Propos du pape sur l'avortement : "Une culpabilisation qui n'est pas du tout nécessaire à l'époque contemporaine"
Le pape François a estimé mercredi qu'avoir recours à l'avortement revenait à avoir recours à "un tueur à gages". Selon Philippe Levillain, historien et spécialiste de la Papauté, cette culpabilisation "n'est pas du tout nécessaire à l'époque contemporaine".
La phrase du pape François sur l'avortement est "une culpabilisation qui n'est pas du tout nécessaire à l'époque contemporaine", a réagi mercredi 10 octobre sur franceinfo Philippe Levillain, historien et spécialiste de la Papauté. Lors de son audience générale hebdomadaire place Saint-Pierre, le chef de l'Eglise catholique a dénoncé devant des dizaines de milliers de fidèles les lois qui autorisent "la suppression d'une vie humaine au nom de la sauvegarde d'autres droits", comparant l'avortement au recours à un "tueur à gages".
"Ce sont des propos véhéments" qui vont "braquer les médecins et les infirmières", assure l'historien. Selon lui, le pape est "très perturbé par ce qui se passe à propos d'abus sexuels du côté du clergé".
franceinfo : Est-ce que vous êtes étonné par les propos du pape ?
Philippe Levillain : Ce sont des mots véhéments. Le pape monte en degré. Il a déjà été relativement sévère pour les jeunes gays [en août 2018, le pape avait recommandé la psychiatrie pour appréhender l'homosexualité de ses proches]
- là on est dans le domaine médical - et là le tueur à gages, on est dans le domaine de la mafia. Ou bien ces mots lui ont échappé, parce qu'il est très perturbé par ce qui se passe à propos d'abus sexuels du côté du clergé, ou bien il les a préparés et dans ce cas c'est très grave.
Il rentre dans un domaine où il n'y a pas d'issue. Par conséquent on est dans l'ordre du péché. Il y a une volonté de s'affirmer qui comporte en ce moment des aspects qui ne sont pas normaux de la part d'un pape qui doit être charismatique. Je pense que c'est une maladresse de propos. En ce moment, le pape n'est plus à lui-même, il n'est plus à une véritable pastorale, il est à la condamnation devant l'afflux des problèmes que lui pose la question du sexuel en général. Il était alerté sur la question depuis mai 2018, par la question argentine. L'avortement a failli passer en Argentine au Sénat. En tant qu'Argentin, il est préoccupé par la situation en Argentine.
Quelles conséquences ces propos peuvent-ils avoir ?
Il culpabilise très gravement les médecins, les infirmières qui voient leur clause de conscience remise en cause. Donc il va encore plus les braquer. C'est une culpabilisation qui n'est pas du tout nécessaire à l'époque contemporaine. Cela relève de ce qu'était le catéchisme du XIXe siècle, à savoir que la souffrance est utile, que tout ce qui est mauvais pour l'homme dans le moment peut servir à la rédemption. Ça, c'est du domaine du passé. À son âge et après cinq ans de pontificat, c'est une tendance qui ira en s'affirmant. C'est avec l'âge que la tendance forte se dessine.
François devait être le pape du modernisme, on s'en éloigne ?
Ce sont des graves réalités qu'il n'a pas du tout perçue. Il essaie de remettre la barre à la hauteur d'un discours des valeurs. Mais il y a une barre à partir de laquelle on ne peut pas intervenir. L'homme aussi a une conscience. Et le mot de tueur à gages donne une dimension tragique aux femmes qui, comme l'a dit Simone Veil en 1975, ne recourent jamais de gaieté de cœur à l'avortement. C'est une phrase décisive.
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