Petit guide à l'usage des futurs évadés fiscaux
Vous trouvez que le gouvernement vous taxe trop ? Vous avez un peu d'argent à placer ? Heureusement, les paradis fiscaux sont là. Mais attention aux embûches !
Nul besoin d'être un politique ou un riche homme d'affaires pour ouvrir un compte offshore. Mais le fisc de votre pays de résidence n'est peut-être pas aussi enthousiaste que vous à l'idée que vous payiez moins d'impôts. Francetv info vous guide à travers ce parcours semé d'embûches... à condition que vous assumiez les risques.
En fait, n'ouvrez pas tout de suite de compte offshore
Si vous êtes citoyen de l'Union européenne, vous êtes tout à fait libre de créer un compte dans un pays où vous ne résidez pas. On ne vous cache pas que la démarche n'est intéressante que si vous disposez de fonds conséquents, que vous voulez transmettre un gros héritage en évitant les frais de succession... ou que vous avez de l'argent à blanchir. Dans ce dernier cas, ce qui suit passe de légal/limite légal à passible de lourdes sanctions pénales.
Toujours là ? Bien. Si votre banque a des filiales à l'étranger, rendez-vous directement dans l'agence la plus proche. Les conseillers clientèles de la BNP, par exemple, sont vraisemblablement "formés aux meilleures techniques pour vous indiquer comment faire de l’optimisation fiscale", révèle Libération. Sinon, le plus simple est encore de vous adresser à un prestataire qui se chargera de tout (A&P Intertrust, Sterling Offshore…). Une copie de votre pièce d’identité, un justificatif de domicile et 500 à 2 000 euros plus tard, félicitations, vous voilà titulaire d'un compte offshore !
Oui mais voilà : depuis 2005, une directive de l'UE vous oblige à déclarer ce genre de compte au fisc de votre pays de résidence. Et donc à payer des impôts dessus – ce qui a tout de suite beaucoup moins d'intérêt. Il existe des exceptions à cette directive au sein même de l'UE, comme la Belgique, l'Autriche ou le Luxembourg, mais votre secret sera gardé au prix d'une lourde imposition (35% à la source). Idem pour les paradis fiscaux que sont les îles Caïman ou la Suisse, qui a de toute façon signé un accord d'échange d'informations avec la France en 2009. Zut.
Créez d'abord une société
C'est embêtant, toutes ces lois qui vous mettent des bâtons dans les roues. Mais la "faille" de la directive épargne, c'est qu'elle ne s'applique pas aux sociétés. Alors pour vous faciliter les choses, avant d'ouvrir un compte, commencez donc par créer une entreprise offshore, dans un paradis fiscal où vos bénéfices ne seront pas taxés du tout et où rien ne vous oblige à publier vos comptes, comme les Seychelles, Belize ou Panama. Le prestataire choisi (de préférence hors pays de résidence) vous livrera, pour quelques centaines ou milliers d'euros et en moins de 48 heures, une société clés en mains. Il vous faudra évidemment fournir les noms du directeur et des actionnaires, s'il y en a. Mais n'utilisez pas le vôtre, malheureux ! Pour être dûment protégé, garantissez votre anonymat via un ou plusieurs prête-noms, comme l'explique Le Monde (article abonnés). Ces personnes, bien réelles, vous prêteront leur patronyme moyennant rémunération. En quelques heures à quelques jours, c'est fait : vous voilà (secrètement) PDG.
Si vous êtes vraiment très pressé (et que vous avez les moyens, ce dont on ne doute pas), vous pouvez aussi acquérir une "shelf company", ou société dormante, c'est-à-dire une entreprise qui existe depuis longtemps et qui a l'avantage, comme l'explique sans détour ce site spécialisé dans l'offshoring, de "créer une apparence de longévité commerciale" et "permettre les appels d'offres (certaines juridictions exigent que les entreprises aient une ancienneté commerciale déterminée pour cette fonctionnalité)". Votre prestataire, qui a l'habitude, devrait ensuite vous proposer un "pack évasion fiscale", avec ouverture de compte(s) offshore (enfin !) multidevises, bureau virtuel à Genève ou à Londres, service de transfert de courrier, travel cash card (une carte de crédit totalement anonyme), cartes de visite…
Et surveillez vos arrières
N'oubliez surtout pas de détruire les documents qui prouvent l'existence de vos comptes et/ou sociétés offshore. Evitez de faire une "Cahuzac" et verrouillez votre portable avant de le ranger dans votre sac à main ou votre poche, afin d'éviter d'appeler par erreur Mediapart lorsque vous évoquez votre compte seychellois avec un ami. Evitez de toute manière d'évoquer votre compte seychellois avec qui que ce soit.
Si votre montage financier est très sophistiqué, ne soyez pas radin et offrez-vous les services d'un fiscaliste, de préférence dans votre pays de résidence. En plus de vérifier vos contrats, régulariser vos avoirs ou vous dissuader de créer une énième société écran aux Bahamas, c'est lui qui prouvera votre bonne foi au fisc et défendra vos intérêts face à la justice, si un corbeau vous trahit. Comptez plusieurs centaines d'euros de l'heure, évidemment.
Enfin, adoptez le discours qui va bien, comme ce dirigeant de banque anonyme cité par Le Monde : "Que les politiques aient le courage de sanctionner les pays qu'ils jugent opaques, et nous nous adapterons. Arrêtons de demander au secteur marchand de faire le travail du gouvernement. Ce n'est pas aux banques de faire la police."
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