Affaire Karachi : pourquoi Takieddine est accusé de "faux témoignage"
Il aurait menti sous serment à l'un des juges instruisant l'affaire Karachi. Trois questions pour comprendre cette décision.
Ziad Takieddine sera bel et bien jugé pour "faux témoignage". L'homme d'affaires franco-libanais est accusé d'avoir menti sous serment à l'un des juges qui instruisent l'affaire Karachi, indique vendredi 23 août une source proche du dossier. Il est d'ailleurs mis en examen six fois dans ce dossier tentaculaire, notamment pour "escroquerie" et "blanchiment".
Soupçonné d'avoir voulu fuir la France, Ziad Takieddine est écroué à ce titre depuis le 31 mai. Il est toutefois libérable moyennant une caution de 4,3 millions d'euros - qu'il peine à réunir. Renvoyé en correctionnelle, il va devoir s'expliquer sur son témoignage, présumé mensonger, lors d'un procès. Pourquoi ? Trois questions pour comprendre.
Sur quoi Takieddine a-t-il menti ?
Plusieurs enquêtes sont menées de front dans le dossier Karachi. Le juge antiterroriste Marc Trévidic travaille, lui, sur les causes de l'attentat de Karachi (Pakistan) du 8 mai 2002, qui a fait 15 morts, dont 11 salariés français de la Direction des constructions navales. Son hypothèse est celle d'un lien entre cette attaque et la fin du versement de commissions en marge du contrat Agosta. Conclu en 1994, ce contrat porte sur la vente de sous-marins au Pakistan.
De leur côté, les juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire sont chargés du volet financier de l'affaire. Ils enquêtent sur un éventuel financement occulte de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, via des rétrocommissions sur des contrats d'armement, dont Agosta.
Soupçonné d'un rôle central dans ce schéma, Ziad Takieddine a plusieurs fois été interrogé et mis en examen dans cette instruction. Ainsi, en 2010, il a affirmé à Marc Trévidic n'avoir joué aucun rôle dans la conclusion du contrat Agosta. L'instruction a cependant démontré le contraire, a estimé le 13 août la juge Sabine Kheris, dans son ordonnance de renvoi.
L'enquête de la juge Sabine Kheris trouve son origine dans une plainte, en octobre 2010, de familles de victimes de l'attentat. Cette plainte porte sur l'audition en tant que témoin de Ziad Takieddine, le 15 avril 2010. Au juge qui l'interrogeait sur son éventuelle implication dans le contrat Agosta, il avait répondu : "Rien du tout, je n'ai rien eu à voir avec ça". Il a par ailleurs nié connaître Mercor France, une société ayant reçu des commissions sur les contrats d'armement.
Comment les juges ont-ils su qu'il avait menti ?
L'instruction a cependant démontré que Ziad Takieddine était impliqué dans un réseau censé jouer de son influence auprès de personnalités pakistanaises, et ce afin d'obtenir la signature du contrat d'armement avec la France. Selon l'ordonnance, il avait aussi des liens avec la société Mercor France.
Or, d'après Libération, un exemplaire du contrat laissait voir la trace du nom de Ziad Takieddine, inscrit sur une autre feuille au stylo à bille. De plus, une expertise graphologique indique que l'homme d'affaires a bien été impliqué dans la signature d'un contrat, d'après le quotidien.
Mais surtout, Ziad Takieddine a avoué. En septembre 2012, il a admis un rôle de facilitateur dans la conclusion de ce contrat. Le 20 juin 2013, alors qu'il était en détention, il a également reconnu de façon spectaculaire, devant les juges, une participation à un financement occulte de la campagne de Balladur. Ce jour-là, il a aussi mis en cause directement des proches de l'ancien Premier ministre, qui ont tous contesté ses accusations.
Que risque-t-il ?
S'il est condamné pour "faux témoignage", Ziad Takieddine risque jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende. Mais si la justice décide de le renvoyer devant un tribunal correctionnel pour les six autres charges qui pèsent sur lui, la sentence pourrait être bien plus dure.
Me Dominique Penin, un de ses avocats, a de son côté jugé "déloyale et anachronique" la procédure pour "faux témoignage", du fait de la poursuite, en parallèle, des instructions sur le fond du dossier Karachi.
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