Election de l'Assemblée constituante au Venezuela : plus de 40% de participation, le résultat d'un "chantage au vote"
Plus de 40% des électeurs se sont déplacés pour le scrutin initié par le président Nicolas Maduro. Le journaliste spécialiste du Venezuela, François-Xavier Freland, estime que ce score est "illusoire" car on "oblige les gens à aller voter".
L’opposition ne désarme pas au Venezuela. La nouvelle assemblée constituante, élue dimanche 30 juillet, appelle en effet à de nouvelles manifestations lundi à Caracas contre le président Nicolas Maduro. François-Xavier Freland, journaliste et auteur de Qui veut la peau d’Hugo Chavez ? et du documentaire Il était une fois la révolution de Chavez, a estimé, sur franceinfo, que le scrutin était "totalement illusoire" parce qu'il a été "boycotté par l’opposition et parce que la plupart des candidats ont été choisis par les autorités".
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franceinfo : Pourquoi l’élection d’une nouvelle assemblée constituante provoque-t-elle de telles manifestations au Venezuela depuis quatre mois déjà ?
François-Xavier Ferland : L’actuel président Nicolas Maduro a boycotté l’Assemblée nationale qui lui est défavorable depuis à peu près un an, à 65%. Il a emprisonné un certain nombre d’opposants. Il a surtout éliminé le principal opposant qui s’appelle [Henrique] Capriles et qui ne pourra pas se présenter aux élections générales présidentielles de 2018. A travers cette Constituante, il veut contourner, voire dissoudre demain l’Assemblée actuelle favorable à l’opposition pour pouvoir imposer un régime qui lui sera totalement favorable.
... et donc clairement tenir entre ses mains tous les pouvoirs ?
Complètement. C’est un pays qui a quand même une Constitution qui date de 1999, qui a été voulue par Hugo Chavez, vous savez cette fameuse démocratie participative. On en est loin aujourd’hui. Cette assemblée constituante est formée de gens, d’élus, qui sont totalement favorables au chavisme avec un scrutin qui est totalement illusoire, boycotté par l’opposition et surtout parce que la plupart des candidats ont été choisis par les autorités. C’est un scrutin nul avec des résultats étranges. Près de 40% de participation, c’est peut-être possible parce qu’on oblige les gens à aller voter : on leur met la pression dans les barrios, dans les bidonvilles, notamment en leur faisant croire que peut-être on leur supprimera des aides. Un chantage au vote à travers les colectivos aussi, ces milices armées qui sèment la terreur dans Caracas. On voit bien que le président Maduro est en train de faire de ce pays, qui était une démocratie encore modèle il y a quelques années pour nombre de politiques notamment en Europe, une dictature.
L’espoir d’une fin de violence à l’issue de ce vote est totalement illusoire aujourd’hui ?
La violence vient surtout de la répression policière qui est terrible actuellement. On en est à une centaine de morts. Entre 300 et 1 000 jeunes, étudiants pour la plupart, sont en prison et il y a des arrestations tous les jours. Il y a encore eu des morts cette nuit [dimanche soir] à Caracas. Donc la violence est permanente. Il y a aussi une peur, c’est pour cette raison que les gens sont allés voter. Ils craignent de perdre des acquis dans un pays qui est très pauvre même si c’est le plus riche en termes de ressources naturelles : de l’or, du pétrole, de l’uranium, des cultures, de l’élevage…
Hugo Chavez n’a pas su diversifier l’économie du Vénézuela. On est toujours derrière le pauvre Nicolas Maduro qui, finalement, ne fait que terminer l’œuvre de son maître.
François-Xavier Ferlandà franceinfo
J’ai vécu au Venezuela de 2008 à 2012. On voyait ce qui est en train d’arriver à cette époque. L’autoritarisme était déjà là. [Hugo] Chavez était un militaire. C’est lui qui a créé les colectivos et c’est lui a mis en place un système économique qui ne fonctionne pas, à travers notamment des coopératives. Ces tentatives n’ont pas fonctionné et n'ont pas su sortir le pays de sa dépendance à la rente pétrolière.
Que représente l’opposition aujourd'hui, est-ce qu’elle est structurée ?
C’est très difficile. Il n’y a pas d’extrême droite au Venezuela parce que c’est un pays neuf, métissé, il n’y a pas de racisme a priori. Il n’y a pas cet héritage politique européen. En revanche, il y a une droite libérale très dure, américanisée. Il y a aussi des électeurs sociaux-démocrates. J'aurais même envie de dire des socialistes qui sont contre [Hugo] Chavez, contre cette dérive autoritaire, contre surtout l’état de déliquescence et la ruine du pays. Donc d’un côté, vous avez des gens qui ont peur et qui appuient le régime par peur et de l’autre vous avez tous les démocrates. Et c’est la grande majorité. Il y a eu des sondages privés qui estiment que 85% des gens sont contre [Nicolas] Maduro.
L'opposition est-elle en mesure de prendre le pouvoir actuellement ?
Dans le jargon journalistique on parle de putsch. [Nicolas] Maduro s’en sert à fond dans sa propagande. D’ailleurs, s’ils ont encore de l’argent, c’est pour la propagande. C’est toujours un putsch quand il s’agit de manifestants qui essaient de faire tomber un régime de gauche ou d’extrême gauche. En revanche, c’est toujours une révolution quand il s’agit de faire tomber un régime libéral de gauche ou de droite. Vous voyez que c’est vraiment une mauvaise foi typique...
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