Présidentielle américaine : comment Joe Biden tente de faire oublier qu'il fait campagne à plus de 80 ans
Joe Biden est-il trop âgé pour un second mandat à la tête des Etats-Unis ? C'est ce que sous-entend une vidéo partagée par Donald Trump sur son réseau social, le 13 janvier dernier. "A la résidence pour séniors Maison Blanche, tous les résidents se sentent comme des présidents", raille le spot parodique. Les 81 ans de Joe Biden, qui participe aux primaires du Parti démocrate en Caroline du Sud samedi 3 février, sont un sujet récurrent de la campagne pour la présidentielle. Le démocrate, presque assuré de remporter l'investiture de son parti, était déjà le plus vieux président à prêter serment lors de son investiture en janvier 2021. Un nouveau mandat le conduirait à rester à la Maison Blanche jusqu'à ses 86 ans.
Donald Trump n'est pas le seul à l'attaquer sur ce point. "Si vous votez pour Joe Biden, vous comptez en réalité sur [sa vice-présidente] Kamala Harris, parce qu'il est peu probable qu'il tienne jusqu'à 86 ans", assurait ainsi en avril Nikki Haley, la dernière rivale du milliardaire aux primaires du Parti républicain, citée par NBC News.
"Joe Biden a des jours avec et des jours sans"
Les Américains doutent, eux aussi, de la capacité du président sortant à rempiler pour quatre ans. Près de trois électeurs sur quatre considèrent qu'il est trop âgé pour se représenter, selon The Washington Post. "L'âge est lié aux facultés cognitives et plus largement aux compétences. On l'accuse de ne plus être en mesure de 'faire le job'", résume l'historien Lauric Henneton, maître de conférences à l'université de Versailles Saint-Quentin.
"Joe Biden est au-delà de l'espérance de vie moyenne des hommes américains. Son âge semble en contradiction avec l'idée d'un pays jeune, de pionniers, même si cette image des Etats-Unis est en partie un mythe."
Lauric Henneton, historien spécialiste des Etats-Unisà franceinfo
Pour l'équipe du démocrate, cette inquiétude est largement nourrie par les médias. Ses chutes à vélo ou sur scène, en 2022 et 2023, avaient ainsi été décortiquées par la presse. La moindre bafouille ou confusion lors d'un de ses discours est aussi scrutée, chez un président connu pour avoir multiplié les "gaffes" depuis le début de sa carrière politique il y a cinquante ans.
Ces derniers mois, les médias américains ont aussi cherché des signes que la campagne a été adaptée aux besoins de l'octogénaire. Pour éviter qu'il ne confonde à nouveau l'Irak avec l'Ukraine, son équipe lui prépare des fiches pour ses prises de parole et la taille du texte sur son prompteur a été augmentée, rapporte NBC News. Joe Biden travaille par ailleurs son équilibre avec un kinésithérapeute et porte plus souvent des baskets pour limiter le risque de chute, relève le site américain Axios.
Selon la radio NPR, Joe Biden emprunte désormais plus souvent le plus court des deux escaliers qui permettent de monter à bord d'Air Force One, l'avion présidentiel américain. "Peu de gens se sont rendu compte qu'il prenait principalement le plus petit escalier, mais tout le monde remarquera s'il trébuche et tombe du haut du plus grand", avance un conseiller républicain à la radio publique. La Maison Blanche garantit pourtant que le choix de la porte empruntée dépend de la météo et d'autres contraintes logistiques.
"Joe Biden a des jours avec et des jours sans", estime David Smith, correspondant à la Maison Blanche pour le quotidien britannique The Guardian. "Il arrive qu'on l'écoute et qu'on se dise qu'il commence effectivement à vieillir, poursuit le journaliste. A d'autres moments, il surprend par son dynamisme et sa vivacité d'esprit, et on se demande pourquoi on parle autant de son âge."
"Son équipe préfère parler de son bilan"
Le reporter note toutefois que Joe Biden accorde moins d'interviews et de points-presse que ses prédécesseurs. Selon certains observateurs, cette communication très encadrée servirait à limiter le risque de déclarations hasardeuses du chef de l'Etat américain, que les républicains pourraient brandir comme autant de preuves de sénilité. "Joe Biden gagnerait à échanger plus avec le public et les médias, car ses prises de parole les plus naturelles sont souvent les plus fortes", juge David Smith.
C'est précisément la stratégie que semble avoir adopté l'équipe du président depuis qu'il a lancé sa campagne pour les primaires, note NBC News. Alors que la Maison Blanche balayait auparavant les attaques sur son âge, Joe Biden y fait désormais lui-même allusion, avec humour. En septembre, il plaisantait devant des donateurs : "Je n'ai jamais été aussi confiant pour l'avenir de notre pays, au cours de mes 800 ans de mandat."
