vote n'est pas réservé aux seuls encartés au parti, "les indépendants se sont fortement mobilisés pour empêcher [Donald Trump] de gagner", remarque également Ludivine Gilli. Autant de voix qui manquent à l'ancien locataire de la Maison Blanche pour espérer y retourner.

L'impact incertain de ses affaires

L'effet "repoussoir" de Donald Trump pourrait même être accentué par une condamnation dans l'un des multiples procès qui le visent. "Si ces affaires sont très présentes dans les médias, cela va rappeler à beaucoup des républicains réticents à voter pour Trump pourquoi ils le sont", estime Hans Noel.

Il est toutefois difficile d'anticiper le véritable impact de ces procès sur les électeurs. Auparavant, "des inculpations dans quatre affaires pénales auraient suffi à exclure n'importe quel candidat à la présidence, assure Jeffrey Hawkins, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et ancien ambassadeur des Etats-Unis. Mais Donald Trump en sort indemne." Et de poursuivre : "S'il gagne un de ses procès d'ici novembre, il dira que c'est la preuve qu'il s'agissait [d'une procédure] bidon. Et s'il perd... Ses électeurs vivent dans un univers différent. Ils sont capables de penser que c'est un complot contre Donald Trump."

Donald Trump lors d'un meeting pour les primaires républicaines à Richmond, en Virginie (Etats-Unis), le 2 mars 2024. (SAUL LOEB / AFP)

Les différentes procédures engagées, dont une est suspendue à une décision de la Cour suprême, ont toutefois peu de chances d'aboutir d'ici au 5 novembre. "Quand on a beaucoup d'argent et d'avocats, et une Cour suprême favorable à la défense, on trouve toujours des prétextes pour ralentir le processus judiciaire", note Jeffrey Hawkins. Les juges et procureurs en charge de ces dossiers sont par ailleurs "conscients que l'opinion publique fait très peu confiance aux institutions et ne voudront pas organiser un procès à la dernière minute, qui donnerait une impression de partialité", ajoute le chercheur.

Joe Biden face à la démobilisation

Donald Trump n'aborde pas la deuxième phase de la campagne présidentielle en si mauvaise posture. Il a "démontré que le Parti républicain est sous son contrôle", assure Jeffrey Hawkins. Les divisions apparues au cours des primaires pourraient s'estomper. "Ce n'est pas inhabituel pour les partisans d'un candidat de dire qu'ils ne voteront jamais pour l'autre, surtout dans des primaires où l'on s'est amèrement battu, rappelle Hans Noel. L'objectif de la campagne [de Donald Trump] pour la présidentielle sera de rappeler aux électeurs [de Nikki Haley] pourquoi ils soutiennent le Parti républicain."

"Lorsqu'on passera au duel entre les partis, la plupart des électeurs voteront pour celui auquel ils accordent habituellement leur bulletin."

Hans Noel, politologue

à franceinfo

La marge de manœuvre de Donald Trump reste réduite. "Dans un contexte où les deux candidats présumés à la présidentielle sont à la fois assez impopulaires et très connus de l'électorat, il y a assez peu de chances que [les Américains] changent d'avis sur eux, décrypte Jeffrey Hawkins. L'enjeu n'est pas tant de chercher des voix dans le camp d'en face, mais de mobiliser sa base." Un enjeu particulièrement important pour Joe Biden, qui "génère peu d'enthousiasme chez les démocrates", notamment en raison de son âge, relève Jeffrey Hawkins.

Joe Biden délivre son discours annuel sur l'état de l'Union au Congrès, à Washington (Etats-Unis), le 7 mars 2024. (WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Donald Trump, lui, a surtout besoin que sa base ne s'effrite pas. "Le système du collège électoral peut lui être favorable", insiste le chercheur associé à l'Iris. Pour remporter la présidentielle, scrutin au suffrage indirect, un candidat doit en effet obtenir une majorité de grands électeurs. Et certains Etats aux résultats difficiles à prédire – les fameux "Swing States" – seront plus déterminants que d'autres pour y parvenir. Selon des sondages pour Bloomberg, "Donald Trump devance [le président démocrate] dans tous les Etats clés, souligne Jeffrey Hawkins. Or, s'il ne s'impose pas dans ces Etats, il sera impossible pour Joe Biden de gagner la présidentielle."

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