Election présidentielle aux Etats-Unis : comment l'âge de Joe Biden est déjà devenu un sujet de la campagne de 2024
C'est désormais officiel. Le président américain, Joe Biden, a annoncé mardi 25 avril sa candidature à l'élection présidentielle de 2024. "Finissons le travail. Je suis candidat à ma réélection", a lancé le chef d'Etat de 80 ans dans une vidéo publiée sur Twitter. Jamais les Américains n'ont élu un président aussi âgé. Jamais, non plus, un candidat ne leur avait demandé de lui laisser les clés de la Maison Blanche jusqu'à ses 86 ans, l'âge qu'il aura en 2028, à la fin d'un éventuel second mandat.
Le président-candidat sait qu'il n'échappera pas aux attaques liées à son âge. S'il s'est soumis, en novembre 2021 puis en février 2023, à des bilans médicaux qui ont conclu qu'il était "en bonne santé", les Républicains n'ont pas ménagé leurs critiques sur sa capacité à gouverner depuis 2020. Joe Biden "est manifestement diminué, bien en deçà du seuil nécessaire pour être un président opérationnel et efficace", estimait ainsi, en janvier, le sénateur républicain Ted Cruz sur CNN*. "Il est choquant que M. Biden pense être en mesure de remplir un second mandat, sans parler du reste de celui-ci", a aussi avancé le stratège républicain Scott Reed auprès de Reuters*.
"Joe Biden a toujours été confus, il a toujours bégayé, et il a toujours fait des gaffes. Mais chaque mot de travers de sa part sera instrumentalisé par le camp républicain, de la même manière que le camp démocrate instrumentalisera chaque mot de travers de Donald Trump, s'il est candidat", souligne, auprès de franceinfo, l'historien Lauric Henneton, spécialiste des Etats-Unis.
"A partir du moment où le mandat s'effectue sans problème majeur, l'âge du président n'est plus un problème pour les Américains, a posteriori. Mais cela peut l'être en amont."
Lauric Henneton, historien spécialiste des Etats-Unisà franceinfo
"Une erreur historique"
Les doutes sur la santé du chef d'Etat émergent au-delà de ses adversaires directes. "Les inquiétudes liées à l'âge [de l'actuel président] – tant en ce qui concerne l'aptitude à exercer une fonction que le fait d'être déconnecté de l'époque – sont légitimes", argumentent des éditorialistes du New York Times* (article réservé aux abonnés). "Elire un octogénaire à l'évident déclin pour quatre années supplémentaires pourrait être une erreur historique", avance le Wall Street Journal* (article réservé aux abonnés).
La pertinence d'une seconde candidature interroge jusque dans son camp. "La présidence est un travail monstrueusement éprouvant et la réalité est que le président serait plus proche de 90 ans que de 80 ans à la fin d'un second mandat, ce qui constituerait un problème majeur", estimait ainsi David Axelrod, le stratège des deux campagnes victorieuses de Barack Obama, à l'été 2022 dans le New York Times*. Un électeur démocrate sur deux (51%) ne souhaitait d'ailleurs pas que Joe Biden se représente, en premier lieu à cause de son âge, selon un sondage publié par NBC News*, publié fin avril.
"Il y a une réticence dans son camp à une seconde candidature, au regard de son âge, reconnaît Lauric Hanneton. Mais les électeurs démocrates n'auront pas de réticence à voter pour lui une fois qu'il sera investi", estime-t-il. Il relève aussi que "le vote contre les Républicains" est un moteur très fort pour ces derniers. D'autant plus qu'il n'y a, outre l'actuel président, "personne d'autre qui s'impose" dans le camp démocrate.
"La gérontocratie devient une forme de norme"
La parade de Joe Biden a longtemps consisté à répondre par un laconique "Watch me !" ("Regardez-moi à l'œuvre !"), ou par des pirouettes. Dans une récente interview à la chaîne ABC*, il a néanmoins reconnu que les inquiétudes sur son âge étaient "légitimes", tout en assurant qu'il ne les partageait pas. Il a en outre évoqué la question frontalement lors d'un voyage en Irlande, en avril. "Je suis à la fin de ma carrière, pas au début", a-t-il reconnu devant le Parlement à Dublin, estimant avoir glané au fil des ans "un peu de sagesse".
"J'ai plus d'expérience que tout autre président dans l'histoire américaine. Cela ne me rend pas meilleur ni moins bon, mais cela me donne quelques excuses."
Joe Biden, président américaindevant le Parlement irlandais, en avril
Il n'est néanmoins pas certain que l'état de santé supposé de Joe Biden soit l'argument le plus virulent de ses opposants, estime Lauric Henneton. "Il a quatre ans de plus que lors de sa dernière élection, certes, mais d'un autre côté, son mandat a montré qu'il faisait le job, que son âge ne l'empêchait pas de gouverner", estime le spécialiste. "S'il n'y a pas de signe de sénilité durant la campagne, je ne vois pas quel est le carburant qui alimenterait une telle rhétorique" de la part des Républicains, conclut-il. En revanche, ces derniers disposent d'autres arguments pour attaquer le président-candidat, comme le niveau de l'inflation ou sa gestion de l'immigration.
Par ailleurs, "les temps ont changé, l'espérance de vie s'est allongée, notamment chez les plus fortunés. La classe politique, notamment le Sénat, est aussi très vieille. La gérontocratie devient une forme de norme", avance encore Lauric Henneton. Si les opposants de Joe Biden appuient trop sur ce point, cela pourrait se retourner contre eux. "Les Républicains aussi ont des sénateurs très âgés et Donald Trump est à peine plus jeune que Joe Biden." L'ancien président républicain, âgé de 76 ans, n'aura cependant pas encore 80 ans au moment du scrutin de 2024.
* Les liens suivis d'un astérisque renvoient vers des articles en anglais.
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