"Il utilise les blagues pour désamorcer les remarques sur son âge, et en général ça marche. En parallèle, son équipe vante l'énergie dont il fait preuve."
David Smith, journalisteà franceinfo
Il n'est pas rare d'entendre ses attachés de presse rappeler que Joe Biden voyage beaucoup, y compris à l'étranger et sur des terrains dangereux. "Il s'est rendu en Ukraine, alors que peu de dirigeants se risquent habituellement à aller dans un pays en guerre", confirme David Smith. Une responsable de la Maison Blanche a aussi raconté un vol pendant lequel "son équipe s'était endormie épuisée" après un sommet de l'Otan, alors que le chef de l'Etat "voulait échanger avec eux". "Si seulement j'avais l'énergie qu'a le président Biden à 80 ans", avait encensé la haute-fonctionnaire, citée par NBC News.
Le camp démocrate mise également sur l'expérience de Joe Biden pour contrer les critiques. "Lorsqu'on l'interroge sur son âge, son équipe préfère parler de son bilan : le chômage a baissé, l'inflation a ralenti, il y a eu des investissements dans les infrastructures et la lutte contre le dérèglement climatique, l'Otan a été renforcé..." liste John Della Volpe, directeur des sondages à l'Institut de sciences politiques de l'université Harvard. "Si l'on regarde son programme de 2020, il a beaucoup accompli malgré un Congrès divisé, poursuit le spécialiste. Son argument de campagne, c'est qu'il n'a pas fini le travail."
"Donald Trump donne l'impression d'être plus jeune"
Ce n'est pas la première fois que l'âge d'un candidat à la présidentielle interroge l'opinion publique. "On avait déjà vu ce phénomène avec Ronald Reagan, lui aussi plus âgé que ses concurrents en 1980 et 1984", pointe John Della Volpe. Les médias "relevaient qu'il faisait souvent la sieste" et "s'inquiétaient de ses capacités intellectuelles", en particulier après la tentative d'assassinat durant laquelle l'élu républicain avait été blessé. "Cela ne l'a pas empêché d'être réélu en 1984, en s'imposant dans 49 des 50 Etats américains, face à un démocrate plus jeune", remarque John Della Volpe.
Joe Biden n'est d'ailleurs pas beaucoup plus âgé que le favori des primaires républicaines, Donald Trump. L'ex-président conservateur, en tête des intentions de vote et victorieux lors des deux premiers scrutins internes au parti, aura 78 ans en novembre. Lui aussi fait face à des interrogations sur ses facultés cognitives, note CNN. "Nikki Haley joue par exemple sur le fait qu'il l'a confondue avec [l'ex-présidente démocrate de la Chambre des représentants] Nancy Pelosi", détaille l'historien Lauric Henneton.
On lui reproche toutefois moins son âge qu'à Joe Biden. "Donald Trump donne l'impression d'être bien plus jeune que le président, notamment parce qu'il est toujours aussi charismatique et endurant lors de ses meetings", relève David Smith. La personnalité du républicain joue aussi. "Il est visé par 91 inculpations, est au cœur d'un nombre invraisemblable de polémiques et a habitué les Américains aux sorties incendiaires. Pour ses opposants, l'âge semble le moindre des problèmes que représente Donald Trump", analyse le journaliste du Guardian.
"Les électeurs savent que Donald Trump et Joe Biden sont sensiblement du même âge. S'ils sont désignés par leur parti, ce qui primera en novembre, ce sont les bilans et les programmes des deux candidats, pas leurs quatre ans d'écart."
John Della Volpe, sondeurà franceinfo
"Si le favori chez les républicains faisait partie de la génération des millenials, l'équation serait différente", décrypte John Della Volpe. Mais si Joe Biden et Donald Trump finissent bien par s'affronter le 5 novembre, "l'enjeu sera leur vision pour l'avenir des Etats-Unis", assure le spécialiste. Dans un pays particulièrement polarisé, "les électeurs veulent avant tout savoir si le futur chef de l'Etat comprend leurs problèmes et est en accord avec leurs valeurs", poursuit-il.
C'est peut-être l'un des facteurs qui expliquent que les Etats-Unis semblent se diriger vers un nouveau duel Biden-Trump, comme en 2020. "Il y a une nouvelle génération de leaders, chez les démocrates comme les républicains, mais on a l'impression qu'aucun parti n'est prêt à miser sur eux vu les enjeux de cette élection", constate David Smith. "Les républicains sont convaincus que seul Trump peut écraser Biden, et les démocrates que le président sortant est le mieux placé pour battre Trump, résume le correspondant à la Maison Blanche. Dans ce contexte, l'âge de Joe Biden importe peu."
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