Comment Bernard Tapie aurait bénéficié d'une ristourne fiscale de plus de 50 millions d'euros
Selon "Libération", l'ancien ministre du Budget Eric Woerth a offert entre 54 et 83 millions d'euros de réduction fiscale dans l'affaire de l'arbitrage Adidas.
De nouvelles révélations dans l'affaire Tapie. Selon Libération daté du vendredi 25 octobre, Bernard Tapie a bénéficié d'un cadeau fiscal d'un montant de 54 à 83 millions d'euros sur les impôts à payer sur l'argent de l'arbitrage Adidas. Une ristourne "accordée en avril 2009 par le ministre du Budget de l'époque, Eric Woerth, contre l'avis de l'administration fiscale", affirme le quotidien. En 2008, à l'issue d'une procédure d'arbitrage aujourd'hui contestée, l'homme d'affaires avait touché la somme de 403 millions d'euros comme solde de son litige avec le Crédit lyonnais sur la vente d'Adidas. Francetv info revient sur ce nouveau volet de l'affaire.
Acte 1 : Tapie négocie
Libération, qui a eu accès au dossier fiscal de l'homme d'affaires, livre le récit de longues tractations entre le camp Tapie, la "cellule fiscale" du ministère du Budget (qui traitait les dossiers des personnalités) et le fisc. Pour Bernard Tapie, la fiscalité qui doit s'appliquer est celle des plus-values (à hauteur de 1,67%) alors que le fisc estime qu'il s'agit d'un impôt sur les sociétés, à 33,33%.
L'ancien ministre de la Ville de François Mitterrand multiplie les réunions, les négociations pour obtenir une réduction de sa facture. Il dîne notamment, selon Libération, dans un restaurant chic avec le directeur de cabinet d'Eric Woerth et le responsable de la cellule fiscale.
Le quotidien affirme même qu'une des réunions est "curieusement" organisée par Stéphane Richard, à l'époque directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy et aujourd'hui mis en examen, comme Bernard Tapie, pour "escroquerie en bande organisée" dans l'enquête pénale sur l'arbitrage.
Acte 2 : le fisc accepte un compromis
Il s'ensuit d'âpres négociations entre la cellule fiscale et le fisc. Ce dernier reste convaincu d'avoir raison sur le taux de 33,33%. Mais la cellule fiscale s'inquiète d'une possible action en justice de Bernard Tapie qui pourrait donner raison à ce dernier en raison du principe de l'"équité" fiscale, une notion toujours en débat.
Le fisc accepte finalement un compromis, qui lui apparaît "juridiquement solide", détaille Libération. Il prévoit d'autoriser Tapie à déduire 87 millions d'euros du montant imposable, en les requalifiant en dividendes. Ainsi, le taux d'imposition "passerait à 18,7%", note Libération.
Acte 3 : Eric Woerth réduit la note
Finalement, deux projets auraient été soumis à Eric Woerth. L'impôt s'élevait à 94 millions d'euros (en appliquant une taxation à 33,33%) dans le premier, et à 65 millions d'euros (à 18,7%) dans le deuxième. L'ancien ministre du Budget aurait choisi la deuxième option, tout en effectuant des "coupes" jusqu'à parvenir à la somme de 11,2 millions d'euros, affirme le quotidien. Eric Woerth aurait accordé cette ristourne en 2009, contre l'avis de son administration fiscale. En effet, le directeur juridique du fisc écrit au ministère que la solution retenue "n'est pas conforme à [ses] propositions", affirme Libération.
Pourquoi un tel cadeau ? Eric Woerth et son avocat n'ont pas encore réagi. L'ancien ministre est entendu jeudi et vendredi par la Cour de justice de la République dans l'affaire de l'hippodrome de Compiègne. Libération estime que l'enjeu est de savoir si le ministre a tranché seul ou "sous l'influence de l'Elysée". Dans les colonnes du journal, l'ancien directeur de cabinet d'Eric Woerth assure de son côté que son patron avait demandé que l'on suive le fisc dans ce dossier et que les modifications ne visaient qu'à "corriger des erreurs matérielles".
Acte 4 : Bernard Tapie s'estime encore lésé
De son côté, l'homme d'affaires se défend vivement. "Dire qu'on nous a fait un cadeau, c'est un pur scandale, c'est absolument monstrueux, ça ne repose sur rien, tonne-t-il. Tout est absolument faux." L'homme d'affaires assure au contraire que le fisc lui a fait payer "7 millions de trop" et qu'"un arrêt récent du Conseil d'Etat" dans une tout autre affaire lui donne raison sur le taux à 1,67%.
"Les discussions n'ont pas eu lieu avec Eric Woerth mais avec l'administration fiscale. Et je n'avais de toute façon pas la parole, puisque j'étais en liquidation", ajoute Bernard Tapie. Une fois encore, comme dans l'affaire de l'arbitrage, il se pose en victime.
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