Que reproche-t-on à Christine Lagarde, convoquée dans l'affaire Tapie ?
La patronne du FMI est convoquée par la Cour de justice de la République aujourd'hui en vue d'une possible mise en examen. Retour sur une affaire qui a coûté 390 millions d'euros à l'Etat.
Elle s'est dite sereine mais c'est l'audition de tous les dangers. Christine Lagarde est convoquée, jeudi 23 mai par les juges de la Cour de justice de la République (CJR) dans le cadre de l'affaire Tapie. Il est reproché à l'ex-ministre de l'Economie d'avoir favorisé le truculent homme d'affaires dans le règlement du contentieux l'opposant à l'Etat sur la revente d'Adidas, en 1993. Elle pourrait être mise en examen après une audition qui s'annonce marathon.
Une procédure visant l'actuelle directrice générale du FMI est ouverte depuis l'été 2011 à la Cour de justice de la République (CJR) pour "complicité de détournement de fonds publics et de faux". Christine Lagarde, elle, dément toute malversation. Des perquisitions ont été menées à son domicile le 20 mars 2013. Retour sur les reproches qui pèsent sur l'ancienne ministre de l'Economie.
Une affaire à 390 millions d'euros
Bernard Tapie estime avoir été floué lors de la vente, confiée au Crédit Lyonnais, à l'époque établissement public. Ce litige a été soldé en juillet 2008 par une décision qui lui était très favorable : elle prévoit le versement par l'Etat de 390 millions d'euros à Bernard Tapie, dont 45 millions pour "préjudice moral".
Le détail qui fait tache ? La décision finale émane d'un tribunal arbitral, une structure privée qui a pris le relais de la procédure judiciaire. Christine Lagarde est aujourd'hui accusée d'avoir choisi cette procédure en 2007, contre l'intérêt de l'Etat, mais aussi de l'avoir mal encadrée.
Le choix du recours à l'arbitrage contesté
C'est le point décisif dans cette affaire, et celui qui interroge le plus sur les motivations de la ministre. A l'époque, en 2007, la procédure judiciaire semble en effet tourner à l'avantage de l'Etat : la cour de cassation a cassé la décision rendue en cour d'appel, qui octroyait 135 millions d'euros à Bernard Tapie.
Malgré cela, à Bercy, Jean-Louis Borloo – lui-même ancien avocat de Bernard Tapie – choisit d'accélérer la résolution du litige en se tournant vers une procédure d'arbitrage, sorte de procédé à l'amiable dans lequel trois arbitres sont chargés d'encadrer un compromis entre les deux parties.
Christine Lagarde, qui lui succède, maintient ce choix malgré des avis contraires au sein de son administration. En particulier, le directeur général de l'agence des participations de l'Etat explique, dans une note à la nouvelle ministre, que "le recours à l'arbitrage n'apparaissait pas justifié" et "pourrait être considéré comme une forme de concession inconditionnelle et sans contrepartie faite à la partie adverse", selon les investigations de la CJR rendues publiques par Mediapart en 2011.
Des irrégularités dans la procédure
Dans la procédure d'arbitrage en elle-même, deux points posent problème. D'abord, le choix des trois arbitres : selon l'usage, chaque partie choisit un arbitre. Puis les deux arbitres choisissent ensuite le troisième.
Mais ici, toujours selon la CJR citée par Mediapart, "le choix des arbitres n'apparaît pas conforme aux pratiques habituelles". La CJR souligne en particulier les liens de deux d'entre eux avec Bernard Tapie, une composition "d'emblée défavorable" à l'Etat.
Ce n'est pas tout : la CJR relève de nombreuses irrégularités dans le déroulé de l'arbitrage. En particulier, le texte initial encadrant la procédure, élaborée en concertation avec les deux parties, aurait été anormalement favorable à Tapie. Plus grave, les représentants de l'Etat semblent "ne pas avoir été informé régulièrement" de ses différentes modifications, selon la CJR.
Le choix de ne pas faire de recours incompris
La décision rendue par le tribunal arbitral en juillet 2008 a un retentissement considérable. Et pour cause : les sommes allouées à Tapie excèdent de loin celles attribuées par la décision de justice qui lui était la plus favorable, en 2005.
Or, des consultations d'avocats spécialisés "pouvaient laisser espérer une chance d'annulation de la sentence", explique la CJR, c'est-à-dire une forme de recours pour l'Etat. Malgré cela, la ministre a immédiatement "demandé par écrit aux administrateurs représentant l'Etat de s'exprimer en défaveur d'un recours en annulation".
Une ultime décision dont elle pourrait avoir à s'expliquer devant la justice dans le cas d'une mise en examen.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.