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La condamnation de Jérôme Cahuzac marque-t-elle un tournant dans la lutte contre la fraude fiscale ?

L'ancien ministre du Budget a été condamné à trois ans de prison ferme.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, le 8 décembre 2016 à Paris. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

La sanction est tombée pour l'ancien ministre du Budget. Jérôme Cahuzac a été condamné, jeudi 8 décembre, à trois ans de prison ferme et cinq ans d'inéligibilité. Le tribunal a suivi les réquisitions du parquet national financier, qui a bataillé pour que ce procès ne symbolise pas une différence de traitement entre la délinquance de droit commun et celle en col blanc. "Dans le premier cas, l'emprisonnement est courant. Dans le second, il est rare, avait regretté la procureure Eliane Houlette. La fraude fiscale mériterait une répression plus douce ? Non, bien sûr que non, car la délinquance financière (...) propage l’idée qu’il existe une impunité des puissants et favorise les comportements de rupture."

En théorie, la fraude fiscale est passible de 7 ans de prison. Mais il est vrai que les fraudeurs ne se retrouvent généralement pas derrière les barreaux. D'abord, parce qu'il existe un "verrou de Bercy" : de nombreux cas sont réglés à l'amiable avec le ministère de l'Economie, seul habilité à lancer des poursuites en la matière. Ensuite, parce que les tribunaux prononcent peu de peines de prison ferme. Selon les derniers chiffres du ministère de la Justice, sur les 763 condamnations prononcées en 2014 pour fraude fiscale, 104 peines seulement comprennent de la prison ferme. Les délinquants écopent en général d'une peine avec sursis (527 cas). "De nombreuses infractions à la législation fiscale et douanière sont réglées par des voies non judiciaires", observe le ministère de la Justice.

Des fraudeurs condamnés à de la prison ferme

L'affaire Cahuzac marque-t-elle un tournant ou est-ce une exception, due au retentissement médiatique de l'affaire ? Quelques exemples récents laissent penser que la justice a décidé de condamner plus durement les fraudeurs. Deux ans de prison, dont un avec sursis, ont été requis mardi 6 décembre contre l'ancien entraîneur de football, Franck Dumas, lors de son second procès – il avait été condamné à trois ans de prison ferme en septembre. En mars, l'ancien joueur de Valenciennes, Jeovânio Rocha Do Nascimento, a été condamné à 10 mois de prison ferme.

En 2015, Arlette Ricci, dont le procès en appel se tient cette semaine, avait été condamnée à un an de prison ferme et un million d'euros d'amende pour fraude fiscale, blanchiment et faillite frauduleuse, l'une des plus lourdes peines prononcées dans ce type d'affaires. L'affaire Wildenstein, dans laquelle quatre ans de prison, dont deux avec sursis, et 250 millions d'euros d'amende ont été requis, pourrait venir s'ajouter à cette liste le 12 janvier prochain. 

Le "verrou de Bercy" toujours en place

Mais il est encore un peu tôt pour acter d'un changement de pied sur la question de la fraude fiscale. Toutes ces condamnations, celle de Jérôme Cahuzac comprise, doivent être confirmées en appel et restent encore loin des peines maximales prévues. "Il y a un décalage entre un discours offensif, dans lequel tous les gens du public se reconnaissent, et un réquisitoire très faible", avait regretté en septembre la sociologue Monique Pinçon-Charlot, en dénonçant "une classe sociale solidaire et mobilisée dans la défense de ses intérêts".

Les règles du jeu n'ont de toute façon pas fondamentalement changé : le monopole du ministère de l'Economie sur les poursuites pour fraude fiscale, le "verrou de Bercy" qui favorise les négociations à l'amiable plutôt que les poursuites judiciaires, a été jugé conforme à la Constitution cet été. Selon les estimations, la fraude fiscale coûterait entre 40 et 80 milliards d'euros par an à la France.

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