Guerre en Ukraine : "Le pape François a mené une diplomatie qui aujourd'hui ne le met pas tout à fait à l'aise", estime une spécialiste du Vatican
Pour la spécialiste du Vatican Christine Pedotti, le pape François doit réclamer la paix à la Russie. Mais il doit, pour ça, oser dire que la Russie est l'agresseur dans cette guerre.
Interrogée ce dimanche sur franceinfo, la journaliste, écrivaine et directrice déléguée de la publication de "Témoignage chrétien" Christine Pedotti estime que "Le pape François a mené une diplomatie qui aujourd'hui ne le met pas tout à fait à l'aise". Devant quelque 50 000 fidèles réunis place Saint-Pierre à Rome ce dimanche midi, le pape François a prié pour la paix et la fin des conflits dans le monde en commençant par la guerre en Ukraine.
"Nous avons vu trop de sang, trop de violences", a dénoncé le souverain pontife lors de sa bénédiction de Pâques "Urbi et Orbi". Puis, il a déploré une "Ukraine martyrisée". Mais Christine Pedotti note que le pape "ne prononce jamais le nom de Vladimir Poutine". Or, "il faut oser dire que l'agresseur c'est la Russie".
franceinfo : Le pape François avait plaidé pour une trêve pascale en Ukraine. Il n'a pas été entendu. Pourquoi sa voix ne porte-t-elle pas aujourd'hui sur la scène internationale ?
Christine Pedotti : C'est assez compliqué. D'abord, il faut préciser que l'Ukraine est chrétienne orthodoxe et que l'orthodoxie, qui est aussi la religion majoritaire en Russie, célèbre Pâques la semaine prochaine. De fait, la demande du pape d'une paix pascale est une paix romaine. On peut avoir un espoir pour la semaine prochaine. Qui sait ? Ensuite, sa voix porte difficilement aussi parce que, justement, il appartient au catholicisme qui n'est pas forcément entendu par l'orthodoxie. Et puis, peut-être aussi parce que c'est une guerre dissymétrique. C'est une guerre dans laquelle l'Ukraine est l'agressée et la Russie l'agresseur. Et depuis le début de la guerre, le pape François, même s'il a appelé à la paix, même s'il parle de l'Ukraine martyrisée, ne prononce jamais le nom de Vladimir Poutine. Donc, il a quelque chose qui, me semble t-il, n'est pas toujours très bien posé de la part du pape François.
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L’un des problèmes de François, c'est qu’il cherche un accord. Après tout, c'est légitime avec le patriarcat de Moscou en la personne du patriarche orthodoxe Kirill qu'il avait rencontré à Cuba en 2016. Kirill, pour l'instant, montre tous les signes d'être inféodé à Vladimir Poutine. Donc au fond, le pape François a mené une diplomatie qui aujourd'hui ne le met pas tout à fait à l'aise. Je veux dire pour réclamer la paix entre la Russie et l'Ukraine.
"Il faut réclamer la paix à la Russie. La paix, il faut la réclamer à l'agresseur. Donc il faut oser dire que l'agresseur, c'est la Russie."
Christine Pedottià franceinfo
Le pape est un chef d'État. Il n'est pas seulement une entité religieuse. Mais on voit bien pour le Vatican, historiquement, c'est toujours un peu compliqué de savoir comment se situer dans ce paysage. Donc là, il est revenu au cours de la bénédiction "Orbi et Urbi" sur la question du danger nucléaire. Il est évidemment tout à fait en situation de le faire. Il faut se souvenir, par exemple, que l'intervention, il y a maintenant 60 ans, du pape Jean XXIII avait largement contribué à éviter une Troisième Guerre mondiale au moment de la crise des missiles de Cuba. Il avait permis que les deux grandes puissances américaine et soviétique trouvent le chemin de la raison et de la paix.
Le pape François envisageait au début du mois de se rendre à Kiev. On a plus de nouvelles. Mais en tout cas, ce serait, on imagine, un signe fort pour les Ukrainiens ?
Bien sûr. C’est vrai que la situation religieuse de l'Ukraine est compliquée, à la décharge du pape François, puisqu'il y a à la fois des chrétiens orthodoxes dans l'obédience de Moscou, des chrétiens orthodoxes dans l'obédience de Constantinople et puis des chrétiens catholiques du côté de Rome. Et puis des protestants. Tout ça est d’une grande complexité.
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