François Fillon a-t-il déjà perdu la bataille de 2017 ?
Le secrétaire général de l'Elysée affirme que l'ex-Premier ministre lui a demandé d'accélérer les poursuites contre Sarkozy. François Fillon nie cette version des faits. Mais cette affaire met à mal ses ambitions présidentielles.
Qui sera le plus grand perdant de l'affaire Jouyet-Fillon ? Pour l'instant, c'est le secrétaire général de l'Elysée, Jean-Pierre Jouyet, qui semble le plus mis à mal. Il a d'abord démenti, puis avoué, avoir discuté avec François Fillon des ennuis judiciaires de Nicolas Sarkozy, lors d'un déjeuner en juillet, révélé par deux journalistes du Monde. Plusieurs ténors, à droite, appellent à sa démission.
Mais c'est l'ancien Premier ministre lui-même qui est au cœur de cette affaire. Selon les propos rapportés par Gérard Davet et Fabrice Lhomme dans l'ouvrage Sarko s'est tuer (éd. Stock), paru le 5 novembre, Fillon aurait pressé Jouyet et l'Elysée d'accélérer les procédures judiciaires contre Nicolas Sarkozy, afin d'empêcher le retour de l'ex-chef de l'Etat. L'ancien Premier ministre a annoncé, depuis de longs mois, son intention de se présenter à la primaire qui désignera le candidat de l'UMP à l'élection présidentielle. Mais ces révélations tombent au plus mal. La campagne de François Fillon est-elle déjà un échec ?
Oui, sa campagne ne décolle pas
Les deux derniers sondages sont impitoyables. Une étude de LH2 pour L'Obs, en octobre, créditait Fillon de 5% d'intentions de vote parmi les Français qui assurent avoir l'intention de participer à la primaire. Un score en chute libre par rapport à celui, déjà peu glorieux (10%), du mois de juin, selon le même baromètre, et qui le place 5 points derrière Bruno Le Maire, qui n'est même pas candidat. Plus clément, le baromètre Odoxa pour Atlantico le plaçait, mi-octobre, à 8% chez les votants potentiels et à 14% chez les sympathisants UMP. Très loin derrière Alain Juppé (29% et 30%) et Nicolas Sarkozy (42% et 52%).
Sa déclaration de campagne est intervenue très tôt, il y a un an et demi, et dans une confusion qui préfigurait une longue série d'erreurs de communication. Et alors qu'il passait pour un modéré, Fillon a opéré un virage serré vers la droite. Son appel à voter pour "le moins sectaire" des candidats en cas de duel PS-FN aux municipales a choqué, et son discours économique très austère et thatchérien n'est "pas facile à entendre" de l'aveu même d'un de ses soutiens, le député Dominique Bussereau.
Oui, son image est très abîmée par les affaires
L'ancien Premier ministre, souvent critiqué pour son manque de charisme, jouissait d'une bonne cote de popularité à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, surtout si on la compare à celle du chef de l'Etat. Mais en deux ans, cette popularité semble avoir fondu. La guerre avec Jean-François Copé pour la présidence de l'UMP, en 2012 et en 2013, a terni son image.
A nouveau, François Fillon risque d'apparaître comme celui par qui le scandale arrive, lui qui se vante de ne pas être impliqué dans les affaires qui touchent Nicolas Sarkozy. Son hostilité envers l'ancien président revient également sous le feu des projecteurs, et risque aussi d'entretenir son image de "traître" au "double langage", comme le qualifiait Sarkozy en 2013.
Oui, il est dépassé par Juppé
François Fillon espérait incarner l'alternative à Nicolas Sarkozy, il s'est fait damer le pion par Alain Juppé. Dans l'année et demie qui a suivi la déclaration de candidature du député de Paris, Alain Juppé a connu une ascension fulgurante. Dans les derniers sondages sur la primaire pour 2017, le maire de Bordeaux est très proche, voire devance Nicolas Sarkozy. Personnalité politique préférée des Français, il semble, à défaut de séduire la base de son parti, capable de rassembler largement au-delà de l'UMP.
Non, il a encore le temps de s'en remettre
La primaire de l'UMP devrait se tenir à la fin de l'année 2016. S'il se maintient dans la course à la primaire, François Fillon a encore du temps pour retrouver les bonnes grâces des sympathisants du parti. En 2009, François Hollande était encore très loin d'être le candidat du PS à la présidentielle de 2012. De nombreux autres rebondissements ne manqueront pas d'intervenir d'ici là : François Fillon a d'ailleurs toujours parié sur le fait que Nicolas Sarkozy serait rattrapé par ses ennuis judiciaires avant l'échéance.
S'il ne peut pas jouer sur sa popularité face à ses rivaux, l'ex-Premier ministre mise sur la qualité de ses propositions, et compte s'imposer sur le long terme. "C'est très long de préparer un projet présidentiel" expliquait son bras droit, Jérôme Chartier, à francetv info, en septembre. "Il a raison de marteler ses idées, car cela met toujours du temps à imprégner l'opinion", concédait de son côté Hervé Gaymard, un ancien soutien passé dans le camp de Juppé.
Reste à savoir si deux ans suffiront à Fillon pour réparer les dégâts de cette affaire dont l'épilogue n'est pas encore connu.
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